samedi 8 janvier 2022

Les Gens

 


Les Gens


Chanson française – Les Gens Marco Valdo M.I. – 2022





LA ZINOVIE
est le voyage d’exploration en Zinovie, entrepris par Marco Valdo M. I. et Lucien l’âne, à l’imitation de Carl von Linné en Laponie et de Charles Darwin autour de notre Terre et en parallèle à l’exploration du Disque Monde longuement menée par Terry Pratchett.
La Zinovie, selon Lucien l’âne, est ce territoire mental où se réfléchit d’une certaine manière le monde. La Zinovie renvoie à l’écrivain, logicien, peintre, dessinateur, caricaturiste et philosophe Alexandre Zinoviev et à son abondante littérature.


LA ZINOVIE

Épisode 1 : Actualisation nationale ; Épisode 2 : Cause toujours ! ; Épisode 3 : L’Erreur fondamentale ; Épisode 4 : Le Paradis sur Terre ; Épisode 5 : Les Héros de l’Histoire ; Épisode 6 : L’Endémie ; Épisode 7 : La Réalité ; Épisode 8 : La Carrière du Directeur ; Épisode 9 : Vivre en Zinovie ; Épisode 10 : Le But final ; Épisode 11 : Les nouveaux Hommes ; Épisode 12 : La Rédaction ; Épisode 13 : Glorieuse et grandiose Doussia ; Épisode 14 : Le Bataillon des Suicidés



UN TOAST À LA SANTÉ DE NOS DAMES !

Marc Chagall – 1918







Dialogue Maïeutique




Nous revoici en Zinovie, Lucien l’âne mon ami, et comme dans tout bon voyage non-organisé, on peut baguenauder, voir ce que bon nous semble, on peut entendre ce qui se dit, on peut écouter le vent e la rumeur qui ronchonne ses quatre vérités.


Ah, dit Lucien l’âne, que peuvent être ces quatre vérités, que peuvent-elles apprendre au voyageur ?


En tout cas, dit Marco Valdo M.I., comme je vais le montrer la chanson énonce quatre vérités en quatre strophes.


Et puis, reprend Lucien l’âne interrompu, pourquoi ce « tout bon voyage non-organisé » ?


D’abord, répond Marco Valdo M.I., plus encore qu’ailleurs et sans doute aucun pour d’autres raisons l’habitude en Zinovie est d’offrir aux visiteurs cette sorte de « voyage organisé », formule qui de façon générale, permet de regrouper les participants, de réaliser de ce fait des économies d’échelle dans les moyens de transports et d’assurer une clientèle aux hôtels et aux lieux visités. Par ailleurs, on rationalise les itinéraires, on pratique des prix de groupe et on garantit aux touristes la visite des lieux qu’il faut avoir vus. C’est avantageux et ça donne satisfaction au plus grand nombre, qui est d’ailleurs venu pour ça : être allé à l’endroit où il faut et voir ce qu’il faut avoir vu. En Zinovie, comme dans les pays au mode de vie similaire, il faut y ajouter l’encadrement des groupes et une certaine surveillance, afin que les étrangers ne s’égarent pas dans les lieux qu’il ne faut pas voir et ne soient en contact qu’avec une population sélectionnée.


Moi, comme je l’ai toujours pratiqué, dit Lucien l’âne, j’opte nettement pour le « bon voyage non-organisé » et même, le cas échéant (et ça m’est souvent arrivé), pour un « mauvais voyage non-organisé » ou du moins, un de ceux pleins de rencontres et d’aléas imprévus. Moi, je préfère aller au petit bonheur la chance et j’ai une horreur viscérale du troupeau, même pacifique. Mais au fait, que chante d’autre la chanson ?


Eh bien, Lucien l’âne mon ami, elle fait écho à ce vent gronchon qui raconte cahin-caha la vie quotidienne en Zinovie. Elle le fait en quatre parties :

— La première chante les femmes de Zinovie ; c’est une évocation magnifique, mais un peu rude, qui se conclut à leur santé :

 

« Elles boivent des coups comme nous,

Ce sont de vraies femmes.

Un toast à la santé de nos dames ! »


— La seconde est consacrée aux rues et aux noms qu’on leur donne. Elle a un sens bien au-delà du tourisme, car elle énonce la raison profonde de ces noms de rues qui ont un rôle très glorificateur. Elle souligne à sa manière l’ironie de la chose, montre l’hypertrophie du phénomène, la suffisance de ceux qu’elles se doivent de célébrer :


« Pour des présidents, des généraux,

Des chefs et des héros de bureau,

On crée de nouvelles rues, constamment,

Et des avenues, des places avec des monuments. »


— La troisième partie parle du pouvoir et du but élevé, très élevé, que ce dernier assigne à la Zinovie toute entière :

 

« Tout pour l’avenir, tout pour le beau,

Faire le bonheur de l’humanité,

C’est le but de la nouvelle société.

Ici, en Zinovie, on crée l’homme nouveau. »


— La quatrième exprime la véritable situation des gens de Zinovie, la réalité dans laquelle il leur faut se débattre ainsi que leur profonde incapacité à atteindre le sublime objectif qui leur est assigné, car :

 

« La marche du progrès est bancale.

En vérité, la vérité est banale :

Il n’y a pas, il n’y aura pas

D’autres gens que les gens »


Holà, dit Lucien l’âne, elle en raconte des choses cette chanson, mais somme toute pas plus que les autres épisodes du voyage en Zinovie. Disons que c’est une étape fort peu touristique.


Un instant encore, Lucien l’âne mon ami, pour un dernier commentaire utile à la compréhension et la chanson et surtout, de sa démarche, c’est qu’elle met la Zinovie en balance avec un « là-bas » dont je laisse à chacun le soin de le resituer. J’ajoute que ce « là-bas », tel que le voit la vulgate zinovienne est le lieu de l’ultime perversion et son évocation sert à exalter la Zinovie et son avenir radieux.


Je vois, je vois, répond Lucien l’âne, j’ai déjà entendu parler de ce « là-bas » où, pour ce que j’en sais, tout n’est pas si bien ou si mal que certains le suggèrent. Enfin, tissons le linceul de ce vieux monde chaotique, contrasté, secoué, ballotté et cacochyme.



Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane




Là-bas, c’est le pays des records.

Ici, en Zinovie, on est meilleur encore ;

On a des cafards énormes et durs,

La nuit, ils mangent les ordures.

On a des femmes de deux mètres de haut,

Pour creuser des tranchées, vider les seaux ;

Des compagnes extraordinaires prêtes à tout,

À faire les courses, à ramasser les maris soûls.

Elles aiment les hommes costauds,

Elles boivent des coups comme nous,

Ce sont de vraies femmes.

Un toast à la santé de nos dames !


Là-bas, toutes les rues portent

Comme nom, un numéro.

Ici, chez nous, toutes rues portent

Un nom de chef ou de héros.

On en a des milliers et des milliers,

De ces farauds, de ces célébrités.

Pour des présidents, des généraux,

Des chefs et des héros de bureau,

On crée de nouvelles rues, constamment,

Et des avenues, des places avec des monuments.

Il y en a de tels contingents,

On doit changer les noms régulièrement.


Là-bas, à moitié fou, un ignorant

S’amène en courant ;

Il crie, il sème la panique

Et devient un personnage historique.

Ici, en Zinovie, tout est sous contrôle ;

Par sûreté, on surveille les gens ;

Ici, à vie, chacun connaît son rôle.

Stalone ou Foutine, le seul Guide, c’est le président.

Tout pour l’avenir, tout pour le beau,

Faire le bonheur de l’humanité,

C’est le but de la nouvelle société.

Ici, en Zinovie, on crée l’homme nouveau.


Ici, en Zinovie, on va changer le monde.

Changer l’homme sans hésiter une seconde.

L’homme nouveau est un songe.

Évidemment, les gens sont les gens

Et on ne peut pas changer les gens

Et l’homme nouveau est un mensonge.

La marche du progrès est bancale.

En vérité, la vérité est banale :

Il n’y a pas, il n’y aura pas

D’autres gens que les gens,

Les gens de toutes sortes qui sont là

Et les gens meurent lentement.





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