PLAT DE PLASTIQUE
Version française – PLAT DE PLASTIQUE – Marco Valdo M.I. – 2020
Plage
Léon Splilliaert - 1923
|
Les
déchets marins constituent un problème grave en augmentation
constante. Alors que le plastique est une ressource importante pour
la société moderne, son « élimination » en mer est une
véritable malédiction, une guerre.
« Filastrocche
Plastic Free » de Mimmo Mòllica, pour développer une mémoire
de fer et rappeler que les « assiettes en papier » sont
en plastique et développer la sempiternelle présence de déchets
plastiques dans le milieu marin : plus de 11 mille tonnes par an
sont récupérées le long des côtes et sur les plages.
« Les
graves catastrophes naturelles exigent un changement de mentalité
qui nous oblige à abandonner la logique du consumérisme pur et à
promouvoir le respect de la création ». (Albert Einstein)
Dialogue
Maïeutique
Ce
n’est pas pour dire, Lucien l’âne mon ami, mais cette chanson,
comme tout un chacun pourra s’en assurer, m’a tout l’air d’être
une fable et pas au sens figuré de « récit mensonger »,
comme on a tendance à le comprendre actuellement par une déviation
médiatique d’importation. De fait, elle est construite comme telle
– comme une fable telle qu’en élaborait le bon Jean de La
Fontaine et s’achève par une morale : la morale de
l’histoire, précisément. Cependant, ce n’est pas une histoire
animalière comme chez Ésope et la plupart des autres fabulistes qui
ont conté à travers les âges. Le sujet et l’objet de la fable
est ici un plat de plastique et le but moral recherche est en quelque
sorte la promotion du recyclage écologico-artistique du plastique,
lequel – comme on sait – pollue et contribue largement à la
destruction du biotope humain, animal, aquatique et végétal.
Dans
le fond, dit Lucien l’âne, ce n’est pas une mauvaise idée. Je
dirais même que c’est une démarche pleine de bonnes intentions.
En
effet, Lucien l’âne mon ami, et chacun pourra en faire son miel à
la lecture. Cependant, je voudrais surtout commenter la version
française – de je suis par ailleurs l’auteur et la commenter sur
un point particulier. Tout en travaillant à cette version, il
m’était venu en tête l’image d’une plage d’avant le
temps du plastique ; une plage comme en avait peinte – par
exemple, Gustave Courbet, James
Ensor, Louis Artan ou Léon Spilliaert et tant d’autres dans tant
de pays ; il y a là avec les marines, un genre pictural en soi.
Mais ce n’est pas le propos ici de faire une histoire de l’art,
même si la chose est fascinante.
J’imagine
qu’elles étaient plutôt désertes ces étendues de sable au bord
de mer ou à peine fréquentées, suggère Lucien l’âne. Enfin,
elles devaient ignorer jusqu’à l’existence potentielle du plat,
de la bouteille, du gobelet, du sac, de la seringue, de la sandalette
et du caleçon de bain en plastique.
Donc,
chemin faisant, reprend Marco Valdo M.I., en
transposant cette comptine, je suis d’abord passé par le Petit
Bonheur de Félix Leclerc (1951), une autre histoire
d’abandonné :
« C’est
un petit bonheur
Que j’avais ramassé
Il était tout en pleurs
Sur le bord d’un fossé
Quand il m’a vu passer
Il s’est mis à crier:
« Monsieur, ramassez-moi
Chez vous emmenez-moi. »,
Que j’avais ramassé
Il était tout en pleurs
Sur le bord d’un fossé
Quand il m’a vu passer
Il s’est mis à crier:
« Monsieur, ramassez-moi
Chez vous emmenez-moi. »,
Ensuite,
j’ai croisé un « Monsieur
le Président » et puis, arrivé à la septième strophe,
il m’est venu – mais qui dira les torts ou les bienfaits de la
rime ? Un enfant sourd, un nègre fou ? – un « tomber,
terrassé », enfant adultérin de
Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais
et de Giovacchino
Antonio
Rossini, par
l’entremise de
Cesare
Sterbini, écrivain
italien et à la ville, fonctionnaire pontifical.
