mercredi 14 octobre 2020

LES MIGRANTS

LES MIGRANTS


Version française – LES MIGRANTS – Marco Valdo M.I. – 2020

Chanson italienne – MigrantiEnzo Iacchetti [2018] et Francesco Guccini – 2020 (?)



Chanson inédite écrite par Francesco Guccini, musique de Juan Carlos “Flaco” Biondini inteprétée par Enzo Iacchetti lors du spectacle « Libera Nos Domine ».

Finalement interprétée par ses auteurs (Francesco Guccini et Juan Carlos Biondini) avec les “musiciens” historiques du groupe de Guccini.



 

LES MIGRANTS

Eugène Laermans - 1896



Dialogue Maïeutique 

 



Ah, Lucien l’âne mon ami, voici une chanson qu’on dirait conçue dans le droit fil des réminiscences de ce très court texte È fatto giorno (1954), dont voici les deux premiers vers à comparer aux deux premiers de la chanson de Guccini :


« Le jour s’est levé, nous sommes entrés dans le jeu nous aussi.

Avec les vêtements et les souliers et les faces que nous avions. »


et qui avaient inspiré une chanson È fatto giorno, écrite par Mario Pogliotti et interprétée par Maria Monti. C’était en 1972.


En effet, dit Lucien l’âne, j’avais la même impression. Il suffit de lire ces premiers vers pour ressentir comme une remembrance. Cependant, nous sommes cinquante ou septante ans plus tard, et la migration a changé de sens.


Sans doute, reprend Marco Valdo M.I., et la chanson ne l’ignore pas qui est une chanson en deux parties et il s’agit bien de faire retrouver dans la première partie la voix de l’émigration italienne – des millions d’Italiens se sont égayés dans le monde, il y en a autant qu’en Italie ; c’est-à-dire environ 60 000 000 – afin de la mettre en balance avec la nouvelle immigration qui arrive en Italie (et en Europe) par la mer et il s’agit encore, de rappeler l’une pour faire comprendre et accepter la justesse de l’autre. Il y a là comme un appel à l’équité.


Oh, dit Lucien l’âne comme on le disait une autre fois, nous sommes tous des migrants ou des descendants de migrants et peut-être même, de futurs migrants ou les ascendants de futurs migrants. La migration est le lot commun de l’espèce humaine et des espèces commensales.


Oui, dit Marco Valdo M.I., et il faudra s’attendre à ce que ce phénomène se développe dans les décennies à venir. Ce n’est pas une sorte de vases communicants où le vide se remplit de l’excès du plein, comme c’était plus ou moins le cas de la colonisation, mais – car il n’y a pas de vide où aller – plutôt d’une sorte d’osmose où c’est le degré de « richesse », de « sécurité » et de « confort » qui joue le rôle d’aimant. Cette nouvelle migration fuit la guerre, la faim, la misère et en quelque sorte, elle ne voit pas d’autre issue que la fuite au destin de désespoir qu’elle entrevoit chez elle.


En fait, dit Lucien l’âne, si on veut vraiment comprendre ce phénomène, il faut partir d’un simple constat : quelqu’un qui est bien chez soi ne s’en va pas courir le monde à la recherche d’un chez-soi.


Mais cependant, Lucien l’âne mon ami, les migrations actuelles et celles de demain sont le fait de petites minorités poussées par la misère, la peur et la destruction de leur chez-soi ; elles sont, comme c’était le cas de l’émigration italienne, aussi l’espoir d’un retour fructueux. Prenons l’exemple de l’Afrique où la population croît à vive allure – je rappelle à ce sujet qu’elle ne fait qu’appliquer scrupuleusement l’enseignement de la parole chrétienne : « Croissez et multipliez ! » ou plus exactement, la Genèse dit : « Dieu les bénit, et Dieu leur dit : Soyez féconds, multipliez, remplissez la terre » – et où cette masse va probablement atteindre un ou plusieurs milliards et imaginons que seulement un habitant sur mille par an se déplace et migre – hors Afrique, on obtient un nombre de migrants annuels de l’ordre du million. Et on peut répéter ce calcul un peu partout dans le monde – par exemple entre l’Amérique latine et les Zétazunis. En fin de compte, la question se pose de savoir combien d’humains va pouvoir supporter la planète. Tout ça est vertigineux et j’avoue ne pas entrevoir une solution simple à ce casse-tête.


Oui, dit Lucien l’âne, c’est un peu le même problème que celui que pose une pandémie quand on veut enrayer sa croissance ; sauf qu’on ne peut mettre en circulation un vaccin. Ainsi, on arrive donc au mur de l’impensable, on est face à l’indicible. Questions : va-t-on vers un confinement ? Va-t-on imposer un masque sexuel ? À mon sens, l’espèce humaine est mal partie ; elle va tout droit sur les récifs.


Maintenant, dit Marco Valdo M.I., revenant à la question du « chez soi », j’essaye d’imaginer ceci, qui est fondé sur une revendication légitime : à chaque humain sa maison, avec son chauffage et/ou son climatiseur, avec sa télé, son ordinateur, Internet et autres équipements ménagers, sa voiture et ce mode de vie étendu à huit ou dix milliards d’habitants. C’est hallucinant. Je laisse y songer. Et si on se replace dans la perspective de la Guerre de Cent Mille Ans où les riches font la guerre aux pauvres pour conserver leur domination, accroître leurs privilèges, on peut imaginer l’ampleur du problème.


Mais enfin, dit Lucien l’âne, qui va renoncer sciemment à son « way of life » ? Par ailleurs et de plus, il n’est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir. En attendant, conclusion provisoire et tout à fait indiquée, tissons le linceul de ce vieux monde inique, tendu, branlant, chancelant, en sursis et cacochyme.



Heureusement !



Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Nous allions qu’il ne faisait pas encore jour,

La bouche pleine de rêves et de douleurs,

Nous laissions là en quelques heures

Une maison pleine de gens et d’amour,

Une terre d’infamie, de pierres et de colère.

La misère collée à la peau comme une gale,

Dans nos poitrines, s’enflait un souffle

Qui voletait en une danse légère.


Amérique, Europe, par le monde,

Cherchant une place dans la ronde,

Nous allions souffrir

Pour vivre et nous reconstruire,

Mélangeant au sang l’histoire

Pour créer une mémoire

Nouvelle et nécessaire.


Dans un tourbillon d’espérance,

De vie, de travail, de réjouissance

Pour nous, par dizaines, par milliers,

Pour nous, les exilés,

Pour nous les riens, les néants,

Pour nous, les émigrants.


Et nous partons au hasard, au hasard,

Sur ces coquilles de noix véhiculées

Par des passeurs violents, amas hagard,

Humanité nue, bousculée,

De femmes, de vieux, d’enfants

Et de mort sans retour.

Un départ confus de l’arrivée ignorant,

De l’heure, du jour,

On y va et on y va vivants

Et dans les cœurs, on respire un air

Qui nous pousse à oser aller sur la mer.


Entre les peurs et les accidents,

Sur cette mer jamais connue,

Serrant notre rêve entre les dents,

Qu’une lointaine bienvenue

Nous tende la main à nous les suppliants,

À nous les moins que rien, les néants,

Différents de peau et de culture,

À nous qui sommes aussi le futur,

À nous, les immigrants.


Venus d’un monde de guerre et de faim partout,

Nous cherchons une patrie n’importe où

Pour recommencer à vivre malgré tout.


Venus d’un monde de guerre et de faim partout,

Nous cherchons une patrie n’importe où

Pour recommencer à vivre malgré tout.



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