lundi 20 janvier 2020

PLAT DE PLASTIQUE


 

PLAT DE PLASTIQUE



Version française – PLAT DE PLASTIQUE – Marco Valdo M.I. – 2020

Chanson italienne – Filastrocca di un piatto di plasticaMimmo Mòllica – 2020




Plage
Léon Splilliaert - 1923



Les déchets marins constituent un problème grave en augmentation constante. Alors que le plastique est une ressource importante pour la société moderne, son « élimination » en mer est une véritable malédiction, une guerre.
« Filastrocche Plastic Free » de Mimmo Mòllica, pour développer une mémoire de fer et rappeler que les « assiettes en papier » sont en plastique et développer la sempiternelle présence de déchets plastiques dans le milieu marin : plus de 11 mille tonnes par an sont récupérées le long des côtes et sur les plages.
« Les graves catastrophes naturelles exigent un changement de mentalité qui nous oblige à abandonner la logique du consumérisme pur et à promouvoir le respect de la création ». (Albert Einstein)



Dialogue Maïeutique

Ce n’est pas pour dire, Lucien l’âne mon ami, mais cette chanson, comme tout un chacun pourra s’en assurer, m’a tout l’air d’être une fable et pas au sens figuré de « récit mensonger », comme on a tendance à le comprendre actuellement par une déviation médiatique d’importation. De fait, elle est construite comme telle – comme une fable telle qu’en élaborait le bon Jean de La Fontaine et s’achève par une morale : la morale de l’histoire, précisément. Cependant, ce n’est pas une histoire animalière comme chez Ésope et la plupart des autres fabulistes qui ont conté à travers les âges. Le sujet et l’objet de la fable est ici un plat de plastique et le but moral recherche est en quelque sorte la promotion du recyclage écologico-artistique du plastique, lequel – comme on sait – pollue et contribue largement à la destruction du biotope humain, animal, aquatique et végétal.

Dans le fond, dit Lucien l’âne, ce n’est pas une mauvaise idée. Je dirais même que c’est une démarche pleine de bonnes intentions.

En effet, Lucien l’âne mon ami, et chacun pourra en faire son miel à la lecture. Cependant, je voudrais surtout commenter la version française – de je suis par ailleurs l’auteur et la commenter sur un point particulier. Tout en travaillant à cette version, il m’était venu en tête l’image d’une plage d’avant le temps du plastique ; une plage comme en avait peinte – par exemple, Gustave Courbet, James Ensor, Louis Artan ou Léon Spilliaert et tant d’autres dans tant de pays ; il y a là avec les marines, un genre pictural en soi. Mais ce n’est pas le propos ici de faire une histoire de l’art, même si la chose est fascinante.

J’imagine qu’elles étaient plutôt désertes ces étendues de sable au bord de mer ou à peine fréquentées, suggère Lucien l’âne. Enfin, elles devaient ignorer jusqu’à l’existence potentielle du plat, de la bouteille, du gobelet, du sac, de la seringue, de la sandalette et du caleçon de bain en plastique.

Donc, chemin faisant, reprend Marco Valdo M.I., en transposant cette comptine, je suis d’abord passé par le Petit Bonheur de Félix Leclerc (1951), une autre histoire d’abandonné :

« C’est un petit bonheur
Que j’avais ramassé
Il était tout en pleurs
Sur le bord d’un fossé
Quand il m’a vu passer
Il s’est mis à crier:
« Monsieur, ramassez-moi
Chez vous emmenez-moi. »,

Ensuite, j’ai croisé un « Monsieur le Président » et puis, arrivé à la septième strophe, il m’est venu – mais qui dira les torts ou les bienfaits de la rime ? Un enfant sourd, un nègre fou ? – un « tomber, terrassé », enfant adultérin de Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais et de Giovacchino Antonio Rossini, par l’entremise de Cesare Sterbini, écrivain italien et à la ville, fonctionnaire pontifical. Pour ne pas piper les dés, j’ai entièrement avoué cet emprunt à l’aide d’une strophe supplémentaire, où je reprends le texte des derniers vers de la version française du « Barbier de Séville ».

Une excellente idée au demeurant, réplique Lucien l’âne.

Surtout, Lucien l’âne mon ami, que j’ai comme l’impression qu’il y a dans cette chanson, une sorte d’hyperbole – tout à la fin et en constitue l’argument principal – qui ferait du moindre bricolage une œuvre d’art ; ce qui est aussi une de ces faussetés plastiques diffusées par les médias. Pour satisfaire le public, le peuple et l’infantilisme ambiant, on fait ainsi passer au bleu tout le travail qui mène à ce qu’on a tant de mal à faire comprendre et à faire advenir : l’œuvre d’art et dans la foulée, l’art lui-même. Dans le même temps, on banalise et on réduit au néant l’art et l’artiste lui-même en ce qu’ils ont de singulier. La question est : qu’est-ce que ça cache ?

Je suis ravi, Marco Valdo M.I., que tu abordes cette question de l’art, car elle n’est pas innocente et derrière elle, il y a toute une vision du monde, toute une humanisation du monde, une élaboration de l’humanité qu’on ne peut ramener à un geste hasardeux ou négligent. De façon simple, l’œuvre d’art, si elle n’implique pas nécessairement la connaissance de l’art antérieur, même si souvent elle s’y réfère et s’en enrichit, suppose une volonté de faire œuvre et la mise en œuvre de moyens appropriés ; elle suppose aussi la conscience de le faire. Mais ne nous égarons pas dans la philosophie et l’esthétique et tissons le linceul de ce vieux monde pollué, calomniateur, infantile et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane





Un plat en plastique
Fut pris sur le fait,
Couché sur le sable,
Par quatre gendarmes
Qui l’ont mis aux arrêts.


Pour ce délit,
Par le plat commis,
On invoqua la loi,
On alerta l’État.


Avant d’être incarcéré
Le plat a déclaré :
« Ce n’est pas moi
Qui ai fait ça. »


Alors, le juge sévère
Et fort en colère,
D’un ton sec, lui demanda
« Alors, qui a fait ça ? »


Et le plat apeuré,
D’un ton pondéré,
Répondit : « Monsieur le président,
Ils m’ont laissé là en partant. »


« Mais qui vous a laissé là ?
Allons, dites-moi qui a fait ça ? »
« Des hommes en balade,
Ils ont ri et mangé des salades.


Et quand ils ont eu consommé,
Ils m’ont laissé tomber
Sur le sable immaculé
De la plage, « tomber terrassé. »


Comme de Rossini, le pauvre calomnié,
« Menacé comme un coupable,
Sous cette arme redoutable
Tomber, tomber terrassé. »


Au terme de leur voyage,
Comme je n’avais plus d’usage,
Comme une feuille fanée à l’hiver,
Ils m’ont laissé choir là par terre. »


Et ainsi le magistrat
Aux gendarmes ordonna
Que le plat incriminé
Soit immédiatement libéré,
En stipulant au dossier par écrit :
« N’a pas commis le délit. »


« J’ai parfaitement compris
Que vous étiez sincère
Et pour cela je suis marri
Que celui qui a pu vous jeter à terre
Après vous avoir utilisé,
Ne soit pas mieux identifié. »


« Qui vous a si vilainement délaissé,
Sait-il qu’une œuvre d’art
Peut naître par hasard
D’un objet réutilisé ?
Si on recycle même un plat,
On peut en faire un joli chat,
Ou une belle hirondelle
Avec des aquarelles »…


« On peut faire un oiseau,
Un panier, un chapeau,
Une marionnette de couleur,
Un beau bouquet de fleurs,
Un château enchanté,
Avec un plat jeté, rejeté, déjeté. »


Ainsi, même en plastique, un plat
Qui aux déchets échappa
Et fut mis ensuite à part,
Put devenir une œuvre d’art.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire