jeudi 6 octobre 2022

La Banalité


 

La Banalité

 

 

Chanson française — La Banalité — Marco Valdo M.I. — 2022

 

 

LA ZINOVIE
est le voyage d’exploration en Zinovie, entrepris par Marco Valdo M. I. et Lucien l’âne, à l’imitation de Carl von Linné en Laponie et de Charles Darwin autour de notre Terre et en parallèle à l’exploration du Disque Monde longuement menée par Terry Pratchett.
La Zinovie, selon Lucien l’âne, est ce territoire mental où se réfléchit d’une certaine manière le monde. La Zinovie renvoie à l’écrivain, logicien, peintre, dessinateur, caricaturiste et philosophe Alexandre Zinoviev et à son abondante littérature.

 

 

 

LA ZINOVIE

Épisode 1 : Actualisation nationale ; Épisode 2 : Cause toujours ! ; Épisode 3 : L’Erreur fondamentale ; Épisode 4 : Le Paradis sur Terre ; Épisode 5 : Les Héros de l’Histoire ; Épisode 6 : L’Endémie ; Épisode 7 : La Réalité ; Épisode 8 : La Carrière du Directeur ; Épisode 9 : Vivre en Zinovie ; Épisode 10 : Le But final ; Épisode 11 : Les nouveaux Hommes ; Épisode 12 : La Rédaction ; Épisode 13 : Glorieuse et grandiose Doussia ; Épisode 14 : Le Bataillon des Suicidés ; Épisode 15 : Les Gens ; Épisode 16 : Jours tranquilles au Pays ; Épisode 17 : La Région ; Épisode 18 : Mémoires d’un Rat militaire ; Épisode 19 : L’inaccessible Rêve ; Épisode 20 : La Gastronomie des Étoiles ; Épisode 21 : Le Progrès ; Épisode 22 : Faire ou ne pas faire ; Épisode 23 : Le Bonheur des Gens ; Épisode 24 : La Sagesse des Dirigeants ; Épisode 25 : Les Valeurs d’Antan ; Épisode 26 : L’Affaire K. ; Épisode 27 : L’Atmosphère ; Épisode 28 : La Nénie de Zinovie ; Épisode 29 : L’Exposition colossale ; Épisode 30 : La Chasse aux Pingouins ; Épisode 31 : Le Rêve et le Réel ; Épisode 32 : La Vérité de l’État ; Épisode 33 : La Briqueterie ; Épisode 34 : L’Armée des Chefs ; Épisode 35 : C’est pas gagné ; Épisode 36 : Les Trois’z’arts ; Épisode 37 : La Porte fermée ; Épisode 38 : Les Puces ; Épisode 39 : L’Ordinaire de la Guerre ; Épisode 40 : La Ville violée ; Épisode 41 : La Vie paysanne ; Épisode 42 : La Charrette ; Épisode 43 : Le Pantalon ; Épisode 44 : La Secrète et la Poésie ; Épisode 45 : L’Édification de l’Utopie ; Épisode 46 : L’Ambition cosmologique ; Épisode 47 : Le Manuscrit ; Épisode 48 : Le Baiser de Paix ; Épisode 49 : Guerre et Paix ; Épisode 50 : La Queue ; Épisode 51 : Les Nullités ; Épisode 52 : La Valse des Pronoms ; Épisode 53 : La Philosophie spéciale ; Épisode 54 : Le Pays du Bonheur ; Épisode 55 : Les Pigeons ; Épisode 56 : Les Temps dépassés ; Épisode 57 : La Faute à la Contingence ; Épisode 58 : Guerre et Sexe ; Épisode 59 : Une Rencontre en Zinovie ; Épisode 60 : La Grande Zinovie ; Épisode 61 : La Convocation ; Épisode 62 : Tatiana ; Épisode 63 : L’Immolation ; Épisode 6: Que faire ? ; Épisode 65 : Ni chaud, ni froid ; Épisode 66 : Le Congé éternel ; Épisode 67 : À perdre la Raison ; Épisode 68 : Les Sauveurs de l’Humanité ; Épisode 69 : L’Eau qui dort ; Épisode 70 : Le Régime en Place ; 071. Épisode : Un Conflit avec l’Étranger ; 072 : Petit Manuel de Survie ;


 

 

Épisode 73

 

 

 

 

PIERRE LE GRAND,

 

LE DÉBUT DE L’AUTOCRATIE

Ilia Zorkine — 2022

 

 

 

 

 

Dialogue Maïeutique

 

 

Ah, dit Lucien l’âne, pourquoi donc cette chanson s’intitule « La Banalité ».

 

Tout simplement, dit Marco Valdo M.I., à cause d’une réflexion faite par une des voix anonymes de la chanson, qui dit ceci :

 

« La vie serait d’une profonde tristesse,

Sans les marquis, sans les princesses

Une vie sans légendes, sans contes,

D’une insondable banalité, en fin de compte. »

 

En fait, comme toujours, il m’a fallu choisir un titre et il est rare qu’il y en ait un et un seul qui permette de caractériser l’ensemble des propos d’une chanson de ce voyage. La preuve en est que je suis généralement obligé de décomposer mon commentaire.

 

Oui, j’avais remarqué, répond Lucien l’âne. Et cette fois-ci ?

 

C’est pareil, répond Marco Valdo M.I. ; cette fois-ci, on pourrait décomposer en deux commentaires. Une partie (la première) raconte la Zinovie ; elle évoque les « grandes répressions et les camps de concentration » et les « millions de morts » ; ensuite, les ambitions démesurées du Guide actuel, en ça aussi, fidèle successeur des glorieux anciens bâtisseurs d’empire et du rêve qui depuis longtemps sert de justification au pouvoir.

 

« Les plus lointains de nos glorieux ancêtres

Avec génie, ont rêvé et conçu la Zinovie

Comme un grand empire et le meilleur être

Capable d’organiser pour toute l’humanité, la vie.

Dans l’égalité commune, tous bénéficieraient

De la justice et du bonheur d’être ensemble,

De travailler, de se distraire ensemble ;

Tous s’aideraient, tous s’aimeraient. »

 

Enfin, comme disait ma grand-mère, si tu ne crois pas celle-là, dépêche-toi de la croire quand même, car autrement, on t’en fera croire une autre.

 

Je vois, dit Lucien l’âne ; encore l’avenir radieux.

 

Oui, reprend Marco Valdo M.I. ; cependant, la dernière partie est décapante ; elle révèle le peu d’illusions qu’entretiennent les voix anonymes sur la réalité de ce rêve magnifique. Je te laisse découvrir tout ça.

 

Je m’y mets à l’instant, dit Lucien l’âne, et ensemble, tissons le linceul de ce vieux monde fallacieux, faux, fourbe, hypocrite, menteur, mensonger, insidieux, bancal, saugrenu et cacochyme.

 


Heureusement !

 

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane

 

 

 

En Zinovie, il y avait autrefois

Des ducs, des princes et des rois.

Ils profitaient à n’y pas croire,

On se raconte encore leurs histoires.

Pour servir et meubler les arrière-plans,

Des esclaves, des serfs, des paysans

Formaient le terreau de la nation

Et vivaient leur vie sans illusion.

La vie serait d’une profonde tristesse,

Sans les marquis, sans les princesses

Une vie sans légendes, sans contes,

D’une insondable banalité, en fin de compte.

 

Question histoires, en Zinovie,

On est servi pour la vie.

Grâce aux grandioses répressions,

Grâce à nos camps de concentration,

On peut nourrir toute une littérature

Sur la révolution et sa grandiose nature.

Que serait la France sans Napoléon ?

Que serait l’Égypte, sans les pharaons ?

En Zinovie, plus y a de morts –

Dans nos camps de concentration, ;

Il y en a eu plus de cinquante millions –

Plus le pouvoir du Guide est fort.

 

La Zinovie, hors frontières, compte à peine ;

Elle se contracte, elle rétréit à l’extérieur.

De son palais, le Guide la voit souveraine.

Normal, il vit replié à l’intérieur.

Les plus lointains de nos glorieux ancêtres

Avec génie, ont rêvé et conçu la Zinovie

Comme un grand empire et le meilleur être

Capable d’organiser pour toute l’humanité, la vie.

Dans l’égalité commune, tous bénéficieraient

De la justice et du bonheur d’être ensemble,

De travailler, de se distraire ensemble ;

Tous s’aideraient, tous s’aimeraient.

 

La question est : cela est-il possible ?

Ce serait compter sans la complexité

Sans les grands nombres et les individualités

Et la loi historique de l’impossible.

Le monde est bien trop compliqué

Pour permettre un idéal aussi simplifié ;

Plus on tente de l’approcher,

Plus on s’embrouille dans la réalité.

On fait pourtant de notre mieux,

Plus on veut y voir,

Plus on voit le brouillard.

C’est à désespérer de l’avenir radieux.

 

mercredi 5 octobre 2022

LA SOLITUDE

 

LA SOLITUDE


Version française — LA SOLITUDE — Marco Valdo M.I. — 2022

D’après la traduction italienne — LA SOLITUDINE — Gian Piero Testa — 2013

d’une chanson grecque — Η μοναξιάKaterina Gogou / Κατερίνα Γώγου — 1981

Texte : Katerina Gogou
Musi
que : Kiriàkos Sfetsas
Dis
que : « Sto dromo/Per la strada », 1981




MARCHÉ PUBLIC à ATHÈNES
 

Panayiotis Tetsis – 1985 circa





Je me suis mis en tête de traduire autant que possible du recueil de poèmes de Catherine Gogou, " Τώρα να δούμε εσείς τι θα κάνετε/Adesso vediamo cosa farete voi (Poesie 1978 — 2002) (À présent, voyons ce que vous ferez vous) ", publié cette année 2013 par les éditions Kastaniotis, Athènes, et que je possède en version électronique par un heureux coup du sort. Comme je le fais souvent, je commence par les textes mis en musique, ou accompagnés de musique, comme dans le cas de Gogou ; et au fur et à mesure que j’en trouve un qui me semble bon pour notre site, je l’envoie, en espérant qu’il intéressera les visiteurs. La question de savoir si, en fin de compte, il conviendra de réunir les morceaux qui sont séparées pour le moment, sera décidée en temps voulu par les consuls. (gpt)





La solitude…

N’a pas les yeux couleur d’inquiétude

De l’amour troublé.

