jeudi 13 octobre 2022

LA LUMIÈRE DÉLAISSE VITE NOS VIES



LA LUMIÈRE DÉLAISSE VITE NOS VIES


Version française — LA LUMIÈRE DÉLAISSE VITE NOS VIES — Marco Valdo M.I. — 2022

d’après la traduction italienne — COME FA PRESTO A ANDARSENE LA LUCE — Gian-Piero Testa — 2013

d’une chanson grecque — Πόσο νωρίς φεύγει το φως απ’ τη ζωή μαςKaterina Gogou / Κατερίνα Γώγου — 1981



Te
xte : Katerina Gogou
Musi
que : Kyriakos Sfetsas
Dis
que : Sto dromo/Sur la Route, 1981

 

 

 

 

L'ŒIL D’ATHÈNES




Pour éclairer ce poème de Katerina Gogou, pour la récitation duquel, confiée à l’autrice elle-même, Kyriakos Sfetsas a composé la musique en 1981, il faut essayer de se souvenir de la technique photographique avant l’irruption de la photographie numérique : quand on achetait et chargeait des rouleaux de pellicule, on calculait le temps et l’ouverture, développait les négatifs, puis faisait tirer des copies. La lumière de la vie est vécue comme ce qui permet de photographier ; et la vie qui entoure Katerina s’imprime dans les négatifs lugubres d’une réalité déformée, dégoûtante, névrotique, où les hommes sont réduits à l’état d’ombres, et dont on s’échappe soit en s’impatientant, soit, quand cela ne suffit pas, par de vains retours à un passé qui n’est lui-même déformé que parce qu’un avenir ne se dessine pas, soit par un pur défoulement et une provocation gratuite envers ceux qui acceptent cette vie inacceptable et s’y adaptent. Cependant, il y a encore un souffle d’espoir dans ce poème qui émerge dans les derniers vers, où un drapeau noir de l’anarchie semble capable de redonner de la lumière, du cœur et des chemins à l’humanité aliénée et déshumanisée.

Ce texte appartient à la collection Ιδιώνυμο (idem : c’est-à-dire le type de délit que la loi prévoit expressément et poursuit avec des peines plus graves ou plus légères que les peines génériques, selon que le comportement illégal est considéré comme un danger public particulier ou qu’il est plus justifiable au regard de l’éthique commune). (gpt)



Comme la lumière délaisse vite nos vies, mon frère…

À travers nos paupières allergiques,

La vie marche lentement sur nos ongles

Autant qu’on y adhère.

Elle s’efface… Ombre au coin de la rue.

Disparue.

Les ténèbres !

Une photo négative, les gens

Yeux rouges de loups piégés,

Aux prothèses étrangères — des crocs empruntés,

Pour s’en tirer un peu plus longtemps,

Les sangsues s’enfoncent dans nos gorges et sucent nos acnés.

Ce sont ceux du train, je m’en souviens bien,

Qui, à notre premier rêve de partir au loin,

Nous ont jetés sur les rails électrifiés.

Sacs vides sur un passage non surveillé

Comme un poids en trop chargé.

Ceux qui ont : “vécu” — entre guillemets,

Avec mille fusils nous tiennent en respect

De la terrasse de la compagnie du téléphone.

Dans nos chemises de coton, froides et moites,

Nous faisons comme si nous avions une capote

Et voyez, à nous tous une barre violette

Bat encore sous nos paupières.

Comme la vie est chère, mon frère

La qualité baisse, et le courage se dérobe,

Plusieurs fois — mais jamais n’abandonne.

Il y a les antidépresseurs, et par chance,

Penche la balance.

Il n’y a plus rien d’autre devant.

Je m’incline et je serre mes dents.

Je retourne en arrière, l’esprit sanglant

Je retourne en arrière pour me sauver

Et je ne sais où aller.

C’est la merde là aussi — comme on sait -

Partout des fers tordus et des trous d’obus

J’ai peur, je m’embrouille, je suis perdu.

Voici la porte ouverte du supermarché

Et j’entre sans hésiter

J’ai l’air d’un prédateur cherchant où est l’argent.

Et à trouver ce que je peux utiliser.

« Delirium Tremens », « Je veux voler »…

Je rassemble les chaînes stéréo et j’entends

Des airs différents pour chaque appareil

Et la sono à fond à trouer les oreilles.

Avec une paire de ciseaux Singer, ensuite,

Je découpe et j’agrandis leurs bouches.

J’y colle le baiser de la mort glaireux

Et en elles, je vide les psychotropes,

Les pharmacies et les pharmaciens avec eux.

Mort à Byzance aux putains de dynasties,

Aux interventions pacifiques, au diaphragme de mon amie,

Les tirages Kodak vendus et C. Stavrou

S’en est allé mourir où ?

Mort aux Immortels

Drapeaux noirs et ouvrir les feux rouges

— OUVRIR — la route, la bouche,

Les yeux, le cœur et la cervelle.

Ça ferait tomber la porte

Et le vieux film, pareil.

Non. Non, ne le faites pas, ne faites pas des hommes

Des négatifs noirs et de nous, des soleils.


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