mardi 4 janvier 2022

Le Bataillon des Suicidés

 


Le Bataillon des Suicidés


Chanson française – Le Bataillon des Suicidés Marco Valdo M.I. – 2021




LA ZINOVIE
est le voyage d’exploration en Zinovie, entrepris par Marco Valdo M. I. et Lucien l’âne, à l’imitation de Carl von Linné en Laponie et de Charles Darwin autour de notre Terre et en parallèle à l’exploration du Disque Monde longuement menée par Terry Pratchett.
La Zinovie, selon Lucien l’âne, est ce territoire mental où se réfléchit d’une certaine manière le monde. La Zinovie renvoie à l’écrivain, logicien, peintre, dessinateur, caricaturiste et philosophe Alexandre Zinoviev et à son abondante littérature.


LA ZINOVIE

Épisode 1 : Actualisation nationale ; Épisode 2 : Cause toujours ! ; Épisode 3 : L’Erreur fondamentale ; Épisode 4 : Le Paradis sur Terre ; Épisode 5 : Les Héros de l’Histoire ; Épisode 6 : L’Endémie ; Épisode 7 : La Réalité ; Épisode 8 : La Carrière du Directeur ; Épisode 9 : Vivre en Zinovie ; Épisode 10 : Le But final ; Épisode 11 : Les nouveaux Hommes ; Épisode 12 : La Rédaction ; Épisode 13 : Glorieuse et grandiose Doussia ;


Épisode 14




LE CHAT ET L’OISEAU


Pablo Picasso – 1939








Dialogue Maïeutique




Comme le reste du monde, Lucien l’âne mon ami, la Zinovie est prise dans les tourments de la Guerre de Cent Mille Ans, que les riches et les puissants font aux pauvres et aux faibles afin de les dominer, de les obliger à obéir et à faire jusqu’à l’inacceptable – et il faut considérer sous cet éclairage cette histoire que conte la chanson, à savoir qu’il y a des puissants dans les deux armées qui s’y affrontent. Cela dit, comme dans le reste du monde, on peut aussi se demander quand la guerre a commencé et forcément, quand elle finira. Tout ça pour dire que la Zinovie connaît la guerre et les malheurs qui en découlent.


Oh, dit Lucien l’âne, je n’avais même pas imaginé qu’elle pût y échapper tant la guerre est inscrite dans le destin et les habitudes de l’humanité. Et donc, la chanson ?


Pour ta gouverne, reprend Marco Valdo M.I., la chanson est intitulée « Le Bataillon des Suicidés » – ici, il faut entendre des « suicidés contre leur gré », bien évidemment, car ils auraient volontiers vécu encore et longuement.


Je le pense bien, dit Lucien l’âne. Que raconte-t-elle précisément ?


Elle rapporte, reprend Marco Valdo M.I., un événement d’une guerre dans laquelle la Zinovie fut impliquée au cours du siècle dernier. Elle relate un épisode particulier, un de ces épisodes occultés, d’importance statistiquement tout à fait mineure face aux immenses hécatombes et pourtant, hautement significatif et carrément dramatique dans lequel est exposée dans sa nue crudité la logique comptable de la guerre industriellement conçue, de la guerre considérée comme un processus industriel et organisée en conséquence par des techniciens du massacre.


Qu’est-ce à dire ?, demande Lucien l’âne.

Figure-toi, Lucien l’âne, une ville, une ville au milieu de nulle part ; probablement, une ville entre rien et plus loin que rien. Une armée tient la ville et ses environs ; une autre armée – ici, la zinovienne – reçoit l’ordre de s’emparer de cette ville – coûte que coûte, mais quand même au moins cher, comme on va le voir. Après analyse et bilan – on dirait ici un « audit », elle conclut que le plan le moins coûteux en hommes et en matériel utiles pour la poursuite de l’attaque est de passer par le marécage, sur le côté droit de la ville, qui a été transformé en champ de mines et pour ce faire, de sacrifier – en clair d’envoyer sciemment à la mort tout un bataillon disciplinaire. On envoie toute cette troupe sans armes se faire exploser sur les mines et ensuite, pour ceux qui restent, d’aller se coucher sur les barbelés ennemis pour faire la planche afin de faire passer sur eux les bonnes troupes. C’est économique et mathématiquement, exact.


C’est économique, c’est exact, peut-être, dit Lucien l’âne, mais c’est sûrement abject. Cela dit, c’est la guerre et il n’y a pas de limites à sa méchanceté. Maintenant, il faudrait préciser quelque peu ce qu’est ce bataillon disciplinaire.


En effet, dit Marco Valdo M.I., voici ce dont il s’agit. Comme dans les autres communautés humaines, il y a dans les armées des récalcitrants, des indisciplinés, des gens qu’il convient de remettre au pas et de punir – même en temps de « paix ». Pour ce faire, il est créé des bataillons spéciaux au fonctionnement plus rude, plus spartiates. Il serait un peu illogique en temps de guerre de les mettre à l’abri dans des prisons loin du front. Par ailleurs, ce serait une perte de masses de manœuvre dont on a tant besoin ; on en fera donc des bataillons de la mort qu’on envoie les premiers au casse-pipe. Dans le cas du bataillon des suicidés, on va un cran plus loin dans l’odiosité du calcul d’économie : on ratiocine sur tout ; on les envoie devant sans arme, et pourquoi pas, sans un dernier repas.


Nous qui ne faisons pas la guerre militaire, dit Lucien l’âne, tissons le linceul de ce vieux monde calculateur, impitoyable, assassin et cacochyme.



Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane




La Zinovie connaît bien la guerre,

La guerre faite par les militaires.

Batailles, offensives sur le terrain ;

À l’état-major, tout est en ordre.

Il y fait chaud, on y mange bien.

Il y a des femmes aux ordres.

Demain, prendre la ville à tout prix.

Réunion des généraux pour décider

Comment s’en emparer.

À gauche, l’ennemi a tout prévu ;

De front, trop d’hommes et de matériel perdus ;

À droite, marais, bourbiers, mines et barbelés.


Pas le temps de déminer le bourbier,

De frayer un passage dans les barbelés.

Notre général en chef le sait,

Et l’ennemi sait qu’on sait.

Qui n’avance pas, recule.

L’état-major a une solution :

C’est juste un simple calcul

Des pertes et des gains de la division.

D’abord, au travers du champ de mines,

On envoie le bataillon disciplinaire.

Puis, sur les corps, avec l’armée régulière,

On passe derrière et on termine.


Dans le bourbier, il fait froid, très froid.

Il neige une neige mouillée,

L’autre nuit, il a gelé déjà.

Il pleut, il vente, la brume est glacée.

Aux pieds, des souliers percés,

Habillés de manteaux usés,

Sans armes, sans rien à manger,

Les disciplinaires doivent avancer.

Au dedans du marais, on les envoie.

Ils savent ce qui les attend là-bas.

J’ai quelque chose, moi ?

D’ailleurs, qui sont ceux-là ?


Le plus jeune, un gamin, est puni :

Retard de dix minutes à l’usine militaire.

Cinq ans de bataillon disciplinaire.

L’autre a montré à ses amis,

Une lettre envoyée par sa maman,

On lui a collé dix ans.

De ces disciplinaires affamés et transis,

Quelques centaines sur les mines explosés,

Quelques milliers couchés sur les barbelés,

Marchant sur leurs cadavres, on a pris

La ville. Ainsi l’ennemi, on a vaincu

Avec les corps du bataillon perdu.

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