Elle n’erre pas languide et apathique

Se traînant dans des discothèques

Et des musées gelés.
Elle n’a pas de cadres jaunes du “bon” vieux temps.

De boules de naphtaline dans les coffres de grand-maman,

De rubans violets et de chapeaux de paille surannés.

Elle n’écarte pas les jambes avec des rires étouffés,

Un regard bovin, des soupirs sifflants…

Et des dessous troublants.


La solitude

A la couleur des Pakistanais, la solitude

Et on la mesure carreau par carreau,

Morceau par morceau

Au pied de la cheminée.

Par tous les temps,

La tête de sueur trempée,

Dans la file d’attente, elle attend patiemment :

Burnazi — Ag. Varvara — Kokkinia

Toumba — Stavroupoli — Kalamaria.

Elle expire en criant, elle enchaîne les maisons.

Elle s’empare des moyens de production,

Met fin à la propriété.

Le dimanche, elle rend visite aux prisonniers,

Dans la cour, le criminel et le révolutionnaire ont la même allure.

Vendue et acheté: argent, argent, souffle par souffle.

À proximité de la place Klotziàs, au marché aux esclaves.

Au matin, elle se lève.

C’est une putain dans les maisons de mauvaise vie.

C’est le dernier tour de garde de la sentinelle,

Et le dernier kilomètre de la ROUTE NATIONALE — CENTRE

Pour la viande pendue à un crochet de la Bulgarie.

 Son sang se tarit et elle ne peut rien d’autre,

Car ils vendent son peuple,

Elle danse pieds nus un zebekiko sur la table,

Tenant dans ses mains gonflées

Une hache bien aiguisée.


La solitude,

Notre solitude, dis-je. Celle dont je parle

Dans nos mains, est une hache,

Au-dessus de vos têtes, elle tourne,

Tourne, tourne, tourne.


dimanche 2 octobre 2022

RÉPRESSION-DÉPRESSION


RÉPRESSION-DÉPRESSION


Version française — RÉPRESSION-DÉPRESSION — Marco Valdo M.I. — 2022

d’après la traduction italienne de Riccardo Venturi — Repressione. Depressione. — 2022

d’une chanson grecque — ΚαταστολήKaterina Gogou / Κατερίνα Γώγου1978


Chanson sans musique
Tirée du recueil “Ιδιώνυμο”, 1978

 

 

 


OPHÉLIE

Paul Steck — 1894


 

 

En italien (comme en français), la différence subtile entre “répression” et “dépression” est confiée à la consonne initiale. En grec, ce n’est pas nécessaire : καταστολή signifie les deux à la fois, et le grec outre qu’intrinsèquement sacré, est aussi une langue très lucide. En fait, il faut beaucoup de clarté pour comprendre que la répression et la dépression ne sont que les deux faces d’une même pièce, qui interagissent et sont cause et effet de l’autre ; la répression et la dépression dérivent toutes deux d’un ancien verbe signifiant « soumettre » ou « envoyer sous », κατα-στέλλω. Inculquer la dépression comme une forme extrême, efficace et décisive de contrôle, qui brise notre dernière défense sociale en faisant de nous des zombies en costume, des morts parmi les morts. Quelque chose, en effet, qui nous subjugue. Non, Katerina Gogou n’est jamais rassurante, comme ne peut jamais être rassurant celui qui décrit avec une extrême lucidité l’abîme et nos saisons en enfer. En 1978, deux de ses recueils de poèmes sont sortis : Τρία κλικ αριστερά, que nous avons déjà vu plusieurs fois, et cet Ιδιώνυμο ('Proprement dit') pour les éditions Kastanioti, un petit volume illustré par l’auteur elle-même. [RV].






Là où parmi elles, je distingue rasés, les creux

Que les gens nomment ordinairement les yeux,

Pousse une petite croix funéraire

Et une femme dépressive avec des lunettes noires

Avec en main, une laisse lascive,

M’y suit dans mes dernières heures,

Les grandes eaux lugubres des forces obscures

M’appellent à passer sur l’autre rive…

Morts brutalement dans leurs costumes, tombent

Dans les eaux des corps gonflés des tombes

Et à mon crâne s’accrochent, pétales de pierre,

Là où ma chevelure commence. Ils veulent vivre.

Ils ont faim, ils ont faim,

Ils ont tous faim…

À coups de dents, ils mettent en morceaux

Ma dernière défense sociale,

Ce que les gens appelaient mon cerveau

Et sans manger, sans pleurer, je m’affale ;

Je n’ai pas peur, je ne vois pas, je ne parle pas, je ne fuis pas, je ne résiste pas.

Je suis l’autarcique et phosphorescente, des morts, la proie

Je m’en vais au-delà.