Version française – LA MAISON AU BORD DU FLEUVE – Marco Valdo M.I. – 2013
Chanson italienne - Una casa in riva al fiume – Riccardo Venturi – 2013
Sur l'air d'Un amore di Ricky Gianco
La
maison que vous voyez sur la photo est à quelques mètres de la
mienne, mais elle appartient à un monde disparu. C'est une très
vieille maison paysanne plurifamiliale qui lorsque l'Isolotto était
encore une étendue de champs, à savoir jusqu'aux années 50 du
XXième
siècle ; on ne sait pas comment elle survit, là sur une vieille
route qui, après être passée sous le pont de l'Indiano, se perd le
long de l'Arno entre un camp de nomades, une cimenterie et une
implantation militaire. À un certain point, elle devient un sentier
riverain jusqu'à l'embouchure de la Greve ; une ancienne campagne
violée par la ville. Mais cette chose que j'ai écrite, ne croyez
pas que soit une sorte de « ragazzo della via Gluck ».
C'est, par contre, l'histoire d'un de mes rêves les yeux ouverts qui
contraste avec la réalité.
Lorsqu'on
passe devant, au coin de la décrépite et poussiéreuse via
dell'Isolotto et de la via dello Scalo, dont le nom suppose quelque
port de barques disparu, on a d'étranges sensations. Il y a un an,
elle a été occupée par quelqu'un qui a dessiné sur la façade,
avec un écrit et une étrange et belle figure qui englobe une
fenêtre. C'est le style, que je connais bien , du squat ; mais,
actuellement, elle doit être habitée par quelqu'un qui ne veut pas
se faire voir. Et on imagine parfaitement qui cela peut être. Ce
sont les invisibles de nos villes, qui ne sont pas seulement
invisibles. Ils sont même inimaginables. Interdit même de se les
figurer, alors qu'ils agitent de pauvres linges et qu'on entrevoit un
fil de fumée.
Parfois
quand j'y passe, le rêve les yeux ouverts est toujours le même ;
elle est tellement grande, cette maison, que je voudrais la refaire,
ou mieux la rendre habitable, à ma mode. En conservant l'écrit et
l'étrange figure, et la transformer dans ce qu'elle a probablement
déjà été pour une période : un squat ouvert à tous, plein de
chats, de livres et de gens qui y vivent : rêve et lutte. C'est
une sorte de « rêve communautaire » que j'emporte au
travers de toute ma vie et que j'ai semé littéralement aux quatre
coins du monde. Les vieilles maisons paysannes qui tombent en ruine à
la périphérie des villes sont mon monde idéal, non par désir
d'« oasis » ; mais par désir de partage, d'idéaux, de
conscience. Ainsi je rêve, pour une minute ou toute une vie. À ce
point du rêve, cependant, intervient toujours la réalité. Le
présent. Les évictions forcées, les décapeuses, les démolitions.
Le monde que j'ai en tête, qui est par ailleurs bien plus simple,
succombe sous ce qu'ont en tête les patrons. Et je regarde la maison
au bord du fleuve avec ses invisibles et ses décombres. Ils
l'abattront, un jour, avant qu'elle ne croule toute seule. Jamais ne
rayonnera ce que j'ai en tête, il n'y a du reste personne pour qui
cela puisse arriver.
Et
alors, une certaine nuit, je lui dédie une chanson. Une chanson que
j'avais en tête depuis longtemps ; mais elle devait trouver, cette
fois, sa musique. Elle l'a trouvée, parfaitement adaptée à sa
structure métrique, dans la vieille et très belle chanson de Ricky
Gianco qui parle de tout autre chose (et dont je présente la vidéo
pour faire entendre la musique). Mais, peut-être, la mienne aussi
parle d'un amour, et d'un rêve, et d'une rage qui augmente. Je la
revois dans la nuit sombre du passé avec la vie qui y est passée,
avec ses visages et ses vies, avec la respiration énorme du temps
qui ne s'arrête pas. [RV]
Ah,
Lucien l'âne mon ami, cette « maison au bord du fleuve »
me rappelle une chanson française qui entretient avec elle je ne
sais quelle parenté...
Laisse-moi
donc deviner de quelle chanson il peut bien s'agir... N'est-ce pas
cette chanson de Nino ferrer intitulée : « La Maison près
de la Fontaine » ?[[41385]]
Bien
sûr que si... Cela dit, ne penses-tu pas que notre ami Ventu a
raison et que nos rêves sont parmi les ingrédients les plus
importants de la matière de vie ? J'ajouterai que les CCG
(Chansons contre la Guerre) sont un lieu étrange où grâce à ta
présence, on peut sauter allègrement par dessus le trou noir du
christianisme et retrouver le goût de la pensée et de la discussion
débarrassée du fléau de l'Être suprême.
Il me paraît à moi que cette canzone de Ventu est aussi l’histoire des CCG … Ce rêve qui se bâtit malgré et en dépit... Quant au fond de cette chanson et de la réflexion sous-jacente de Riccardo, je voudrais juste rappeler, à l'instar d'Allais, Monnier et tant d'autres, qu'on a bâti les villes à la campagne et qu'on a créé la campagne elle-même en des lieux où la main de l'homme n'avait jamais mis le pied. Ce qui était hier n'y est plus, ce qui est aujourd'hui n'y sera plus... De la disparition des gens et des choses, il n'y a pas à s'en faire. Du reste, Pottier disait : Du passé faisons table rase... Nous ne sommes rien, soyons tout... [L'internationale].
Cependant,
avant que tu ne conclues, je voudrais préciser que tout comme la
pipe de Magritte n'était pas une pipe, ceci n'est pas une
traduction...
De
fait, c'est juste notre manière de tisser le linceul de ce vieux
monde qui doit disparaître et laisser place au destin bariolé et
disert « entre les aubes et les couchants ». Vieux monde
où règnent par la force des matraques, des armées et des lois de
tristes personnages avides et cacochymes.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Une
maison au bord du fleuve, une maison un peu croulant,
Un temps, sans doute, y ont vécu et y sont morts des gens
Quand autour il y avait le ciel, quand autour il n'y avait rien
Jusqu'à ce que la ville avance avec son cri bouleversant,
On passe maintenant devant, devant son mur au dessin
Qui cache les deux-trois choses d'un désespéré
Les restes d'un dîner, des fantômes de cannettes
Matelas éventrés, mégots de cigarettes.
J'y vais parfois et l'envie me vient de la rêver,
De remettre entre ses murs la chaleur et la vie ,
Un désir mord ma chair et mes os et me prie
D'opérer une reconquête, de lui offrir un futur libéré.
Un temps, sans doute, y ont vécu et y sont morts des gens
Quand autour il y avait le ciel, quand autour il n'y avait rien
Jusqu'à ce que la ville avance avec son cri bouleversant,
On passe maintenant devant, devant son mur au dessin
Qui cache les deux-trois choses d'un désespéré
Les restes d'un dîner, des fantômes de cannettes
Matelas éventrés, mégots de cigarettes.
J'y vais parfois et l'envie me vient de la rêver,
De remettre entre ses murs la chaleur et la vie ,
Un désir mord ma chair et mes os et me prie
D'opérer une reconquête, de lui offrir un futur libéré.
Une
maison que tu ne connais pas,
Et qui jamais ne fut connue de toi,
Une porte que tu n'ouvriras pas
Quand tu la regardes et ne la connais pas
Et qui jamais ne fut connue de toi,
Une porte que tu n'ouvriras pas
Quand tu la regardes et ne la connais pas
Certes
je pourrais me rêver avec mes chats et mes copains
Barricader mes anarchies pendant que je remets en état les sanitaires,
Raccorder à l'infini le courant clandestin
Quand on se donne du bon temps et qu'on reste à rien faire,
On pourrait arroser de joie
De détritus et d'éclats cette banlieue,
À deux pas de ce champ aux parfums pénétrants
Aux yeux clairs et aux Mercedes aux sièges exorbitants,
Des accordéons étirés, et sous le bras, écoles et livres
Sur la via del Poderaccio, des vieux, des femmes aux fortes lèvres
Tandis que le ciel de printemps incendie l'espérance,
Mille vieilles maisons en fête, mille fleuves en partance.
Barricader mes anarchies pendant que je remets en état les sanitaires,
Raccorder à l'infini le courant clandestin
Quand on se donne du bon temps et qu'on reste à rien faire,
On pourrait arroser de joie
De détritus et d'éclats cette banlieue,
À deux pas de ce champ aux parfums pénétrants
Aux yeux clairs et aux Mercedes aux sièges exorbitants,
Des accordéons étirés, et sous le bras, écoles et livres
Sur la via del Poderaccio, des vieux, des femmes aux fortes lèvres
Tandis que le ciel de printemps incendie l'espérance,
Mille vieilles maisons en fête, mille fleuves en partance.
