vendredi 30 décembre 2022

COMME LES HIRONDELLES



COMME LES HIRONDELLES



Version française — COMME LES HIRONDELLES — Marco Valdo M.I. — 2022

Chanson italienne — Come le rondiniChiara Patronella — 2017




LA MORT ET LA FEMME

Marevna — 1917




Dialogue Maïeutique


Tu vois, Lucien l’âne, quand on crée la version française d’une chanson, on est confronté à l’imaginaire d’une autrice ou d’un auteur, qui eux-mêmes sont mis en face des cheminements de leur imagination. En sorte que, finalement, il y a superposition des imaginations. On pourrait certainement évoquer la dérivation poétique, à la manière dont un bateau dérive sur l’océan poussé par un courant, tiré par le vent, égaré par les idées du capitaine.


Comme j’entends, dit Lucien l’âne, on est très loin de la traduction technique ou scientifique, dans lesquelles ce genre de dérive est assurément à proscrire ; là, il s’agit de trouver et d’employer le mot juste, sans trop se soucier de la sensation finale, de l’émotion et de ce genre de choses. Il s’agit d’être concret et pratique, il s’agit aussi d’être précis.


Ainsi, reprend Marco Valdo M.I., la version de la chanson — chose a priori poétique — se doit d’être elle-même poétique et de faire place à l’imagination initiale et la transposant en une imagination nouvelle et forcément différente, même si elle s’efforce de transposer au plus juste. C’est un peu comme un violon qui tenterait de transposer le bruit du vent. Je note au passage que les mots et surtout dès lors de façon quasi-exponentielle, les suites complexes de mots divergent d’une langue à l’autre ; reste aussi qu’il faudrait connaître comment les mots — pour chaque mot de sa propre langue — sonnent dans la tête de l’auteur d’origine.


Tout ça pour dire quoi ?, demande Lucien l’âne. Qu’est-ce que ça a à voir avec la chanson et les hirondelles ?


Tout, Lucien l’âne mon ami, tout. D’abord, il ne t’échappe pas que ces hirondelles sont à la fois des hirondelles, oiseaux migrateurs, et des humains, eux-mêmes migrateurs. C’est d’ailleurs ce qui constitue la plus grande partie de la chanson. Il s’agit de fuir une guerre, de traverser une mer, un océan, de se réfugier quelque part et de peut-être repartir.


Je crois comprendre, dit Lucien l’âne, qu’il y a autre chose.


En effet, Lucien l’âne mon ami, et je pense que c’est l’essentiel qui arrive tout à la fin : le choix de la mort. Bon ou mauvais choix ? La mort peut apaiser bien des tourments et on ne peut le savoir qu’en l’expérimentant. Peut-être en dialoguant avec elle ou avec lui, puisque Pratchett, par exemple, considère que Mort est un homme ou à tout le moins, un être masculin.


À mon avis, dit Lucien l’âne, ça dépend comment on le regarde ; Mort est peut-être un émule d’Éon. Je parle de ce chevalier, chevalière du temps de Louis XV, allez savoir. En tout cas, impossible de le vérifier comme on le fit à la mort du Chevalier d’Éon ; Mort n’est qu’un squelette vivant.


Arrêt, Lucien l’âne mon ami, cette divagation. Je reviens à la chanson, qui même si elle est bonne fille, n’apprécie pas trop d’être ainsi bousculée. Cependant, elle aurait bien tort, car quand même, je lui ai donné une seconde vie par-delà la mort qu’elle souhaitait.


Oui, sans doute, dit Lucien l’âne. En attendant, la situation des émigrés et des réfugiés est épouvantable et l’accueil qu’on leur fait souvent détestable. Dès lors, tissons le linceul de ce vieux monde tourmenté, inhospitalier, exécrable et cacochyme.


Heureusement !



Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane









J’avais une maison sans fenêtres

Où, dehors, j’entendais les bombes.

J’avais peur pour tous les êtres

Quand sonnaient les trombes.



Il y avait des soldats en uniforme,

Des hommes aux allures de bêtes ;

Les uns jouaient à viser les têtes,

Les autres s’effondraient sans forme.



Un beau jour, quelqu’un dit : « Partons ! »

Sur la commode, j’ai pris l’argent.

En donnant des coups, ils hurlaient « Allons ! »,

Je pleurais et je tremblais comme un enfant.



Les pieds nus vers une barcasse,

Dans un sac, j’emportais mon petit.

Dans le froid glacial, la neige nous prit ;

Les pierres seules faisaient notre paillasse.



Mais j’étais sûre de ce voyage

Vers le nouveau monde. Maintenant,

Il fallait seulement un peu de courage ;

La mer s’endormirait lentement.



Mais je voulais le faire ce voyage

Vers le nouveau monde. Maintenant,

Il fallait seulement un peu de courage ;

La mer s’endormirait lentement.



Quelque chose avait foiré,

Le nouveau monde avait des barrières.

Tous en file alignés et listés,

On n’avait pas l’air d’être leurs frères.



Des kilomètres et la fatigue de ce mirage

Pour se réveiller derrière un grillage

Et pas possible d’être acceptés,

On nous dit chaque jour : « Vous repartirez ».



Je voulais la vie des hirondelles fières,

Libres par-dessus les frontières,

Libres par-dessus la terre entière,

Sans souci des couleurs ou des barrières.



Je voulais la vie des hirondelles fières

Et libres par-dessus les frontières.

Mieux vaut maintenant la mort

Que dans ces prisons, une minute encore !



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