LES FLOCONS BLANCS
Version française — LES FLOCONS BLANCS — Marco Valdo M.I. — 2023
d’après la traduction italienne — FIOCCHI BIANCHI — Riccardo Venturi — 2009
d’une chanson féroïenne — Hvítar flykrur — Frændur — 1986
NUIT D’ÉTÉ AUX FÉROÉ
Ingálvur av Reyni — 1948
Tórshavn, îles Féroé
En l’an de grâce 1979, je me suis retrouvé de passage dans les îles Féroé pour une escale de quelques heures. Juste le temps de débarquer, de me promener dans Tórshavn sous un blizzard de toutes sortes (eau mêlée de neige, vent à quatre-vingts à l’heure — et on était à la mi-juin…) et de remonter sur le bateau qui m’emmènerait en Islande. Quelque temps plus tard, un type que je connaissais et qui était également passé par les îles des Moutons m’a donné deux ou trois choses : des photocopies du seul manuel de conversation italo-féroïen (féroïen, féringien ou autre) et une cassette pirate d’un album récemment sorti de Frændur, les “Parenti” (Les Parents), le groupe de rock le plus célèbre de l’archipel, également accompagnée d’un paquet de photocopies avec les paroles. L’album, Frændur II, a alors connu un succès si retentissant qu’il a été l’album le plus vendu de l’histoire en langue féroïenne. Il y avait, dans cet album, une petite chanson que j’avais apprise par cœur à l’époque et qui m’a fait connaître, quelques années plus tard, dix minutes de popularité dans un bus florentin ; comme j’ai l’habitude de la chanter à voix haute, au moment où je la fredonnais dans un bus, j’ai été dévisagé par un couple à l’air incrédule qui m’a parlé dans une langue étrange. J’étais tombé sur le seul couple de Føroyingar (Feroïens?) qui visitait Florence. Je leur ai répondu en bafouillant quelque chose en islandais (une langue similaire, mais pas trop) et j’ai fini quand ils sont descendus à l’arrêt piazza del Duomo d’un air entre amusé et interrogatif. Le temps et les déménagements m’ont ensuite fait perdre à la fois la cassette et les photocopies. J’ai oublié le texte, à l’exception des deux premiers vers qui remontent parfois à la surface : hvùitar flikkrur leggia sé au greinar, tràii sgal nu hùila eina tùi, et de reproduire ainsi au mieux la prononciation. Passé, tout passé. Imaginez aujourd’hui quand j’ai réalisé qu’il y avait cette petite chanson sur YouTube, bon sang. Et que, en la réécoutant après des années de fracas, je me suis soudain souvenu du reste des paroles et me suis mis à la chanter en caleçon ce matin, seul à la maison. Si vous étiez passé par là, vous auriez vu une scène digne de finir sur YouTube, je le jure. Une jolie petite chanson d’amour sans prétention, chantée par Eyðun Nolsøe, qui est la sœur de Rani Nolsøe, le leader de Frændur dont la Wikipédia féroïenne me dit qu’il est toujours en activité. S’ils savaient ! Oui, sans prétention, mais un petit bout de ma vie que, comme toujours, je sauve ici en m’excusant. Je n’avais pas encore envie de le laisser partir. Je ne l’oublierai donc plus. Et peut-être aussi, pour ceux qui captent cette page, une chance d’entendre une petite et très ancienne langue [RV].
Les flocons blancs posés sur les branches,
L’arbre pourra se reposer un peu,
Les flocons se posent sur mes épaules
Et pèse sur moi le temps sombre
Qui maintenant m’encombre.
Un que j’aime me manque,
Un que j’aime tant me manque.
Suis-je blanc comme le bel arbre
Qui attend le soleil dans le froid ?
Tous les flocons vont fondre
Et deviendront mes souvenirs d’autrefois
Et je conçois mes affres :
Un que j’aime me manque,
Un que j’aime tant me manque.
Je sais ma peine, je sais mon manque :
Un que j’aime me manque,
Un qui m’aime tant me manque.
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