BRIGAND
ON MEURT
Version
française – – Marco Valdo M.I. – 2011 (2013)
De
Carlo D'Angiò et Eugenio
Bennato
Oh,
mais, Marco Valdo M.I. mon ami, tu l'avais déjà publiée cette
version, cette version française de la chanson de Bennato... Ce
BRIGAND ON MEURT.
Certainement.
Et si je la republie aujourd'hui, c'est que je voulais la rafraîchir
un peu pour l'envoyer à un mien ami d'origine napolitaine qui vit
dans ces pays-ci et qui s'intéresse à ses racines et dès lors, au
sud et aux brigands. Je ne démêlerai d'ailleurs pas tous les fils
qui l'y conduisent. Il vit ici et y a passé toute sa vie (jusqu'à
présent...), car c'est un enfant de l'émigration (au départ), de
l'immigration (à l'arrivée). Pour le reste, il s'y reconnaîtra,
tout comme tu l'as reconnu. J'en reviens au texte de départ...
Être
sudiste en d’autres terres.
Voilà
les pensées que me suscite cette remarquable chanson.
Quoi
? Tu es du Sud... ?, toi Marco Valdo M.I. mon ami. Je ne l'aurais
jamais cru. Que je sois du Sud, moi, le somaro, l'âne, enfant
d'Apulée de Madaure (Tunisie, actuellement), je le comprendrais,
mais toi...
Quoi
? Tu es du Sud... ?, toi Lucien l'âne mon ami. Je ne l'aurais jamais
cru. Comment peux-tu prétendre cela, toi qui viens, tu l'avoues à
l'instant, du Nord, de l'Afrique du Nord... Tu vois, Lucien l'âne
mon ami, tout est relatif pour un enfant ou un âne du Niger ou
d'Angola, du Congo ou de la Tanzanie, tu es franchement du Nord.
Pareillement, un Padanien (si tant est qu'il en existe...) peut sans
doute se targuer d'être du Nord, mais il est franchement du Sud
quand on le regarde avec mes yeux ou avec des yeux danois, suisses,
autrichiens, luxembourgeois, hollandais, polonais, russes, finnois,
suédois, norvégiens... Bref, on est toujours au Nord ou au Sud de
quelqu'un ou de quelque part. Il faudrait camper sur le pôle pour
échapper à cette dichotomie. Encore qu'au pôle Sud, on soit au Sud
de tout le monde et au pôle Nord, au Nord de tout le monde. Ce qui
n'est vrai que pour une personne... À ceci près toutefois, que ce
sont des endroits inhabitables.
Marco
Valdo M.I., tu es un personnage plein d'humour et j'aime beaucoup
cette manière ironique de mettre à mal certaines prétentions
fondées sur une boussole folle. Mais cependant que veux-tu dire, toi
qui es très largement au Nord de toute l'Italie, quand tu me dis que
tu es du Sud ?
Eh
bien, tout remonte à la construction d'un État fantôme, imposé
aux peuples par les puissances séculaires, dont certaines ont depuis
disparu... L’Empire austro-hongrois, l'Empire russe, la Prusse et
toutes les principautés germaniques... Mais l’État qu'ils avaient
imposé par peur des Lumières est toujours là et opprime les
populations qui y habitent. Cet État, que je me garderai bien de
qualifier autrement en tant que tel, n'a – à proprement parler,
comme tous les États d'ailleurs, rien fait, rien décidé, rien
proposé, rien développé... Il fut et reste l'instrument de
certaines personnes, castes, partis, groupes, holdings, gangs... qui
ont tout intérêt à le maintenir en place, car en quelque sorte,
c'est leur raison d'exister. Il est loisible à chacun de donner à
ceux-là le nom qu'ils méritent à ses yeux.
C'est
précisément ce que nous reprochons aux États en général, dit
Lucien l'âne. Quand je dis nous, c'est moi, c'est toi, c'est le
peuple, ce sont les « somari ». Je te le répète : les
États sont les instruments de certaines coteries... C'est bien le
sens du Christ s'est arrêté à Eboli, c'est bien le sens de la
phrase des paysans sans terre de Lucanie (mais tout autant de ceux de
Sicile, de Calabre, de Sardaigne, d'Afrique du Nord, du Sud,
d’Amérique du Sud, d'Asie et d’ailleurs...). « Noi, non
siamo cristiani, siamo somari ». Jusqu'à présent dans
l'histoire des hommes, « L’État, c'est moi, l’État, c'est
nous » est une parole de riches, de puissants, de gens du
pouvoir. Leur seule légitimité, c'est d'avoir pris le pouvoir... De
quelque façon que ce soit... D'ailleurs, crois-moi, on prend
toujours le pouvoir par un tour de passe-passe, par force ou en se
fondant sur la tromperie (ils appellent ça des promesses
électorales)... Le pouvoir, c'est comme la richesse, on le prend
toujours au détriment des autres, des plus faibles, des crédules...
L’État est un instrument des riches dans la Guerre de Cent Mille
Ans qu'ils mènent contre les pauvres pour prendre le pouvoir, pour
garder le pouvoir, pour accroître leurs richesses, pour étendre
leur domination, pour assurer leurs privilèges, pour exploiter le
travail des pauvres, pour prendre la vie des gens et l'obliger à
s'épuiser à leurs profits. Par corollaire, toute participation à
la machinerie mise en place pour camoufler cette vérité implacable
est une pure et simple abdication de sa propre qualité d’être
humain, un ralliement au camp et à la société des riches dans la
Guerre de Cent Mille Ans et une acceptation de la responsabilité que
cette société (qui n'est pas la nôtre et à laquelle nous ne nous
rallions pas) endure dans la destruction des espèces vivantes,
toutes les espèces, y compris l'espèce humaine. La poursuite de la
richesse est la pire ennemie de la vie elle-même.
D'accord,
Lucien l'âne mon ami, mais ce n'était pas la question ici.
Quoique... Pour en revenir à mon qualificatif de « sudiste »
ou d'habitant du Sud... Il se réfère tout simplement à la
Wallonie, qui est une région du Sud, située sur le territoire de
l’État Belge... dont plus personne ne sait ce qu'il est, ni sa
raison d’être, hormis celle évoquée ci-dessus. Tout ce que je
peux en dire, c'est qu'ici aussi, le Sud est exploité par le Nord,
que les régions du Sud sont écrasées par la domination du Nord,
même si les gens du Nord prétendent à une autre vérité
historique, même si leur propagande affirme le contraire. Notre
région a subi et subit encore un destin similaire à celui des
populations de l'autre côté du mur : chômage, destruction
industrielle, misère croissante des services publics,
sous-équipement, privatisation accélérée... Bref, un destin de
Sud au sens où l'entend la chanson du jour. Il est temps que cela se
sache et que la propagande venue de notre Nord ne soit plus prise au
sérieux par personne, si tant est qu'il y ait eu un jour quelqu'un
pour y croire...
C'est
toujours ainsi avec la propagande, dit Lucien l'âne. Son but
principal est de faire prendre le faux pour le vrai, le mensonge pour
vérité, d'inverser offenseur et offensé... Et tant plus on en
remet, tant plus le mensonge est énorme, tant plus on arrive à y
faire croire... Mais nos amis italiens le savent bien eux qui ont
subi le fascisme et qui subissent aujourd’hui le bunga-bungisme.
Pour
éclairer ta lanterne, sache, mon ami Lucien l'âne, toi qui viens de
si loin, que les gens d'ici (ceux du Sud, ceux de Wallonie) n'ont
jamais, au grand jamais attaqué personne, n'ont jamais au grand
jamais exploité une population, c'est-à-dire d'autres gens, n'ont
jamais – comme tous les somari du monde ni envahi, ni conquis les
pays et les régions voisines ; ils n'ont jamais fait que se
défendre... Quant à la caste wallonne, cette couche de riches qui
exploitait la population wallonne, elle était tellement nulle
qu'elle n'aurait pu être conquérante ailleurs et par voie de
conséquence, elle n'a jamais pu exploiter... les régions du Nord...
Elle a d’ailleurs perdu son propre dominium dans le Sud... Quant à
obliger les populations du Nord à parler la langue en usage chez
nous (le français, qui est notre italien à nous), jamais au grand
jamais, il n'en a été question, jamais au grand jamais, ce ne fut
une volonté des populations du Sud – d’ailleurs leurs volontés
n'ont jamais été prises en compte... Elles ont même été
systématiquement étouffées, contrecarrées, écrasées... Mais
l'inverse est vrai... Pour quelque obscure raison que nous n'arrivons
pas à entrevoir, on nous impose contre notre volonté la langue des
deux tiers de la population de ce pays fantôme, de cet ectoplasme,
on l'impose dans l'enseignement, on gaspille des sommes folles à
vouloir l'inculquer (enfoncez-vous bien ça dans la tête !) à nos
enfants comme on nous l'a fait bouffer à nous-mêmes – sans trop
de résultat, je te rassure. On l'impose en matière d'emploi, elle
est cause de discrimination, y compris salariale. Comme disait Léo
Ferré, Y en a marre !
Oui,
tu as raison, Marco Valdo M.I. C'est là aussi un épisode de la
Guerre de Cent Mille Ans que les riches font aux pauvres pour
accroître leur richesse, renforcer leur domination, étendre leurs
pouvoirs, multiplier leurs profits... Car vois-tu, il en va des
régions ou des pays comme des hommes... les régions, les pays eux
aussi sont acteurs dans cette terrible guerre. Et pour cela aussi, il
nous faut avec « obstination et en sens contraire »
tisser le linceul de ce vieux monde mensonger, paré de propagande et
cacochyme.
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.
Nous
avons posé nos guitares et nos tambours
Car
cette musique doit changer.
Nous
sommes des brigands, nous faisons peur
Avec
le fusil, nous voulons chanter.
Et
maintenant, nous chantons cette chanson nouvelle
Tous
les gens doivent l'apprendre
Nous
nous foutons du roi Bourbon
Notre
terre est nôtre et on n'y touche pas.
Notre
terre est nôtre et on n'y touche pas.
Tous
les villages de la Basilicate
Se
sont réveillés et veulent lutter
Même
la Calabre est en révolte
Et
nous faisons trembler cet ennemi
Et
nous faisons trembler cet ennemi
Celui
qui a vu le loup et s'est épouvanté
Ne
connaît pas encore la vérité.
Le
vrai loup qui mange les enfants
C'est
le Piémontais que nous devons chasser
C'est
le Piémontais que nous devons chasser
Belles
femmes qui donnez votre cœur,
Si
vous voulez sauver le brigand
Ne
le cherchez pas, oubliez jusqu'à son nom,
Qui
nous fait la guerre est sans pitié
Qui
nous fait la guerre est sans pitié.
Homme
on naît, brigand on meurt
Mais
jusqu'au dernier, nous devons tirer
Et
si nous mourons, apportez une fleur
Et
malédiction pour cette liberté.
Et
malédiction pour cette liberté.
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