samedi 7 juillet 2018

Le Combat de Lamme


Le Combat de Lamme


Chanson française – Le Combat de Lamme – Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux –
65
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel –
III, XXVII)






Dialogue Maïeutique



« Le Combat de Lamme » ?, s’exclame Lucien l’âne. Tu ne vas quand même pas me dire que Lamme va se battre et qu’il va le faire devant un public comme un lutteur de foire ; tu ne vas quand même pas prétendre qu’il se bat à mains nues tel un sumo contre un adversaire de la taille d’un ours.

Eh bien, si !, réplique Marco Valdo M.I., c’est très exactement ce que raconte cette canzone. Lamme exerce l’art du sumo ou de la boxe française et mieux encore, il sort vainqueur de cette étonnante confrontation. Que la chose désarçonne un peu, je l’admets, mais il faudra bien s’y faire. C’est la stricte vérité, c’est la réalité, mais comme tu l’as anticipé, c’est une vérité, une réalité en trompe l’œil.

En trompe l’œil ?, demande Lucien l’âne. Comment ça, en trompe l’œil ? Il n’y a pas de combat ? Lamme n’est pas le vainqueur ? Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Et d’ailleurs, pourquoi se bat-il, ce patapouf de Lamme ? Et contre qui ? Je me le demande.

À tant de questions, Lucien l’âne mon ami, je ne peux répondre d’un coup. Je commencerai par le plus facile. Lamme va vraiment se battre en un faux combat contre un batelier gigantesque qui est connu sous le nom de Pierre le Fort, c’est tout te dire. Un personnage énorme et d’une force légendaire, capable de porter une charrette pleine sur ses épaules. Pourtant, notre bonhomme va l’attaquer tout soudainement et le jeter à terre, l’immobiliser et l’obliger à demander grâce devant une foule de badauds ébahie. Voilà le résumé de la chanson, le compte-rendu quasiment sténographique de cet impérissable exploit.

Moi, je veux bien, dit Lucien l’âne, mais ça ne me paraît pas vraisemblable. On dirait un match de catch truqué. Voilà ce que j’en pense.

Et tu penses bien, Lucien l’âne mon ami, car c’est parfaitement ça. Même Lamme lui-même n’y comprend goutte et n’est pas certain de ne pas être en train de rêver.

Donc, c’est bien un combat pour du rire, comme disent les enfants de chez nous. Mais pourquoi soudain, Lamme le pus pacifique des hommes se lance-t-il à l’assaut de cette montagne de muscles lui qui a tout d’un Bouddha graisseux ?

Ce mystère, Lucien l’âne mon ami, je m’en vais te le dévoiler illico, même si ce faisant, j’enlève beaucoup de charme à la chanson. Pour ne pas trop abîmer le secret, je te dirai de réfléchir au chant de l’alouette et à la réponse du coq.

« Alors chante l’alouette primesautière,
Alors répond le coq altier ; »
Ce sont, comme tu le sais, les signes de reconnaissance des partisans du Taiseux et il s’agit tout simplement à ces conjurés de se rencontrer sans susciter de suspicion. Ce pourquoi ils doivent se rencontrer est explicité dans une autre chanson que je dois encore écrire.

Et pourquoi, Marco Valdo M.I. mon ami, Lamme gagne-t-il de haute lutte cette bagarre de Titans ? Peux-tu me le dire ?

Bien sûr, Lucien l’âne mon mai, mais ce sera dit dans l’autre chanson.Il te suffira de faire attention.

Fort bien, conclut Lucien l’âne, je ferai attention à ça et en attendant, reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde musclé, lutteur, bagarreur, truqué, sportif et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Divisant son armée en deux corps,
Albe fait marcher le premier
Vers le Luxembourg qui est un duché,
L’autre vers Namur et son fameux fort.

Marchant au bord de Meuse,
Till scrute tous les bateaux,
Il repère vite la sirène joyeuse
Qui rit à la proue d’un cent tonneaux.

Alors chante l’alouette primesautière,
Alors répond le coq altier ;
Jef et Jean, baissant les oreilles, se mettent à braire ;
Till gesticule, s’agite et se met à brailler.

Sur le fleuve, un batelier gagne le bord,
Brait et se moque de Till, Lamme et des ânes.
Oh, dit une femme, c’est Pierre le Fort,
Il lève sur son dos le cavalier et l’âne.

Hi han ! Hi han ! Hi han !
Sur le pont monte et brait un enfant.
Hi han ! Hi han ! Hi han !
La femme s’effraie, Till rit à pleines dents.

Ce Pierre si fort, dit Till
N’est pas de taille à lutter
Contre Lamme mon ami fort civil.
Hi han ! Font l’enfant et le batelier.

Tu fais le fort, Pierre ?
Si tu l’oses, viens à terre !
Moi, je suis Till Ulenspiegel
Et lui, c’est Lamme, mon ami éternel.

Hi han ! Hi han !, répond le batelier.
Venez, venez avec moi, batailler.
Venez sur mon bateau jouer du pied et du poing,
Ces hommes et ces commères seront témoins.

Moi, je suis Pierre et je n’ai peur de rien.
Till fait monter Lamme sur le bateau
Et Pierre dit : « Grosse baleine, vaurien ! »
Lamme furieux se lance sur lui aussitôt.

Et Lamme frappe et frappe encore,
Et le batelier tombe comme mort.
Lamme le prend à la gorge et dit :
« Demande grâce ! » et le batelier le dit.

jeudi 5 juillet 2018

Ami jusqu’à la Mort

Ami jusqu’à la Mort


Chanson française – Ami jusqu’à la Mort – Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux –
64
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel –
III, XXVI)

Lamme Goedzak


Dialogue Maïeutique 

« Ami jusqu’à la Mort », je pense, Marco Valdo M.I. mon ami, que tu choisis volontairement des titres aussi énigmatiques. Regarde celui-ci et son singulier ami au singulier ; moi, j’aurais mis ami au pluriel.

Évidemment, Lucien l’âne mon ami, c’est de cette façon que généralement on présente la chose. Et précisément, c’est pour cette raison particulière que j’ai mis ami au singulier ; comme tu le sais, le pluriel ne vaut rien à l’homme, car c’est la seule manière d’affirmer que cette devise – Ami jusqu’à la mort, concerne un seul individu ou plus exactement, elle se focalise sur l’opinion ou l’attitude d’une seule personne (même s’il se révèle après coup qu’elle n’est pas nécessairement univoque et que l’ami en question pense pareil), en l’occurrence, Lamme Goedzak, l’ami de Till.

Voilà qui éclaire ce singulier titre, dit Lucien l’âne, mais pas la chanson. De quoi parle-t-elle véritablement ?

En fait, Lucien l’âne, cette chanson est une sorte de bilan dressé par nos deux compères Till et Lamme qui sont ballottés au creux de la houle absurde de cette guerre de libération qui oppose, je le rappelle, les populations des Pays-Bas à l’occupant espagnol et à des affidés et qui oppose aussi la population à la répression catholique, menée tambours battant par l’Inquisition, à ses tortionnaires, à ses bûchers et à ses troupes de choc qui ravagent villes et campagnes. Un bilan général d’abord où il apparaît que les élites se sont ralliées à l’occupant et collaborent à la répression ; un bilan personnel ensuite où Lamme et Till font le point sur leur participation à cette guerre. Comme le révèle la chanson, Lamme a un tempérament plus réservé que Till et leurs caractères respectifs sont aussi tranchés que ceux de Don Quichotte et Sancho, dont je suis persuadé qu’ils sont de lointains descendants. D’ailleurs, Charles de Coster y avait certainement pensé quand il donna à Lamme le nom de Goedzak, qui signifie littéralement bon sac, gros sac, grosse panse tout comme Cervantès avait nommé Sancho Pança – panse, bedaine.

