lundi 26 septembre 2022

MA LIBERTÉ EST DANS MES SOULIERS

 

MA LIBERTÉ EST DANS MES SOULIERS


Version française — MA LIBERTÉ EST DANS MES SOULIERS — Marco Valdo M.I. — 2022

d’après la traduction italienne de Riccardo Venturi — La mia libertà sta nelle suole — 2022

d’une chanson grecque — Η ελευθερία μου είναι στις σόλεςKaterina Gogou / Κατερίνα Γώγου — 1978


Texte : Katerina Gogou
Musi
que : Sans musique ajoutée
"Τρία κλικ αριστερά », 1978







LES SOULIERS

Vincent Van Gogh — 1886



Autrefois on disait : « Chaussures cassées, et pourtant il faut y aller » ; cela faisait partie de la panoplie de la Résistance, non ? Maintenant, à y bien repenser, Katerina Gogou a dû être l’une des dernières non seulement à le dire et à l’écrire, mais aussi à le revendiquer : des chaussures cassées, trouées, défoncées, comme mètre de la Liberté (ce mot qui, en grec, figure aussi dans l'« hymne national » et sur lequel on peut mettre l’accent où l’on veut, eleftherìa, eleftherià, lefterià…). Il s’agit de la liberté essentielle : celle d’aller, tout simplement. Que ce soit « de haut en bas de Patissìon » ou à l’autre bout du monde. Seul celui qui va, qui erre, qui se meut, qui n’a pas de « poste fixe », qui ne reconnaît pas d’obligations et de devoirs, peut être vraiment libre ; et il n’y rien qui peut l’arrêter, pas même les clous jetés sur la route. Dans cet authentique (et en même temps arrogant et émouvant) manuel de l’anarchisme, Katerina Gogou se révèle extrêmement lucide, notamment en ce qui concerne les nombreux — “camarades” ou “renégats” (ce qui, en grec, se dit religieusement “apostats” ; Le grec, Il serait bien de se le rappeler toujours, est une langue d’essence profondément sacrée) — qui ont, en effet, ciré et verni leurs chaussures de diverses façons et couleurs variées, sans que ce vernissage n’ait pris et, surtout, en continuant à jacasser sur les chaussures cassées et la Résistance avec de belles chaussures de grand luxe aux pieds, des chaussures italiennes souvent. Ce qui reste, c’est notre rouge, rouge et maintenant indigne, déshonorant, fané et, plus que tout, extérieur. Une patine de peinture qui s’écaille avec le temps. Un rouge que rend encore plus précis le « rétablissement du noir ». [RV]




Ma liberté est dans les semelles

De mes galoches vagabondes.

Je dévergonde tout le monde,

Je balade mes souliers

À volonté.

Quand vous mettez votre dentier

Dans le verre avant de vous coucher,

Quand vous vous déshabillez,

Quand vous vous démenez

Pour vos héritiers

Dans votre entreprise,

Quand on enfonce l’idée dans votre calebasse,

Que vous mangez de la mayonnaise

Alors que c’est une bouffe dégueulasse,

Je marche dans mes godasses

Au-dessus de vos toits,

— Mais non, mon enfant, pas comme ça,

Pas comme Mary Poppins, cette idiote avec son balai —

Et ne peuvent recevoir ma chaîne,

Seulement ceux qui ont le même relais.

Pour vous, petits merdeux, j’ai de la peine,

Mais je ne peux me perdre avec vous,

Je ne veux rien savoir de vous.

Votre liberté est dissimulée

Dans les semelles de mes chaussures usées.

Le temps viendra où vous les lécherez,

Où « Miracle, miracle ! », vous crierez,

Ces chaussures ne sont jamais fatiguées,

Ces chaussures ne sont jamais pressées.


Quand je serai partie de là,

Paul, Myrtle, Myrto, même pointure, ils les porteront

Les clous que vous jetez dans la rue, ne les percent pas,

Dans votre glorieuse patrie, elles vous battront.

Compagnons de route et apostats,

Désespérés, votre temps viendra,

De peindre les vôtres,

Mais la peinture

Ne prendra pas, quoi que vous fassiez,

Quoi que vous donniez,

Ce rouge si rouge,

Ce rouge insolent est notre rouge.



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire