jeudi 30 janvier 2014

On n'est pas des saints

On n'est pas des saints




Chanson française – On n'est pas des saints – Léo Ferré – 1967




Ces gens-là ont mis la croix partout, jusque sur le dos des ânes




Ah, Lucien l'âne mon ami, je te l'avais annoncée et en quelque sorte, promise, celle-ci.




Je n'avais pas oublié, mon ami Marco Valdo M.I., dit Lucien l'âne en souriant de son piano à mastiquer le son, et je me préparais à te rappeler ta promesse, car placer une nouvelle chanson de Léo Ferré dans les Chansons contre la Guerre, c'est un grand moment à chaque fois. Et puis, une chanson avec un pareil titre... « On n'est pas des saints »... Ça change du sirupeux évangélique dont on bassine nos jours et nos nuits. Jusqu'à la nausée... Imagine que ces gens-là, les mêmes que chantait Jacques Brel (Chez ces gens-là, on ne pense pas, Monsieur, on prie...) ont réussi à mettre des croix partout, jusque sur le dos des ânes... C'est tout dire. Laisse-moi te révéler une image qui me vient à l'esprit : le Vatican avec son Église, c'est un boa autour du cou de l'Europe... Il l'étouffe... La seule question sérieuse est comment desserrer cette étreinte mortelle, qu'ils ont mis plus d'un millénaire à disséminer et à insérer partout... Alors, cette chanson,vue ainsi, c'est une chanson qui sonne comme un étendard, comme un chant des gueux que nous sommes...




Donc, comme tu le vois, moi non plus, je n'avais pas oublié et tu as parfaitement interprété le sens profond de ce chant de révolte. « On n'est pas des saints ! », c'est en effet un peu, une paraphrase de notre « Noi, non siamo cristiani... » – Nous, nous ne sommes pas des chrétiens... Nous, les descendants de Cro-Magnon, comme on le disait naguère dans une autre chanson :


« Mais au milieu de toutes vos historiques prétentions,
Que faites-vous de notre ancêtre Cro-Magon ?
Qui aux temps de la préhistoire,
Sans crucifix, sans religion,
Sans en faire toute une histoire
vivait déjà dans nos régions. » [[38759]],


nous les mécréants qui existions bien avant que des esprits malsains inventent l'image tutélaire de Dieu, cet instrument précieux pour assurer la domination que les riches imposent par mille moyens aux pauvres. C'est ce que disait le bon curé Meslier, qui en connaissait un bout sur la question, vu sa profession. [[5393]]




Bref, Marco Valdo M.I., mon ami, cette Église et cette religion, comme toutes les religions du reste, c'est un instrument, une mise en scène , tout un cinéma afin de tromper le pauvre peuple et le berner, une machine de propagande du système pour mener les pauvres comme un troupeau... C'est la Propaganda Abteilung des riches dans la Guerre de Cent Mille Ans. Ah, les bons pasteurs, fidèles servants des abattoirs... Ah, ce discours évangélique à l'usage des bénis... Ma, noi, non siamo cristiani... Et nous menons tranquillement notre petit bonhomme de chemin, tissant le linceul de ce vieux monde crédule, croyant, religieux, déiste, clérical et cacochyme.






Heureusement !






Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.



On n'est pas des saints
Pour la béatitude
On n'a que Cinzano
Pauvres orphelins
On prie par habitude
Pour notre Pernod

Monsieur le curé
Se signe quand on passe
Comme s'il voyait
Le diable dans sa glace
Nous, on n' a rien dit
On n'est pas d'ici

Des boîtes à chansons
Que l'on nourrit d'oseille
Et d'accordéon
Et puis le patron
Qui montre sa bouteille
Pour des picaillons

Des clients par-ci
Qui arrosent leur peine
Des clients par-là
Qui boivent leur quinzaine
En zinc ou en bois
Au comptoir, on boit

On a le bras long
Le long de demoiselles
Qu'on met sur le dos
On fleurit le long
Le long de leurs dentelles
Qui font le gros lot

On se lève tard
Au soleil des caresses
Vers midi moins le quart
Juste après la grand-messe
On tire comme on peut
Le diable par la queue

Quand le beaujolais
Au Café du Commerce
Vide ses coteaux
Qu'on soit beau ou laid
Le soleil vous transperce
Comme un fin couteau

Si tu vis longtemps
C'est pas de Vichy-fraise
Mais d'un différent
Avec le Père Lachaise
Dans le zinc ou dans le bois
Un mort, ça boit pas !

On n'est pas des loups
Mais dans la bergerie
On file où ? Lonlaine
Pauvres manitous
On manie tout ce qui brille
Tout passe à la semaine

On est des chrétiens
Mais faut pas nous la faire
Sacré nom d'un tien
Vaut mieux que t'auras la paire
Chacun ses ennuis
On n'est pas d'ici

Ah ! Le joli son
Qui monte des bouteilles
Sonnant du bouchon
Comme un vieux clairon
Sur le champ des merveilles
Sonne du canon

C'est vers les midis
Que se gagnent les guerres
Quand on introduit
Le caporal Sancerre
Dans notre paradis
Qui n'est pas d'ici

Quand on sera des saints
On foutra tout, lonlaire
Ici, là ou là
On sera tous copains
Et dans le ministère
On fera la java, tiens !

Monsieur le curé
Entre deux vobiscums
Ira se rhabiller
À la façon des hommes
C'est ce qu'on lui dira
Quand on radinera

Quand on radinera.

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