MA ZONE DÉNUCLÉAIRE
Version française – MA ZONE DÉNUCLÉAIRE – Marco valdo M.I. – 2022
D’après la version italienne de Riccardo Venturi – 2022
d’une
Chanson russe – Я объявляю свой дом [безъядерной зоной !] – Ja obŭjavljaju svoj dom [bezŭjadernoj zonoj !] – Kino / Кино – 1985
Paroles et musique : Viktor Coj [Tsoi]
Album : Это не любовь… [« Ce n’est pas de l’amour… »)
VOLONTAIRE POUR TCHERNOBYL !
En y réfléchissant (pas mal), cette chanson date de 1985. Elle fait partie de l’album intitulé Это не любовь…, qui signifie : « Ce n’est pas de l’amour… » (tout comme le premier titre de l’album). En 1985, Viktor Coj (Tsoi), fils d’un de ces Coréens déportés par Staline en 1937 (la famille Tsoi était originaire d’un village de l’actuelle Corée du Nord), était déjà une légende du rock soviétique, aussi pauvre qu’il le restera jusqu’à la fin de sa courte vie, 23 ans et récemment marié à Marianne. Un fils lui est né en 1985. Il était si pauvre que sa femme disait qu’elle ne pouvait même pas se payer une robe de mariée. Ils vivaient dans un misérable petit appartement de Léningrad, qui n’était pas encore redevenue Saint-Pétersbourg, et dont la minuscule cuisine avait été ironiquement surnommée “Kamchatka” – le Kamchatka, comme nous le savons, est une vaste péninsule de l’Extrême-Orient russe qui salue de la main le Japon. Mais, comme nous le disions, nous sommes en 1985, et cette année a sa propre signification importante ; c’est l’année où Gorbatchev arrive au pouvoir après la mort « d’un refroidissement » d’un autre hiérarque soviétique, Konstantin Cernienko. En bref, la fameuse “perestroïka”, qui signifie littéralement “restructuration”, a commencé. Dans tout ce brouhaha de rénovations, de rhumes et de cuisines transformées en Kamchatka, Viktor Tsoi a eu une idée : déclarer sa maison « zone dénucléaire ». Une idée folle ? Cela aurait pu être le cas, si ce n’était ce qui s’est passé environ un an plus tard (le 26 avril 1986 pour être exact) dans une petite ville à la frontière entre l’Ukraine et la Biélorussie, je ne sais pas si quelqu’un s’en souvient, dont le nom commençait par “Cerno” et où se trouvait une centrale nucléaire bien plus grande que la cuisine de Viktor Tsoi à Léningrad. Comme s’il pouvait le pressentir. Notamment parce que de la maison, on passait à la cour, de la cour à la ville, puis à quelque chose d’indéfini et libre de menace. [RV]
Dialogue maïeutique
Aujourd’hui, Lucien l’âne mon ami, nous revoici à faire la version française d’une chanson russe du groupe Kino et de son auteur Viktor Tsoi, dont nous avons récemment proposé une autre chanson : Général et une autre encore : Demain la Guerre. Celle-ci s’intitule « Ma Zone dénucléaire ».
C’est un titre inquiétant, dit Lucien l’âne, car il semble renvoyer en creux, en négatif à un pays, une région, un monde marqué, inquiété, hanté par un danger nucléaire.
En effet, c’est bien ce que vise la chanson, répond Marco Valdo M.I., sinon – s’il n’y avait pas de danger pourquoi transformer sa maison en « zone dénucléaire », ce qui suppose évidemment qu’avant transformation, elle se trouve dans une « zone – pays, région, monde » nucléaire. Il nous reste à prendre en compte que cette chanson date de près de 40 ans et qu’elle a tout l’air d’être d’à présent. Elle s’inscrit fort bien dans le courant antinucléaire et dans la mouvance écologiste qui s’est développée depuis cette époque.
Oh, dit Lucien l’âne, il avait raison, Viktor Tsoi, du moins dans la version française de vouloir un univers dénucléaire. À mon sens, s’il n’y avait que le nucléaire, on pourrait sans doute en venir à bout et le remplacer par autre chose. Mais – et c’est un terrible mais – le vrai problème, c’est l’avidité et la boulimie énergétiques de l’humanité, de l’espèce humaine qui, telle une énorme parasite, tel un insatiable pillard, mange toutes les ressources de la planète et lui laisse ses friches et lui retourne ses déchets. Par exemple, nous les ânes, on se contente de tellement moins de bâtiments, de routes, de choses. Il faudrait « déchoser » le monde et ce n’est apparemment pas la voie qui est suivie actuellement.
À la réflexion, conclut Marco Valdo M.I., je me demande si l’humanité n’est pas nantie du gène du développement absolu et si elle pourrait s’en libérer, en quelque sorte échapper à sa nature prédatrice, à sa folle ambition de dominer le monde. Comme il était dit dans une autre chanson – Faire ou ne pas faire :
« Hé les hommes, que faites, vous ?
Il y a une morale, malgré tout. »
Et je proposerais volontiers d’ajouter ce refrain modifié :
Je déclare ma maison zone déchosée !
Je déclare mon jardin zone déchosée !
Je déclare ma ville zone déchosée !
Je déclare ma vie déchosée.
Enfin, répond Lucien l’âne, comme on dit : « Moins de choses, moins d’embarras, moins de tracas ». Maintenant, tissons le linceul de ce vieux monde boulimique, goinfre, adipeux, avide, aride (bientôt) et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Il y a quelque chose de faux dans ce refrain,
Mais où trouver qui l’écoute ?
Enfant désormais grandi, éduqué à la porte,
Maintenant vois le soleil, prends-le ! Il est tien !
Je
déclare ma maison zone dénucléaire !
Je déclare mon jardin zone dénucléaire !
Je déclare ma ville zone dénucléaire !
Je déclare mon univers…
Comme les murs des maisons sont incertains,
Si quelqu’un refuse d’y mettre la main.
Je vois la maison, je prends une craie.
Il n’y a pas de serrure, mais moi, j’ai la clé.
Je déclare ma maison zone dénucléaire !
Je déclare mon jardin zone dénucléaire !
Je déclare ma ville zone dénucléaire !
Je déclare mon univers…
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