La Vie
Chanson française – La Vie – Léo Ferré – 1955
LA VIE
Léo Ferré – 1955
Dialogue Maïeutique
La Vie, dit Lucien l’âne, c’est toute une histoire.
Certes, Lucien l’âne mon ami, et Boris Vian avait excellemment résumé l’affaire en un court poème où il disait péremptoire comme il pouvait l’être : « La vie, c’est comme une dent. »
Soit, dit Lucien l’âne, mais cette chanson-ci n’est pas de Boris Vian.
Oui, elle est de Léo Ferré, répond Marco Valdo M.I. et elle est peu connue à présent du fait qu’elle est une de ses premières chansons – enregistrée en 1955 sur un disque 78 tours, tout dur et tout noir. Cela dit, dans cette chanson, on trouve déjà tout Ferré ; je veux dire l’homme et son tempérament assez caustique : canaille, gouailleur, drôle, léger, provocant, anar et dès lors, moraliste et philosophique. Comme tu le verras, c’est une chanson avec de la pensée dedans.
J’imagine très bien tout ça, répond Lucien l’âne, mais je ne sais toujours rien de la chanson elle-même. Si tu pouvais m’en dire plus, un peu, façon d’introduire la réflexion et de donner à la chanson sa pleine dimension.
Eh bien, Lucien l’âne mon ami, comme son nom le suggère, la chanson par le de la vie – qu’elle trouve ma foutue et les éléments qui lui donnent sens et l’animent : le cœur, l’argent, l’amour.
Joli trio, dit Lucien l’âne, qu’en dit-elle ?
Ah, continue Marco Valdo M.I., il me faut d’abord préciser l’antienne qui court tout au long et qui les qualifie chacun à leur tour – la vie, le cœur, l’argent, l’amour : « C’est une vieille peau ».
Oh, s’esclaffe Lucien l’âne, dans une version plus vingt et unième siècle, il faudrait y adjoindre le cul. Ça sonne bien, non ? « Le cul, c’est une vieille peau et on s’assied dessus ».
S’asseoir dessus, évidemment, répond Marco Valdo M.I., et ça fait la rime, en plus. La dernière strophe est en quelque sorte optative, elle ouvre sur une manière volontaire d’affronter le destin et conclut avec une bonne dose de fatale conviction et d’asinesque obstination : « D’ailleurs, nous on s’en fout, On vit !… » et j’ajouterais volontiers ce que disait ma grand-mère : « Moi, je m’en fous ! Je m’en fous tellement que je m’en fous ! »
Eh, dit Lucien l’âne, ça, Ferré l’aurait bien aimée, cette réflexion de ta grand-mère. Il ne nous reste plus qu’à vivre et à tisser le linceul de ce vieux monde décati, assoupi, chaotique, hérétique et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
La
vie,
C’est une
vieille
peau,
Mais quand c’est la sienne,
On
y tient.
Pardi,
Il n’y a
que ça qui
compte !
Dis, la vie,
Tu
es mal foutue,
Tu
as l’air d’une
fille perdue,
Tu
es fagotée comme
une sans foi ni
loi,
Qui croit en Dieu sait quoi
Et
qui se
fout de
tout d’ailleurs,
Mais
pas des coups au cœur.
Le
cœur,
C’est une
vieille
peau,
Une
peau de
tambour…
Taratata,
Ma
sœur,
C’est lui qui compte.
Dis, le cœur,
Tu
es mal
planqué,
Je
m’en fous, je
ne suis pas
gaucher,
Tu comptes les coups,
Pour finir où ?
Pan,
pan !
Dans un placard,
Pénard,
Où il
y a peau de
balle
Et
balai de
crin, mais pas
D’argent.
L’argent,
C’est
une vieille
peau,
Une
peau de chagrin
qui fait
Ding ding,
Tiens, tiens !
On fait ses
comptes !
Dis, l’argent,
Tu
es rien nickel
Dans ton papier
ficelle
Quand
tu n’es pas
là,
Nous on est là.
Copain,
Sans argent, on n’est
rien,
Mais rien du tout,
C’est tout.
Tu
as bien le
bonjour
De
l’amour.
L’amour,
C’est
une vieille
peau,
Une peau
de vison ou
bien
Tintin,
L’amour,
Ça fait des comptes.
Dis,
l’amour,
Tu
es tout ou rien,
Mais quand tu
es tout,
C’est fou,
Et quand tu
n’es
rien,
Alors tu n’es
rien du tout,
Faut mettre
les bouts
Surtout
Et puis s’en fout,
Mes
petits
Quand
on a toute
La
vie.
La
vie,
Une foutue
peau,
Mais comme
c’est la mienne,
Moi j’y tiens,
Pardi,
Pour moi,
ça compte.
Dis, la vie,
Sois bien foutue,
Aie l’air
d’une môme
cossue,
Mets ton beau pull
Des fois qu’on tourne
la boule
À
celui qui compte
les coups
Et qui,
Que, quoi, donc, où…
D’ailleurs,
nous on s’en fout,
On vit !…
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