samedi 19 juin 2021

LA MARCHE DE GUSTAPO

 

LA MARCHE DE GUSTAPO


Version française – LA MARCHE DE GUSTAPO – Marco Valdo M.I. – 2021

d’après la version italienne de Stanislava d’une

Chanson tchèque – Pochod GustapaKarel Kryl – 1969




CHVEIK ET GUSTAPO

Illustration de Josef LADA






Le nom Gustapo est un croisement de mots (un mot-valise) : d’une part (comme on peut le deviner), il rappelle la Gestapo, d’autre part, le « u » fait vraisemblablement référence à Gustáv Husák, un fonctionnaire qui, en 1969, est devenu secrétaire général du Parti communiste tchécoslovaque, remplaçant Alexander Dubček à ce poste et marquant une rupture définitive avec les espoirs du Printemps de Prague. À partir de 1975, il est également président de la république jusqu’en décembre 1989, quelques jours après la révolution de velours.





Dialogue maïeutique


Voici, Lucien l’âne mon ami, une chanson tchèque, une chanson du même pays, de la même région du monde que celle où ont vécu l’Arlequin amoureux, personnage de Jiří Šotola, Joseph Chveik, personnage de Jarolav Hašek. Le premier, au temps de Napoléon – entre Marengo et Austerlitz, le second, cent ans plus tard – La Chanson de Chveik le soldat et pour cette chanson-ci, on ajoutera encore un demi-siècle. Et toujours, la Tchécoslovaquie vivait sous la protection amicale de grands frères alliés.


Oui, dit Lucien l’âne, je vois ça : une protection qu’elle n’avait pas demandée et qu’elle ne souhaitait pas vraiment.


Exactement, Lucien l’âne mon ami, même si certains des habitants et nombre de ses dirigeants s’en trouvaient fort bien. Car, il ne peut être passé sous silence qu’une part notable de la population et une grande part des élites collaboraient avec enthousiasme parfois au régime en place.


Oh, dit Lucien l’âne, c’est souvent le cas en de telles circonstances, quel que soit ce régime. J’ai pu le constater tout au travers des lieux et des âges que j’ai traversés.


Toutefois, reprend Marco Valdo M.I., tout au long de son histoire et de ses différents pouvoirs étrangers ou sous influence étrangère qui se sont succédé, une part importante de la population tchécoslovaque même si pacifique, elle dut se plier aux ukases, n’en était pas moins « dissidente » en pensée, de cœur et d’humour et comprenait fort bien ses écrivains, ses dramaturges, ses chanteurs et leurs paroles cryptées. Ainsi, cette chanson de Karel Kryl, qui dès 1969, c’est-à-dire quelque temps après l’invasion soviétique et des autres alliés, dut se réfugier en Allemagne, est nettement dirigée contre le régime, son dirigeant et leurs protecteurs.


Oui, certes, dit Lucien Lane, c’est même vrai, je le sais, pour toutes ses chansons, mais que signifie le titre de celle-ci ? Qui est ce Gustapo au nom si sinistre ?


Ah, Gustapo ! Ce nom si bizarre, dit Marco Valdo M.I., mérite en effet un brin d’explication, car il contient à lui seul tout le sens de la chanson. Comme il est dit plus haut, c’est ce qu’on appelle un mot-valise, un mot qui contient plusieurs mots et par conséquent, plusieurs idées. C’est la concrétion du prénom du Kollaborateur en chef, autrement dit le patron du parti au pouvoir, Gustav Husak et de celui de la sinistre police nazie qui s’activa dans le pays lorsqu’il était sous domination allemande : la Gestapo. Cette conjonction est intéressante, car elle suggère beaucoup de choses que je laisse au ressenti de chacun. En principal, elle assimile les deux régimes d’occupation et les désigne à l’opprobre du monde. Cela dit, pour en revenir à la connivence (à travers le temps) entre les auteurs tchèques, les périodes historiques et l’humour national, je t’invite à relire les deux chansons, tirées de Jaroslav Hašek et terriblement prémonitoires : Le Parti et Le programme du Parti, dont je retiens :


« Pour imposer le bien-être universel,
Le Parti crée une œuvre d’envergure,
La Vérité et le Parti ont la peau dure. »

(Le Parti) 

« Suivant la politique du moment.
Selon les circonstances ou les événements,
Avec intelligence, le Parti suivait le mouvement.
Jamais en arrière, toujours en avant. »

(Le Programme du Parti)


Oh, dit Lucien l’âne, il se révèle à nouveau que quel que soit le parti, son but est d’accéder au pouvoir et ensuite, d’y rester. C’est d’ailleurs ce que fit obstinément  Gustapo – jusqu’à ce qu’enfin, de chasseur, il se fit gibier et on le chassa définitivement – mais il fallut 20 ans. C’est toujours ainsi dans la Guerre de Cent Mille Ans que les riches et les puissants font aux pauvres et aux gens sans prétention afin d’assurer leur domination, de renforcer leur pouvoir, de protéger leurs privilèges, etc. Oui, ces « gens sans prétention » sont ceux qu’évoque Tonton Georges dans La Mauvaise Réputation :


« Au village, sans prétention,
J’ai mauvaise réputation.
Que je me démène ou que je reste coi,
Je passe pour un je-ne-sais-quoi ! »


Enfin, on pourrait encore épiloguer longuement, cependant, il me faut conclure. Alors, tissons le linceul de ce vieux monde sérieux, prétentieux, costumé, cravaté, amidonné et cacochyme.


Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane








L’obéissance au-dessus du cerveau et le credo au-dessus de la raison,

L’appartenance légitime vaut plus qu’un trou dans le pantalon,

Nous avons renié notre mère, et le frère a renié son père,

On tire sur certains, on casse une jambe aux autres.



Le diable nous
poussait et nous marchions comme des moutons ;

Tous conscients qu’en gibier serait transformé le chasseur,

Nous marchions et nous avions la patente de la raison,

Notre but brillait ; vous êtes contre ? Alors, vous êtes un imposteur.


Vous mettez le coton dans vos oreilles et sur vos yeux, la cécité,

Vous devenez un despote et votre fils au bourreau vous livrez ;

Puis à votre meilleur ami, vous tournez le dos.

Et s’ils les fusillent, une fois mort, vous en faites des héros.


Le diable vous pousse, vous marchez encore comme des moutons,

Désormais, le chasseur est gibier ; ce n’est pas une blague.

Son ami est un nain, et le credo est au-dessus de la raison.

En avant, toujours en avant, en avant, toujours en avant…

En avant ! Toujours en avant !

Et là-devant, ça pue le soufre.

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