Oh, sûrement, dit Lucien l’âne, on pouvait le savoir depuis longtemps que Lamme n’était pas un foudre de guerre et que Till était plus audacieux. L’inverse aurait étonné tout le monde et comme toi, je vois très bien cette filiation littéraire et légendaire de ces héros en tandem sur des ongulés. Mais, il nous faut reprendre notre tâche et tisser le linceul de e vieux monde envieux, avide, jaloux traître et cacochyme.


Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



« Les nobles des Pays-Bas – par jalousie,
Le Taiseux ont trahi et aussi,
Les confédérés et même, le compromis
Qui protégeait les libertés dans la patrie.

Il ne reste, dit Till, que le populaire
Pour défendre la terre des pères. »
« Et nous, dit Lamme, on pérégrine
Entre la corde, la roue, le bûcher et la famine. »

« Oh, Lamme mon ami, ce n’est qu’un début,
Continuons, ce combat n’est pas perdu.
Nous allons avec des florins en nos gibecières,
Bien lestés de viande, de vin et de bière. 

Nous avons le certificat orné
Du cachet de cire du curé
Et nos passes et nos billets de confession
Et au service du duc par profession,

Nous vendons des indulgences
Par ordre exprès d’Albe et en confiance.
Nous vendons des choses catholiques
Pour ramener à la Sainte Église, les hérétiques.

Ainsi, chez les nobles fortunés,
Ainsi, chez les prospères abbés,
Ainsi, nous recevons la plus douce hospitalité,
Ainsi, leurs plans secrets nous sont dévoilés. »

Lamme dit : « C’est métier d’espions. »
Till dit : « Par droit et loi de guerre, nous devons ».
L’âne Jef s’arrête tout net et mange un chardon ;
L’âne Jean le rejoint et grignote un autre chardon.

« J’ai mis sur mon drapeau :
Vivre toujours à la lumière ;
De cuir est ma peau première ;
D’acier, ma seconde peau. »

Ainsi chante Till et ainsi, Lamme répond :
« J’ai la peau et le cuir bien mous,
Le moindre coup y ferait un trou
Et nous courrons par vaux et par monts,

Mais, loin des crêpes dorées, avec toi,
Till mon ami, sous les balles de plomb,
Contre les vilains soudards du roi,
J’irai à la mort en vrai compagnon. »

mercredi 4 juillet 2018

Les Fiancés de Mai


Les Fiancés de Mai


Chanson française – Les Fiancés de Mai– Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux – 63
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – III, XXV)








Dialogue Maïeutique

Au commencement, il y avait Till et Philippe, disait l’autre chanson, commente Marco Valdo M.I., une chanson qui montrait la face sombre de la Légende. Ainsi, à l’opposé, il a une face claire de la Légende qui est faite des amours de Till et de Nelle ; c’est le fil de la vie qui se dénoue et qui illumine la Légende. Cependant, on l’avait un peu perdue de vue.

En effet, dit Lucien l’âne, on se perdrait un peu au travers de ces massacres et de ces assassinats et les bûchers de l’Inquisition catholique ne faisaient qu’assombrir le paysage. Mais je t’en prie, dis-moi, mon ami Marco Valdo M.I., ce qu’il en est des Fiancés de mai.

Les Fiancés de mai ?, sans doute, Lucien l’âne mon ami, en as-tu entendu parler autrefois lors de tes pérégrinations ; c’est un de ces rites paysans ou païens qui se perpétuent dans les régions où subsiste une certaine ruralité. Il s’agit d’assurer l’avenir. En fait, le mois de mai est lui-même chargé de cette énergie de renouveau, c’est le moment, dans nos régions, où le printemps s’affermit et où l’année entre dans sa plus lumineuse saison. C’est aussi le moment des accordailles qui se font pour donner naissance au printemps suivant ; c’est le moment le plus propice pour faire bénéficier la génération des meilleures conditions de vie. Comme tu le sais, pour faire naître au printemps suivant, il faut s’y prendre à temps… 

Soit, dit Lucien l’âne, en voilà assez pour les considérations générales et en quelque sorte, anthropologiques ou sociologiques de la gloire de mai. Et si je ne t’interrompais pas, il y a de forte chance que j’aurais vu venir la légende du Joli Mois de mai, du bois de Chaville et Mai, mai, mai, du temps des barricades. Mais justement, j’aimerais mieux en savoir plus sur la chanson elle-même.


