Le Vase vide
Chanson française — Le Vase vide — Marco Valdo M.I. — 2022
LA
ZINOVIE
est le voyage d’exploration en Zinovie, entrepris par
Marco Valdo M. I. et Lucien l’âne, à l’imitation de Carl von
Linné en Laponie et de Charles Darwin autour de notre Terre et en
parallèle à l’exploration du Disque Monde longuement menée par
Terry Pratchett.
La Zinovie, selon Lucien l’âne, est ce
territoire mental où se réfléchit d’une certaine manière le
monde. La Zinovie renvoie à l’écrivain, logicien, peintre,
dessinateur, caricaturiste et philosophe Alexandre Zinoviev et à son
abondante littérature.
LA
ZINOVIE
Épisode
1 : Actualisation
nationale ;
Épisode 2 : Cause
toujours ! ;
Épisode 3 : L’Erreur
fondamentale ;
Épisode 4 : Le
Paradis sur Terre ;
Épisode 5 : Les
Héros de l’Histoire ;
Épisode 6 : L’Endémie ;
Épisode 7 : La
Réalité ;
Épisode 8 : La
Carrière du Directeur ;
Épisode 9 : Vivre
en Zinovie ;
Épisode 10 : Le
But final ;
Épisode 11 : Les
nouveaux Hommes ;
Épisode 12 : La
Rédaction ;
Épisode 13 : Glorieuse
et grandiose Doussia ;
Épisode 14 : Le
Bataillon des Suicidés ;
Épisode 15 : Les
Gens ;
Épisode 16 : Jours
tranquilles au Pays ;
Épisode 17 : La
Région ;
Épisode 18 : Mémoires
d’un Rat militaire ;
Épisode 19 : L’inaccessible
Rêve ;
Épisode 20 : La
Gastronomie des Étoiles ;
Épisode 21 : Le
Progrès ;
Épisode 22 : Faire
ou ne pas faire ;
Épisode 23 : Le
Bonheur des Gens ;
Épisode 24 : La
Sagesse des Dirigeants ;
Épisode 25 : Les
Valeurs d’Antan ;
Épisode 26 : L’Affaire
K. ;
Épisode 27 : L’Atmosphère ;
Épisode 28 : La
Nénie de Zinovie ;
Épisode 29 : L’Exposition
colossale ;
Épisode 30 : La
Chasse aux Pingouins ;
Épisode 31 : Le
Rêve et le Réel ;
Épisode 32 : La
Vérité de l’État ;
Épisode 33 : La
Briqueterie ;
Épisode 34 : L’Armée
des Chefs ;
Épisode 35 : C’est
pas gagné ;
Épisode 36 : Les
Trois’z’arts ;
Épisode 37 : La
Porte fermée ;
Épisode 38 : Les
Puces ;
Épisode 39 : L’Ordinaire
de la Guerre ;
Épisode 40 : La
Ville violée ;
Épisode 41 : La
Vie paysanne ;
Épisode 42 : La
Charrette ;
Épisode
43 : Le
Pantalon ;
Épisode
44 : La
Secrète et la Poésie ;
Épisode
45 : L’Édification
de l’Utopie ;
Épisode
46 : L’Ambition
cosmologique ;
Épisode 47 :
Le
Manuscrit ;
Épisode
48 :
Le
Baiser de Paix ;
Épisode
49 :
Guerre
et Paix ;
Épisode
50 :
La
Queue ;
Épisode
51 :
Les
Nullités ;
Épisode
52 :
La
Valse des Pronoms ;
Épisode
53 :
La
Philosophie spéciale ;
Épisode
54 :
Le
Pays du Bonheur ;
Épisode
55 :
Les
Pigeons ;
Épisode
56 : Les
Temps dépassés ;
Épisode
57 : La
Faute à la Contingence ;
Épisode
58 : Guerre
et Sexe ;
Épisode
59 : Une
Rencontre
en Zinovie ;
Épisode
60 : La
Grande Zinovie ;
Épisode
61 : La
Convocation ;
Épisode
62 : Tatiana ;
Épisode
63 : L’Immolation ;
Épisode
64 :
Que
faire ? ;
Épisode
65 :
Ni
chaud, ni froid ;
Épisode
66 :
Le
Congé éternel ;
Épisode
67 : À
perdre la Raison ;
Épisode
68 :
Les
Sauveurs de l’Humanité ;
Épisode
69 :
L’Eau
qui dort ;
Épisode
70 : Le
Régime en Place ;
071.
Épisode :
Un
Conflit avec l’Étranger ;
072 :
Petit
Manuel de Survie ;
073.
La
Banalité ;
074.
La
Ligne de Conduite ;
075 :
Les
Femmes de Zinovie ;
076.
La
Légende ;
077 :
Le
Devoir sacré ;
078 :
Les
nouveaux Soldats ;
079 :
Bruit
de Fond ;
080 :
Une
résistible Ascension ;
081 :
La
Zone interdite ;
082 :
Les Pommes ;
083 :
La
Normalité ;
084 :
L’Autorisation ;
085 :
L’Exclusion ;
086.
Quelle
Affaire ?
LES FILLES DE L’AUTOBUS
Iouri Pimenov — 1963
Dialogue Maïeutique
Assurément, Marco Valdo M.I. mon ami, ce titre doit être une sorte de symbole, une objectivation du réel.
C’est le cas, en effet, répond Marco Valdo M.I., et ce qu’il symbolise tel un totem, ce qu’il incarne à vrai dire, c’est la vie morne, terne et vide qui — à l’exception d’une très réduite minorité excentrique — est celle des citoyens de Zinovie et même de ceux qu’on doit considérer comme des privilégiés — les dirigeants. Eux aussi sont condamnés au terne, au morne, au vide et à l’ennui grisâtre de leur quotidien.
Oh, dit Lucien l’âne, ça me rappelle la chanson de mon ami le macchabée, un gars un peu maigre, qui chantait dans un amphithéâtre ; je te résume le morceau :
« Dans un amphithéâtre, il y avait un macchabée.
Ce macchabée disait ; « Ah, ce qu’on s’emmerde ici ! ».
Et à mon avis, il avait raison, reprend Marco Valdo M.I., pareil pour les dirigeants, comme le dit la chanson :
« Ça sue l’ennui et la sottise de chez nous.
Un bureau et son fauteuil, une table noire,
Un coffre-fort, des téléphones, des armoires
Un canapé, un guéridon, un vase vide ;
Aux murs, les portraits des chefs et du Guide. »
A-t-on idée, demande Lucien l’âne, à qui est la voix qui conte ces histoires, car elle me paraît assez courageuse ?
Oui, dit Marco Valdo M.I., c’est encore le veilleur de nuit qu’on imagine entrant durant son tour de garde dans le bureau du directeur. Il se lance alors dans une série de réflexions à propos du bureau, puis du directeur (qui est le symbole, l’incarnation, la personnification de tous les dirigeants de Zinovie) et ensuite, il enchaîne une méditation de plus en plus nostalgique à propos de sa propre vie pour conclure à la manière du Pauvre Rutebeuf que chantait Léo Ferré.
« Mes amis ont disparu,
Mes femmes ne me voient plus.
La nuit encore me supporte,
Le jour, la mort frappe à ma porte.
Ma vie amère n’en peut plus.
La peur ne peut pas tout ternir,
Tout ce qui m’était à venir
M’est advenu. »
Ah, dit Lucien l’âne, je le trouve décidément bien mordu, de réminiscences et de bribes de poésie ce veilleur de nuit. Ce n’est certes pas un reproche, tout au contraire. Quelle jouissance ! Ce sont là des clins d’yeux, des deux, des phares antibrouillard à travers les brumes du temps, fût-il bientôt millénaire et puis, ça ravive ces mots disparus que le brouhaha étouffe et pour un peu éteindrait.
Oh, dit Marco Valdo M.I., ne te désespère pas. Tiens, pour ce qui est de raviver, je ne saurais trop te conseiller de jeter un œil sur ces jeunes filles en rose (évocation triviale de la vie en rose) qui viennent colorer ce paysage trop gris monochrome et piquer au vif le soliloqueur.
Eh bien ou mal, d’ailleurs, reprend Lucien l’âne, après tout ça, il ne nous reste plus qu’à tisser le linceul de ce vieux monde en berne, terne, inerme, inerte, infirme, infernal et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
La profonde salle est immense
On dirait une piste de danse,
Meublée d’un ramassis d’horreurs.
C’est le bureau du directeur.
Un chef-d’œuvre du mauvais goût
Inhérent à chaque dirigeant,
Indépendamment de son rang.
Ça sue l’ennui et la sottise de chez nous.
Un bureau et son fauteuil, une table noire,
Un coffre-fort, des téléphones, des armoires
Un canapé, un guéridon, un vase vide ;
Aux murs, les portraits des chefs et du Guide.
Comme tout le monde, le dirigeant
Est né, a été petit enfant,
Sali ses couches, mangé la bouillie,
Fait pipi au lit, grandi en famille,
Fréquenté la maternelle, été à l’école,
Dans la cour, joué au foot, fait le mariole.
Et puis, été amoureux, et puis, élu.
Quelles aventures, quelles émotions,
Quelle épopée, quelles situations,
Quels glorieux combats, il a connus.
Soudain, un cri : « Qui commande ici ? »
La voix du Guide, le chef se fait tout petit.
Moi, je n’ai jamais eu à moi
Ni table, ni bureau, ni toit.
Le boulot est loin de mon logement,
Une heure et deux changements
Dans des autobus brinquebalants,
Pleins à craquer. Trois filles en rose,
À chaque tressaut, à chaque chaos.
Coincées tout contre mon dos,
M’accusent des pires choses.
On arrive en ville,
Il me faut descendre bientôt.
Avec tout ça, j’ai perdu le fil.
L’institutrice de mon enfance,
Enchifrenée, n’enseigne plus.
La vieille maison des vacances
Et le village n’existent plus.
Mes amis ont disparu,
Mes femmes ne me voient plus.
La nuit encore me supporte,
Le jour, la mort frappe à ma porte.
Ma vie amère n’en peut plus.
La peur ne peut pas tout ternir,
Tout ce qui m’était à venir
M’est advenu.
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