lundi 27 mars 2023

CELUI QUI N’A PAS TIRÉ

 

CELUI QUI N’A PAS TIRÉ



Version française — CELUI QUI N’A PAS TIRÉ — Marco Valdo M.I. — 2023

d’après la traduction italienne de Riccardo Venturi — UNO CHE NON HA SPARATO — 2015

d’une chanson russe — Тот, который не стрелялVladimir Semënovič Vysotskij / Владимир Семёнович Высоцкий1972





LES FUSILLÉS

Bernard Buffet — 1954



Dialogue maïeutique



Cette chanson, Lucien l’âne mon ami, est forcément un peu ancienne ; elle a au moins cinquante ans. Et son auteur-interprète Vladimir Semënovič Vysotsky, dont il faut souligner la nationalité, la langue et la culture russes, est mort en 1980 et pour autant, son argument n’est en rien périmé ; tout au contraire, l’actuel Guide du Kremlin s’échine à donner une nouvelle actualité à cette chanson contre la guerre et le destin guerrier.


Oui, dit Lucien l’âne, j’ai entendu dire qu’il menait une guerre contre un pays voisin en s’échinant à lui prendre ses territoires, à massacrer ses populations et à enlever ses enfants. J’ai aussi entendu parler de crimes de guerre. Même si à mon avis, la guerre en elle-même est déjà le pire des crimes — du moins, dans le chef de l’agresseur.


Cela étant clairement fixé, reprend Marco Valdo M.I., j’ai actualisé — comme il se doit — ma version aux événements contemporains. On a donc finalement, l’histoire suivante. Un soldat russe envoyé envahir l’Ukraine, quelque part dans ce pays, laisse volontairement s’éloigner un « prisonnier ». Ce geste généreux n’est pas passé inaperçu de l’homme du FSB (dans la chanson d’origine : KGB) et celui-ci l’a dénoncé et le fait fusiller. Le soldat, qui a du bol, en réchappe ; est soigné et renvoyé dans son unité où bien évidemment, on le renvoie au combat. C’est là qu’il est tué. Voilà pour l’anecdote.


Oui, dit Lucien l’âne, mais ça ne me dit pas pour le titre est « CELUI QUI N’A PAS TIRÉ ».


En effet, répond Marco Valdo M.I. ; c’est une circonstance particulière qui mérite toute l’attention. Lors de la fusillade, au moment donc de fusiller le soldat, un des tireurs n’a pas tiré, dit la chanson et c’est ainsi que le fusillé en réchappe. C’est évidemment, imaginaire ; dans la pratique, le fusillé n’en réchappe jamais, car l’officier commandant le tir, vient — lorsqu’il survit, lui mettre une balle dans la tête pour l’achever. Il y eut cependant un cas lors de la Guerre de 14-18 (la préférée de Brassens), où au moins, un fusillé en réchappa ; le soldat François Hilaire Waterlot (https://www.france24.com/fr/20140902-grande-guerre-fusille-vivant-francois-waterlot-premiere-mondiale-soldat-francais) s’en est tiré par chance. De surcroît, habituellement, un des fusils est chargé à blanc, de sorte que chaque tueur peut penser que c’est le sien et qu’il n’a pas tué son camarade.


Oh, dit Lucien l’âne, on dirait une roulette russe, mais inversée.


Il y a donc « Un qui n’a pas tiré », continue Marco Valdo M.I. ; comme on le voit à la fin, le soldat « guéri » est renvoyé au combat et se fait abattre à sa première sortie en pleine campagne. Comme ce sera le cas du soldat français Waterlot.


À se demander si ça valait la peine d’en réchapper, dit Lucien l’âne.


Eh bien oui, répond Marco Valdo M.I., car lors de son séjour à l’hôpital, le « fusillé » a bénéficié des soins particuliers du personnel infirmier et tout spécialement, du « beau sexe ». Par parenthèse, ce fut certainement le cas de mon grand-père — gazé sur l’Yser, soigné dans un hôpital français derrière le front et qui y enleva une jeune (et jolie) infirmière — ma grand-mère. Comme on dit, ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants ; enfin, cinq. Pour en revenir à la chanson de Vysotsky et aux événements de son histoire, ils peuvent être adaptés — comme je l’ai fait — à l’actuelle guerre que la Russie mène en Ukraine.


Et comment donc, dit Lucien l’âne, ça me paraît évident. Il n’y a rien qui ressemble plus à une guerre qu’une autre guerre, même si on tente de camoufler la vérité de son crime sous un nom d’emprunt, si on invente — comme dans la tradition — une « opération de police Potemkine ». Ainsi, le mensonge fait toujours ressortir plus encore la vérité. Enfin, tissons le linceul de ce vieux monde bruyant, furieux, assassin, criminel et cacochyme.


Heureusement !



Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane





Ne pensez pas que je mens,

Non, ce n’est pas le bon moment.

Un matin, un peloton entier

M’a fusillé.


Mon sort si absurde et si dur

M’a conduit droit au mur.


Je connais l’auteur du pire,

Mais je ne peux pas le dire.


Mon commandant a voulu m’épargner,

On a insisté pour m’abattre ;

La section a suivi les ordres à la lettre,

Sauf un qui n’a pas tiré.


J’ai tiré un numéro noir ;

Mon destin était sans espoir.

Un jour, j’ai fait un prisonnier

Et je l’ai laissé aller.


Le type du FSB,

Un sbire zélé,

L’avait remarqué

Et m’a dénoncé.


En un dossier solidement bouclé,

Ensuite, il m’a fait condamner.

Personne n’y pouvait rien changer,

Sauf celui qui n’a pas tiré.


Le bras est tombé

Avec un « Feu ! » réglementaire

Et la salve m’a offert mon laissez-passer

Pour l’autre côté de la terre.


Alors, j’entends : « Il est vivant ! »

Emmenez à l’infirmerie ce gars-là !

On ne peut pas tirer dessus deux fois,

C’est le règlement.


Le médecin a soupiré

Et ôté les balles, stupéfait,

Moi, en secret, je parlais

À celui qui n’avait pas tiré.


Les blessures, je ne les ai pas soignées,

Comme un chien, je les ai léchées.

À l’hôpital, par les infirmiers,

J’étais bien accepté.


Et tout le sexe faible, c’est sûr,

De moi s’est amouraché :

« Hé, toi, le fusillé !

Je vais te faire une piqûre ! »


Notre régiment en Ukraine s’en est allé ;

J’y ai fait parvenir plein de sucre,

Pour le consoler de se battre…

À qui ? À celui qui n’avait pas tiré.


Je buvais du thé, du café

— parfois de l’alcool —

En bref : j’avais du bol.

Puis, à la guerre, on m’a renvoyé.


De retour au régiment,

« Je suis content de te revoir vivant.

Au combat, maintenant ! »,

M’a dit le commandant.


Je n’en demandais pas tant ; mugissant,

J’agonisais comme une bête sur le champ.

Un sniper m’a ajusté

Achevant de me fusiller.





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