Pour
ne pas piper les dés, j’ai entièrement avoué cet emprunt à
l’aide d’une strophe supplémentaire, où je reprends le texte
des derniers vers de la version
française du « Barbier de Séville ».
Une
excellente idée au demeurant, réplique Lucien l’âne.
Surtout,
Lucien l’âne mon ami, que j’ai comme
l’impression qu’il y a dans cette chanson, une sorte d’hyperbole
– tout à la fin et en constitue l’argument principal – qui
ferait du moindre bricolage une œuvre d’art ; ce qui est
aussi une de ces faussetés plastiques diffusées par les médias.
Pour satisfaire le public, le peuple et l’infantilisme ambiant, on
fait ainsi passer au bleu tout le travail qui mène à ce qu’on a
tant de mal à faire comprendre et à
faire advenir : l’œuvre
d’art et dans la foulée, l’art lui-même. Dans
le même temps, on banalise et on réduit au néant l’art et
l’artiste lui-même en ce qu’ils ont de singulier. La question
est : qu’est-ce que ça cache ?
Je
suis ravi, Marco Valdo M.I., que tu abordes cette question de l’art,
car elle n’est pas innocente et derrière elle, il y a toute une
vision du monde, toute une humanisation du monde, une élaboration de
l’humanité qu’on ne peut ramener à un geste hasardeux ou
négligent. De façon simple, l’œuvre d’art, si elle n’implique
pas nécessairement la connaissance de l’art antérieur, même si
souvent elle s’y réfère et s’en enrichit, suppose une volonté
de faire œuvre et la mise en œuvre de moyens appropriés ;
elle suppose aussi la conscience de le faire. Mais ne nous égarons
pas dans la philosophie et l’esthétique et tissons le linceul de
ce vieux monde pollué, calomniateur, infantile et
cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Un
plat en plastique
Fut
pris sur le fait,
Couché
sur le sable,
Par
quatre gendarmes
Qui
l’ont mis aux arrêts.
Pour
ce délit,
Par
le plat commis,
On
invoqua la loi,
On
alerta l’État.
Avant
d’être incarcéré
Le
plat a déclaré :
« Ce
n’est pas moi
Qui
ai fait ça. »
Alors,
le juge sévère
Et
fort en colère,
D’un
ton sec, lui demanda
« Alors,
qui a fait ça ? »
Et
le plat apeuré,
D’un
ton pondéré,
Répondit :
« Monsieur le président,
Ils
m’ont laissé là en partant. »
« Mais
qui vous a laissé là ?
Allons,
dites-moi qui a fait ça ? »
« Des
hommes en balade,
Ils
ont ri et mangé des salades.
Et
quand ils ont eu consommé,
Ils
m’ont laissé tomber
Sur
le sable immaculé
De
la plage, « tomber terrassé. »
Comme
de Rossini, le pauvre calomnié,
« Menacé comme un coupable,
Sous cette arme redoutable
Tomber, tomber terrassé. »
« Menacé comme un coupable,
Sous cette arme redoutable
Tomber, tomber terrassé. »
Au
terme de leur voyage,
Comme
je n’avais plus d’usage,
Comme
une feuille fanée à l’hiver,
Ils
m’ont laissé choir là par terre. »
Et
ainsi le magistrat
Aux
gendarmes ordonna
Que
le plat incriminé
Soit
immédiatement libéré,
En
stipulant au dossier par écrit :
« N’a
pas commis le délit. »
« J’ai
parfaitement compris
Que
vous étiez sincère
Et
pour cela je suis marri
Que
celui qui a pu vous jeter à terre
Après
vous avoir utilisé,
Ne
soit pas mieux identifié. »
« Qui
vous a si vilainement délaissé,
Sait-il
qu’une œuvre d’art
Peut
naître par hasard
D’un
objet réutilisé ?
Si
on recycle même un plat,
On
peut en faire un joli chat,
Ou
une belle hirondelle
Avec
des aquarelles »…
« On
peut faire un oiseau,
Un
panier, un chapeau,
Une
marionnette de couleur,
Un
beau bouquet de fleurs,
Un
château enchanté,
Avec
un plat jeté, rejeté, déjeté. »
Ainsi,
même en plastique, un plat
Qui
aux déchets échappa
Et
fut mis ensuite à part,
Put
devenir une œuvre
d’art.
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