PIOMBINO
Version française – PIOMBINO – Marco Valdo M.I. – 2021
Chanson italienne – Piombino – Tiziano Mazzoni – 2017
ACIÉRIE
Oswald Poreau – s. d. milieu du XXe siècle
Dialogue maïeutique
Lucien l’âne mon ami, si tu ne sais pas ce qu’est Piombino, sache qu’il s’agit d’une ville, d’un port, d’une cité ouvrière aussi dont l’industrie métallurgique a connu le destin commun à cette industrie ; elle passée de la croissance à la récession et de la récession à la reconversion en laissant derrière elle ce qu’on appelle pudiquement des friches industrielles, ce qui fait oublier que les hommes qui y œuvraient et leurs descendances (sur plusieurs générations) ont connu un parcours parallèle et similaire. On pense toujours à celui qui vient de perdre son emploi, on ne pense pas aux effets à long terme de ce gâchage. Piombino est située en Toscane, face à l’Île d’Elbe dont le sépare le canal de Piombino, large de quelques dix kilomètres tout de même. Cela dit, si on fait abstraction de son histoire de fer et de charbon, Piombino est un joli endroit ; il a des ambitions touristiques.
Oui, dit Lucien l’âne, je vois très bien ce qu’il en a été. Ce fut pareil dans de nombreuses régions. Aux bons temps, les gens en tiraient même gloire e ce passé fumeux. À Charleroi, un poète local, Jacques Bertrand, en fit même un hymne quasiment régional :
« Pays de Charleroi,
C’est toi que je préfère,
Le plus beau coin de terre
À mes yeux, oui, c’est toi ! »
À Piombino, interrompt Marco Valdo M.I., quand la machine sidérurgique tournait à plein régime, on se répétait avec un certain orgueil : « Fumo et pane » – « Fumée (usine, travail) et Pain (Salaire, abondance).
Et, reprend Lucien l’âne, ces glorieux souvenirs maculent à présent les pays – et pas seulement en Europe, de zones en ruines et des relents de détresse des populations ; les gens et les choses portent encore fort longtemps ces séquelles dans leurs corps et dans leurs consciences.
Certes, répond Marco Valdo M.I., on trouve ces désastres partout où passent les fossoyeurs d’industrie. Comme tu as cité « Pays de Charleroi », il y a dans cette chanson-là une strophe qu’on peut appliquer telle quelle à Piombino :
« J’aime
tes hauts fourneaux
Flamboyant dans la brume
Et le bruit
des marteaux
Résonnant sur l’enclume
J’aime ces
travailleurs
Animant nos villages
Et le chant des
mineurs
Égayant
nos rivages
Après leur dur labeur. »
Dans cette logique, la chanson Piombino raconte l’après-gloire, la déchéance, la ruine et les grandes halles pleines de courants d’air et où rodent les fantômes des espoirs perdus. Cependant, comme à Piombino, il y a souvent des morceaux, des restes qui prolongent l’agonie.
Oh, dit Lucien l’âne, ne faisons pas l’histoire de ces mutations, relevons simplement que ce sont là des scènes de la vie dans la Guerre de Cent Mille Ans que les riches font aux pauvres afin d’accroître leurs fortunes, de multiplier leurs richesses, d’étendre leurs possessions, de satisfaire leurs ambitions, de nourrir leurs avidités et comme le dit justement la chanson :
« Et toujours les mêmes gens
Qui paient évidemment. »
Alors, encore, tissons le linceul de ce vieux monde malade de la richesse, obèse, lourd, insipide et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Dans ces halles vides
Où le temps s’arrête,
Où plus aucune personne n’est entrée,
Derrière les grilles fermées,
Tout ce qui reste ici,
C’est la cour et le vent.
Le vide et plus rien là-dedans,
Maintenant, tout est fini
Et toujours les mêmes gens
Qui paient évidemment.
Feu
sur feu
Et vent sur vent ;
Fer, charbon, soufre, feu,
Le temps est le temps.
Sous le ciel couvert,
Derrière le port, la cheminée
Vomit sa fumée mordorée,
L’air et la poussière enserrent
Nuit après nuit et jour après jour
Ceux qui gagnent leur pain en enfer
Depuis toujours.
Dans les halles vides
L’air marin monte
Des vitres volées en éclats
Et l’écho des pas
Fait vibrer le pesant silence
Jusqu’à ce que le bruit s’efface.
Que dire en rentrant chez nous ?
Moi, aujourd’hui, je n’ai plus le courage.
De dire qu’on paie tous pour un dommage
Qui n’est pas de nous.
Feu sur feu
Et vent sur vent ;
Fer, charbon, soufre, feu,
Le temps est le temps.
Sous le ciel couvert,
Derrière le port, la cheminée
Vomit sa fumée mordorée,
L’air et la poussière enserrent
Nuit après nuit et jour après jour
Ceux qui gagnent leur pain en enfer
Depuis toujours.
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