Certainement, Lucien l’âne mon ami. Tu as certainement raison de mettre le holà à mes débordements ethnologiques et de me ramener à ce qui doit être dit. Dans les faits, il s’agit de rappeler que Nelle existe, que pour elle, en l’absence de Till, la vie continue et qu’il faut qu’elle reste à la maison pour prendre soin de Katheline que la torture a rendu folle. Ce n’est pas un rappel anodin que celui-ci qui met en avant la nécessité de la solidarité et de la protection des plus faibles. Mais, mais, mais, Nelle est sollicitée par toute la société de Damme pour rentrer dans le giron commun, se laisser engluer dans le conservatisme social et ses figures rituelles et par cela, abandonner Till et son combat pour la liberté et l’indépendance de la pensée et de l’être. Ce que Nelle se refuse à faire ; pour elle, c’est aussi et hautement, l’affirmation de son individualité et de son droit à la rêverie et à la poésie. Voilà ce que raconte la chanson. Pour les détails et l’anecdote, il suffit de se référer au texte.

Je m’empresse de le faire et de reprendre notre tâche qui consiste à tisser le linceul de ce vieux monde engluant, conservateur, socialisant, enrégimentant, banalisant et cacochyme.


Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



En ce temps-là, Till vaguait au lointain
Pour défendre la liberté
Et les dames de Damme, un matin
Nelle viennent trouver.

Nelle, disent-elles, tu es celle
Qui de mai est la fiancée
Par tous les gars désignée
Pour te cacher dans les roseaux et les prêles.

Je vous remercie, mes sœurs,
Dit Nelle, souriante et confuse,
C’est un grand honneur,
Mais il faut que je refuse.

Nelle si fraîche, si sage, si belle,
Tous les garçons rêvent de celle
À la beauté si fière,
Que les commères disent œuvre de sorcière.

Si vous accusez Katheline de ce délit,
Vous êtes lâches, médisantes et bêtes.
La justice des hommes lui a brûlé la tête ;
Avec la fumée, s’en est allé son esprit.

« Ôtez le feu ! », il reviendra !
Accroupie dans son coin,
Katheline geint.
« Ôtez le feu ! », il reviendra !

Dans les hautes herbes, les fiancés de mai
Se dissimulent sans peine.
Celui qui trouvera celle-ci sera roi ;
Celle qui trouvera celui-là sera reine.

Et Nelle entend les cris de joie,
Et Nelle écoute la lointaine voix.
Commères, dit Nelle, mon cœur n’est pas ici,
Il vague au loin avec mon ami.

Mon ami Till, le libre esprit
Qui marche de pays en pays,
Semant partout les pépins de liberté
Qui poussent et repoussent dans l’éternité.

Nelle songe au doux temps
Où ardemment, elle cherchait
Dans les prêles, le fiancé de mai
Et trouvait Till son galant.

lundi 2 juillet 2018

Le Vautour triste


Le Vautour triste


Chanson française – Le Vautour triste– Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux – 62
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – III, XXIV)





Dialogue Maïeutique

Il te souviendra, dit Marco Valdo M.I., qu’au début de cette épopée, il y avait la confrontation entre Till et Philippe. Elle traçait de façon indélébile le portrait mental et moral de ces deux personnages emblématiques : Till toujours rit ; Philippe toujours est maussade. Till fait des niches et zwanze ; Philippe se confit en dévotions. Ainsi en allait-il dès leurs enfances si dissemblables.

