jeudi 4 août 2022

Une Rencontre en Zinovie

 




Une Rencontre en Zinovie


Chanson française — Une Rencontre en Zinovie Marco Valdo M.I. — 2022




LA ZINOVIE
est le voyage d’exploration en Zinovie, entrepris par Marco Valdo M. I. et Lucien l’âne, à l’imitation de Carl von Linné en Laponie et de Charles Darwin autour de notre Terre et en parallèle à l’exploration du Disque Monde longuement menée par Terry Pratchett.
La Zinovie, selon Lucien l’âne, est ce territoire mental où se réfléchit d’une certaine manière le monde. La Zinovie renvoie à l’écrivain, logicien, peintre, dessinateur, caricaturiste et philosophe Alexandre Zinoviev et à son abondante littérature.




LA ZINOVIE

Épisode 1 : Actualisation nationale ; Épisode 2 : Cause toujours ! ; Épisode 3 : L’Erreur fondamentale ; Épisode 4 : Le Paradis sur Terre ; Épisode 5 : Les Héros de l’Histoire ; Épisode 6 : L’Endémie ; Épisode 7 : La Réalité ; Épisode 8 : La Carrière du Directeur ; Épisode 9 : Vivre en Zinovie ; Épisode 10 : Le But final ; Épisode 11 : Les nouveaux Hommes ; Épisode 12 : La Rédaction ; Épisode 13 : Glorieuse et grandiose Doussia ; Épisode 14 : Le Bataillon des Suicidés ; Épisode 15 : Les Gens ; Épisode 16 : Jours tranquilles au Pays ; Épisode 17 : La Région ; Épisode 18 : Mémoires d’un Rat militaire ; Épisode 19 : L’inaccessible Rêve ; Épisode 20 : La Gastronomie des Étoiles ; Épisode 21 : Le Progrès ; Épisode 22 : Faire ou ne pas faire ; Épisode 23 : Le Bonheur des Gens ; Épisode 24 : La Sagesse des Dirigeants ; Épisode 25 : Les Valeurs d’Antan ; Épisode 26 : L’Affaire K. ; Épisode 27 : L’Atmosphère ; Épisode 28 : La Nénie de Zinovie ; Épisode 29 : L’Exposition colossale ; Épisode 30 : La Chasse aux Pingouins ; Épisode 31 : Le Rêve et le Réel ; Épisode 32 : La Vérité de l’État ; Épisode 33 : La Briqueterie ; Épisode 34 : L’Armée des Chefs ; Épisode 35 : C’est pas gagné ; Épisode 36 : Les Trois’z’arts ; Épisode 37 : La Porte fermée ; Épisode 38 : Les Puces ; Épisode 39 : L’Ordinaire de la Guerre ; Épisode 40 : La Ville violée ; Épisode 41 : La Vie paysanne ; Épisode 42 : La Charrette ; Épisode 43 : Le Pantalon ; Épisode 44 : La Secrète et la Poésie ; Épisode 45 : L’Édification de l’Utopie ; Épisode 46 : L’Ambition cosmologique ; Épisode 47 : Le Manuscrit ; Épisode 48 : Le Baiser de Paix ; Épisode 49 : Guerre et Paix ; Épisode 50 : La Queue ; Épisode 51 : Les Nullités ; Épisode 52 : La Valse des Pronoms ; Épisode 53 : La Philosophie spéciale ; Épisode 54 : Le Pays du Bonheur ; Épisode 55 : Les Pigeons ; Épisode 56 : Les Temps dépassés ; Épisode 57 : La Faute à la Contingence ; Épisode 58 : Guerre et Sexe ;




Épisode 59








DANS UNE CHAMBRE

Edward Hopper — 1931








Dialogue Maïeutique


À voir le titre, dit Lucien l’âne, on imagine une chanson toute simple, une chansonnette qui parle d’amour.


Ah, répond Marco Valdo M.I., c’est bien de ça qu’il s’agit, même s’il aurait pu être question d’un match de football ou d’une rencontre de tennis. Donc, l’affaire se passe en Zinovie et ce n’est pas anodin. Encore une fois, il s’agit de voix anonymes qui ici, disent des choses de la vie de gens, un de ces événements extraordinaires du quotidien ; car, dis-toi bien, chaque événement de chaque vie de chacun est extraordinaire, même en Zinovie. Une rencontre et des gens qui s’interrogent mutuellement, pour savoir – on ne sait jamais – si des fois, ils pourraient s’entendre, se comprendre, un peu, beaucoup… On devine que ça se pourrait à travers ce bout de vers verlainien (« Qu’as-tu fais, toi que voilà… Le ciel est par-dessus les toits Paul Verlaine — 1881).


« Qui es-tu, toi que voilà ?

Quelle importance, une nana… »


En effet, réplique Lucien l’âne, une rencontre, on ne sait jamais, elle aurait pu avoir lieu au Congo, redevenu Burundi et se résumer à « Docteur Livingstone, je présume ? », mais en anglais.


Arrête de gamberger n’importe quoi, Lucien l’âne mon ami, et laisse-moi parler sans plus m’interrompre.


Ainsi, en Zinovie, reprend Lucien l’âne, il y a des rencontres amoureuses. Est-elle brève ? Tragique comme dans Shakespeare à Vérone ?


Brève, on n’en saura rien, répond Marco Valdo M.I., car elle n’est pas finie et la chanson se termine sur la proposition de la prolonger sine die. Tragique ? Apparemment pas, du moins à ce stade. C’est une rencontre ordinaire entre gens ordinaires dans un lieu ordinaire quelque part en Zinovie ; sans doute, en ville, sans doute dans une grande ville, peut-être même dans la capitale. Ce n’est pas dit. C’est un peu comme une pièce de théâtre, comme une entrevue à huis clos, telle que l’imaginait Jean-Paul Sartre. Qui sait ? Ce n’est pas dit. Disons dans une chambre, sise dans un appartement collectif, en fin de soirée et ceux qui se rencontrent n’ont rien d’adolescents romantiques – ni Roméo et Juliette, ni Fièvre du Samedi soir.


Alors, demande Lucien l’âne, pas de violette, pas d’amourette, pas de gigolette que susurrait Jean Constantin ; pas de grande déclaration, pas de palpitations de cœur ?


Non, dit Marco Valdo M.I., c’est juste un moment dans la vie d’un homme et d’une femme. Ils se connaissent depuis peu et ils se découvrent prudemment la possibilité d’un parcours commun. En fait, ce sont deux de ces millions de solitaires qui peuplent les villes de Zinovie et dont le quotidien n’a rien d’enthousiasmant ; un quotidien auquel il faut se faire, une interminable grisaille à vous foutre le cafard.


Holà, s’écrie Lucien l’âne, elle est triste ta chanson.


Oui et non, dit Marco Valdo M.I., comme dans la Chanson du Hérisson (La Chanson du Hérisson Henry Savaldor – Georges Brassens (qui était Le Hérisson) – 1975) que chantait Georges Brassens :


« Quelle est la fée dans ce livre

Qui me donnera l’envie de vivre ?

Quelle est la petite fille aux yeux bleus

Qui va me rendre heureux ?

« Il n’est plus triste le hérisson,

Elle a caressé la chanson.

Mais non,

Le Hérisson ! »


Le hérisson ?, demande Lucien l’âne, le hérisson ? N’est-ce pas lui le héros d’une chanson qui ne peut jamais se faire mettre ?


Je vois, Lucien l’âne mon ami, à ton œil que tu songes certainement à la chanson du hérisson de Nounou Ogg ; je te le dis tout de suite, ça n’a rien à voir. Nounou Ogg n’est pas une fée, c’est une sorcière. Avec ça, je ne sais plus où j’en étais. Et puis, il se fait tard et il n’y a qu’à la lire, cette chanson.


Bonne idée, dit Lucien l’âne, on aura quelque chose à découvrir et aussi de quoi réfléchir à la vie amoureuse en Zinovie. C’est ce que je vais faire illico. En attendant, tissons le linceul de ce vieux monde à la triste figure, éwaré, un peu sinistre, désolant, affligeant, navrant, lamentable, attristant et cacochyme.



Heureusement !



Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Qui es-tu, toi que voilà ?

Quelle importance, une nana,

Une Zinovienne ordinaire.

Une vie de grisaille existentielle.

Un peu d’études, célibataire,

Un petit gars à la maternelle,

Mon mari est parti après deux ans ;

Il m’a laissé les soucis et l’enfant.

Depuis la mort de mon père,

On vit à trois chez ma mère.

Tu es belle, j’aime t’écouter.

Si tu veux, tu peux rester.


M’est venue à force de solitude,

Une étrange et très commune habitude :

Seul, je me parle à moi-même.

Je ne me dis pas : je suis seul ;

Je dis toujours : tu es seul.

Pour moi, c’est un vrai problème.

Je me vois de l’extérieur.

La Zinovie produit à profusion

Une vie de pitoyable condition :

Des êtres seuls, des travailleurs

Diplômés d’études supérieures,

Sans perspectives, sans illusion.


Il y a de plus graves problèmes ;

Ta vie n’est pas un drame quand même,

Tu disposes d’une chambre individuelle,

Tu as des conversations personnelles,

Tu racontes des blagues, des histoires,

Tu sors, tu rentres, tu reçois tard.

Livres interdits, radios étrangères.

Rien de plus banal.

Il t’arrive même de lire le journal.

C’est la vie ordinaire.

On n’arrête pas tes connaissances ;

Tu peux encore dormir en confiance.


Tu n’as pas de raison de désespérer.

Des gens d’âge moyen séparés,

Pour la plupart divorcés,

Hétéros, homos, mères, pères,

S’associent par paires.

Presque tous s’en sortent

Et supportent leur sort de la sorte.

Le sexe n’a rien à y faire,

C’est une parade à la vie solitaire,

De quoi avoir chaud les nuits d’hiver.

J’aime ta barbe et ton café.

Si je peux, je vais rester.


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