Cette
maison que tu n'as pas,
Et qui jamais ne fut à toi,
Une vie que tu ne vivras pas
Alors que tu la vis et ne le sais pas
Et qui jamais ne fut à toi,
Une vie que tu ne vivras pas
Alors que tu la vis et ne le sais pas
Et
j'imagine les entrecroisements du passé et du présent,
Terres brûlées avec nos outils pour bêcher l'inexistant,
Le paysan parle avec l'enfant pakistanais,
La fille de la campagne avec le vendeur népalais
La grand-mère à la fenêtre secoue la tête d'un adolescent
Et sa crête et lui sourit comme on sourit à un dément
Mondes submergés et mêlés, bariolés, désaxés,
Confusions des langues dans mes pensées armées
Avec les murs transparents de mes amours intermédiaires
Entre les aubes et les couchants où le fleuve est comme une mer
Qui ne veut jamais de frontières, qui ne veut pas limiter
Ni le demain ni l'hier, même pas le temps d'osciller
Terres brûlées avec nos outils pour bêcher l'inexistant,
Le paysan parle avec l'enfant pakistanais,
La fille de la campagne avec le vendeur népalais
La grand-mère à la fenêtre secoue la tête d'un adolescent
Et sa crête et lui sourit comme on sourit à un dément
Mondes submergés et mêlés, bariolés, désaxés,
Confusions des langues dans mes pensées armées
Avec les murs transparents de mes amours intermédiaires
Entre les aubes et les couchants où le fleuve est comme une mer
Qui ne veut jamais de frontières, qui ne veut pas limiter
Ni le demain ni l'hier, même pas le temps d'osciller
Cette
maison que tu ne connais pas
Que
je rêverai encore cette nuit
Cette
maison, tu le sais
Est
grande comme tes ennuis
Mais
ensuite je pressens des bruits et des regards clandestins
Tandis que vole le linge et qu'on frotte des allumettes,
Il n'y a personne aux fenêtres et le rien dans les herbettes
De canots pneumatiques et de misères, et de guerres et de destins,
Je perçois des souffles sales, peut-être une main
De vies méconnues qui sont venues de loin,
Je tire, je pousse ; en avant, en arrière ; le ciel se fait bleuâtre,
Déjà on voit à l'horizon la décapeuse du bourgmestre
Et les uniformes, les casques, les boucliers et les matraques de la police
Évacuation et sécurité, férocité et folie
Et maintenant tu vois ces visages mixtes aux vieux paysans
Et la maison au bord du fleuve se dissout dans le vent
Tandis que vole le linge et qu'on frotte des allumettes,
Il n'y a personne aux fenêtres et le rien dans les herbettes
De canots pneumatiques et de misères, et de guerres et de destins,
Je perçois des souffles sales, peut-être une main
De vies méconnues qui sont venues de loin,
Je tire, je pousse ; en avant, en arrière ; le ciel se fait bleuâtre,
Déjà on voit à l'horizon la décapeuse du bourgmestre
Et les uniformes, les casques, les boucliers et les matraques de la police
Évacuation et sécurité, férocité et folie
Et maintenant tu vois ces visages mixtes aux vieux paysans
Et la maison au bord du fleuve se dissout dans le vent
Une
maison que tu ne connais pas,
Et qui jamais ne fut connue de toi,
Quand tu y repasseras
N'aura jamais existé pour toi
Et qui jamais ne fut connue de toi,
Quand tu y repasseras
N'aura jamais existé pour toi
Vieille route maintenant barrée avec des blocs de
ciment,
Vieille maison là à se défaire avec ses spectres contre le vent,
Bâtisses fatalistes et là-haut le pont avec son trafic délirant
Tandis que je rentre à pied le regard un peu divagant,
Une maison au bord du fleuve, une maison un peu croulant,
Un temps, sans doute, y ont vécu et y sont morts des gens
Vieille maison là à se défaire avec ses spectres contre le vent,
Bâtisses fatalistes et là-haut le pont avec son trafic délirant
Tandis que je rentre à pied le regard un peu divagant,
Une maison au bord du fleuve, une maison un peu croulant,
Un temps, sans doute, y ont vécu et y sont morts des gens
Cette
maison que tu ne connais pas
Et
qui jamais ne veut mourir
Cette
porte tu l'ouvriras
Quand
avec ce monde tu pourras en finir.
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