Je me souviens, dit Lucien l’âne, de ces garçons que le destin avait marqué et déjà alors les opposait avec une grande netteté. Déjà, Till jouait gentiment avec les belles et se jouait comiquement des moines ; c’était déjà un joyeux bonhomme. Philippe déjà arrachait les pattes et les ailes des mouches ; c’était déjà un méchant homme ; la noirceur tapissait déjà son cœur. Mais au fait, Marco Valdo M.I ;, pourquoi dis-tu ça ? Pourquoi me remémores-tu cette chanson des débuts ?

Bonne question, Lucien l’âne mon ami, et je m’en vas y répondre dans l’instant et répondre en même temps à ton interrogation sempiternelle à propos du titre des chansons. Simplement, cette chanson du Vautour triste évoque la personnalité de Philippe, roi d’Espagne et cette chanson lui est consacrée. Les deux mots « vautour » et « triste » ont chacun leur place nécessairement.

Ah, dit Lucien l’âne soudain tout hérissé des pois du dos, un vautour. Je n’aimerais pas en rencontrer, ni même, surtout même, en voir un qui tournerait dans le ciel au-dessus de moi, comme il en tournait un au-dessus du guerrier dans le Vautour de la Paix :

« Le Vautour plane sur le pays
Et l’oiseau plus grand qu’une brebis,
Tournoie au-dessus de lui. »

C’est bien de cet oiseau qu’il est question, reprend ainsi Marco Valdo M.I., cet oiseau de malheur qui tournoie au-dessus de sa proie en attendant qu’elle meure. Dans le titre de la chanson, le deuxième mot triste le qualifie et les faits se conforment à sa personnalité profonde : le roi Philippe est un triste sire. Il est triste à perpétuité et il emporte partout une sombre et terne mélancolie, mais on le lui connaît aucune sympathie, aucune empathie. C’est un être vilainement constitué et malfaisant. C’est un sanguinaire, un assassin refoulé qui opère des crimes et ses meurtres par personnes interposées ; en son palais ou aux environs, il tue ses proches : son fils – Don Carlos, sa femmeIsabelle de Valois, le mari de celle qu’il convoite le prince d’Eboli et dans les pays sur lesquels il règne ou veut régner, il massacre : aux Pays-Bas, par l’entremise du duc d’Albe.

Que voilà un vilain oiseau !, dit Lucien l’âne. Je n’aimerais pas le rencontrer et il est heureux qu’il soit mort depuis longtemps. Cependant, il nous faut reprendre notre tâche et tisser le linceul de ce vieux monde envieux, lâche, sournois, meurtrier, sanguinaire et cacochyme.


Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Le roi Philippe en Castille,
Comme il fit toute sa vie, prie.
Il rêve de purifier les Provinces Unies
Et par le fer et le feu, de liquider les hérésies.

Philippe assis durant des heures
Rêvasse à la Rome d’autrefois.
Il se voit empereur,
Il ne le sera pas.

Il veut l’Angleterre et la France,
Et aussi, Milan, Gênes et Venise.
Il veut être le maître l’Europe entière
Et du reste de la Terre.

Il songe, mais ne rit pas ;
Le vin ne le réchauffe pas,
Ni le perpétuel feu de bois
Qui brûle dans son âtre de roi.

Don Carlos, son fils, devait être parfait.
Il le découvre fou et contrefait,
Féroce, méchant et laid.
Il le jalouse, il le déteste, il le hait.

Tous à la cour savent ce souci royal,
Ce fils meurtrier et agile,
Ce père sournois et habile
Qui vivent de cadavres en l’Escurial.

Philippe accuse : haute trahison.
Don Carlos gît en prison,
Son goût prononcé des figues vertes
Bientôt cause sa perte.

Philippe vit d’envie en costume de velours,
Il connaît de l’amour
Les charmes volatils et les parfums lourds.
Sur la princesse d’Eboli, il tombe en vautour.


Don Carlos, Isabelle de Valois,
Le Prince d’Eboli, mari effacé,
Philippe les fait tous enterrer
Et triste vautour, il ne pleure pas.

Et les médecins royaux répètent doctement :
« Le sang a cessé de couler soudainement,
Le cœur a cessé de respirer,
Les fonctions de la vie ont cessé. »