HONNEUR AUX DÉSERTEURS
Version française – HONNEUR AUX DÉSERTEURS – Marco Valdo M.I. – 2020
Chanson italienne – Onore ai disertori – PeggiorItalia – 2020
LE DÉSERTEUR
Octav Băncilă - 1906
Dialogue Maïeutique
Je résumerais ainsi la chanson : « Mais finalement, le vrai sage est le déserteur. Le héros inconnu des grands monuments », dit Marco Valdo M.I.
Pour ce qui est de la sagesse, dit Lucien l’âne, c’est absolument vrai du point de vue statistique. Il y a beaucoup plus de soldats morts à la guerre que de déserteurs fusillés. Et même, on pourrait en faire une sorte de loi – au sens scientifique du terme, quelque chose comme : plus il y a de déserteurs vivants, moins il y a de soldats morts. C’est mathématique et imparable ; quand il n’y aura plus que des déserteurs, il n’y aura plus de soldats morts. C’était la logique de Pottier :
« Les rois nous saoulaient de fumées
Paix entre nous, guerre aux tyrans
Appliquons la grève aux armées
Crosse en l’air, et rompons les rangs
S’ils s’obstinent, ces cannibales
À faire de nous des héros
Ils sauront bientôt que nos balles
Sont pour nos propres généraux. »
et de l’Internationale.
Ça, dit Marco Valdo M.I., c’est vrai pour le grand nombre, en gros. Mais pour le déserteur individuel, le pauvre pékin, « Le héros inconnu des grands monuments », celui qui ne veut rien grand-chose d’autre que de ne pas être tenu de tuer son vis-à-vis ou un parfait inconnu croisé au coin d’un bois. Pour lui, les choses sont plus complexes, on le met hors la loi, si on l’attrape, dans le meilleur des cas, on le renvoie au feu et souvent même, on le fusille – pour l’exemple.
Pour l’exemple, dit Lucien l’âne. Pour quel exemple ? Pour montrer ce que ça fait de tuer quelqu’un, pour montrer de près comment meurt un homme, pour faire voir ce que c’est que tirer sur un homme désarmé, humilié ? Décidément, l’humanité a des côtés bien inquiétants.
Donc, dit Marco Valdo M.I., supposons que le déserteur ainsi mis hors la loi et devenu de facto (et même, de jure) un ennemi dans son propre monde, il lui faut fuir, se cacher ; alors, tout va dépendre de la durée. La fuite, c’est comme l’éternité, à la fin, ça devient long et dur à vivre. Plus ça va, moins ça va.
Eh oui, dit Lucien l’âne, il suffit de se remémorer la longue fuite de Matthias Kuře, l’Arlequin amoureux, né déserteur à Marengo (1800), repris, réincorporé, renvoyé au champ de bataille et déserteur à nouveau à Austerlitz (1815), où l’on a fait encore une fois de la compote d’hommes :
« Par rangs entiers dégringolent les soldats.
Expert, le fantassin Matěj ne reste pas ;
Il noie sa pétoire, jette son barda
Et conclut : « Finissez sans moi !
Je me tire ailleurs, chère Cacanie ;
Bien le bonsoir, très chère Patrie. »
Enfin assez loin, il ralentit.
Sous une meule, il s’enfouit. »
Quand même, continue Marco Valdo M.I., il a fallu plus de cinquante chansons pour raconter cette terrifiante escapade de l’Arlequin amoureux.
C’était même tout un opéra-récit historique en multiples épisodes, tiré du roman de Jiří Šotola « Kuře na Rožni » publié en langue allemande, sous le titre « VAGANTEN, PUPPEN UND SOLDATEN » – Verlag C.J. Bucher, Lucerne-Frankfurt – en 1972 et particulièrement de l’édition française de « LES JAMBES C’EST FAIT POUR CAVALER », traduction de Marcel Aymonin, publiée chez Flammarion à Paris en 1979, dit Lucien l’âne. Il est d’ailleurs assez réjouissant que l’Autriche ait installé à Vienne un monument aux déserteurs de la Wehrmacht ; c’est un bon début ; quoique le plus beau monument à la désertion, c’est la paix pure et simple, tranquille entre tous les êtres.
Tout ça est vrai, dit Marco Valdo M.I., le métier de déserteur est fort pénible, mais il faut bien dire qu’ici et maintenant (hic et nunc), on n’a plus trop l’occasion de déserter. Ici et maintenant, j’insiste, car ici et maintenant, il n’y a plus de guerre du genre militaire.
Pourvu que ça dure !, dit Lucien l’âne, et que cette curieuse nouveauté se répande au reste du monde. En attendant, tissons le linceul de ce vieux monde quand même toujours belliqueux, mais ici et maintenant, marchand d’armes, profiteur, exportateur, hypocrite et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Pour beaucoup, ce sont des lâches, car ils se sont cachés ;
Car à une sale guerre, ils se sont opposés,
Car tuer un autre, ils ne le voulaient pas.
Alors, ils n’auront jamais de médailles,
Car n’ont pris part à aucune sanglante bataille.
Pourtant, qui a une arme à la main ne raisonne pas.
Honneur aux déserteurs, ce sont de braves gars.
Parmi tant de soldats, les seuls à avoir de la pitié.
Honneur aux déserteurs qui n’ont jamais tué
Qui, comme eux, jamais n’a voulu être soldat.
Ils n’ont pas servi la patrie, pas servi l’État,
Qui était pris, était torturé ; ils ne portaient pas
D’uniforme, c’étaient de fiers rebelles,
Comme tous les exaltés, ils étaient réticents,
Leur jeunesse se passa à fuir comme des criminels,
Car ils ne voulaient obéir ni aux généraux, ni aux commandants.
Honneur aux déserteurs, les seuls hommes sains,
Sans armes ni uniformes, les seuls êtres humains,
Honneur à tous les anti-militaristes,
Car ce sont les vrais pacifistes.
Avec un fusil, certains se croient supérieurs,
Mais finalement, le vrai sage est le déserteur.
Le monde n’a pas de frontières et pas de drapeaux,
Pour les renégats, les prisons sont toujours prêtes.
Pourtant, ils refusent ce mal qui les dégoûte ;
Ils ont choisi le bon côté, l’engagement le plus beau,
Honneur aux déserteurs, rebelles désobéissants,
Car enfin, tous ceux-là qui ont refusé
De se battre sont des soldats oubliés,
Les héros inconnus des grands monuments.
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