dimanche 11 octobre 2020

LE PAYS FABULEUX

LE PAYS FABULEUX


Version française – LE PAYS FABULEUX – Marco Valdo M.I. – 2020

Chanson italienne – Il paese delle favoleNomadi1982

Paroles : Romano Rossi

Musique : Giuseppe Carletti – Romano Rossi






Dialogue Maïeutique


Voici, dit Marco Valdo M.I., le Pays fabuleux et en avant pour l’exploration de ce monde ensorcelant. Le Pays fabuleux ou littéralement traduit de l’italien - Il paese delle favole, le Pays des fables, tel est ce pays dont parle cette chanson. On avait déjà rencontré Le Pays des joujoux – Il paese dei balocchi, Le Pays de Polichinelle – Il paese di Pulcinella et d’autres encore qu’on trouverait si on les cherchait (et surtout, si on avait le temps de les chercher et de les traduire) et tous racontent des choses différentes. Tel est le charme des titres. En fait, le plus constamment, à rebours de la croyance répandue, au lieu de le révéler, le titre cache ce qu’il recouvre. C’est un brouillard.


En tous cas, il peut l’être, dit Lucien l’âne ; de toute façon, quelle que soit sa bonne volonté, il ne peut tout indiquer ; c’est une évidence sémantique. C’est pourquoi, il faut aller explorer un peu ce pays fabuleux ; qu’a-t-il de particulier ? Finalement, j’aimerais le savoir.


Eh bien, répond Marco Valdo M.I., ce qu’il a de particulier, c’est que c’est un pays où apparaissent certains personnages des fables, de ces fables revisitées, qui, comme tu le sais, sont des histoires lénifiantes qu’on raconte aux enfants sous le sain prétexte de les distraire, mais en réalité, il s’agit de leur inculquer une vision mesurée du monde. C’est une propagande perverse qui touche l’enfance sous la poitrine.


Eh là, dit Lucien l’âne, ça n’a pas toujours été le cas.


Certes non, reprend Marco Valdo M.I., mais ce l’est depuis un ou deux siècles. Auparavant, je te l’accorde, la fable était un genre poétique à part entière qui s’adressait au public lettré à l’instar des autres genres littéraires. C’est à partir du XIXe siècle, quand on fit de l’édition pour enfants une nouvelle industrie, que les fables sont devenues ce genre pour mineurs. Elles ont changé de nature et du coup, elles sont été cataloguées comme un genre mineur – manière comme une autre de créer un domaine réservé, à l’écart de toute critique.


C’est une évolution, dit Lucien l’âne ; du temps d’Ésope le bossu – qui, foi de Lucien l’âne qui les ai portés sur mon échine, n’était pas plus bossu qu’Homère était aveugle, la fable était une affaire sérieuse ; elle l’est restée jusqu’au moins La Fontaine et Florian. En ces temps-là, c’était un art impertinent et subversif.


Effectivement, Lucien l’âne mon ami, et son infantilisation l’a fortement émasculée et plus encore, sa colonisation par les industries de la communication et du divertissement. C’est à cette vénalisation que s’en prend la chanson. On y rencontre un Peter Pan amorti, Crochet en maquereau, Wendy en putain et Alice alcoolique ; on y retrouve Donald à l’usine et ses clones en déroute, Don Quichotte vaincu par les moulins, Ali Baba et ses voleurs au Parlement, Hänsel et Gretel font du profit, le Chat et ses bottes s’usent, la DCA abat les sorcières en plein vol, le Petit Poucet est espion et Cendrillon fait la courtisane.


Eh bien, dit Lucien l’âne, quelle galerie ! Mais où sont donc passés Pinocchio ? Et la fée bleue ? Le loup, l’agneau, la cigale, la fourmi et les langues du fabuliste ?


Lucien l’âne mon ami, un peu d’indulgence, ce n’est qu’une simple chanson, une chanson courte, on ne peut tout y mettre, elle doit forcément se limiter, mais tu a raison, où sont-ils passés ? On peut s’inquiéter pour eux vu ce qui est arrivé aux autres. Cela dit, cette chanson énonce et dénonce la vénalisation du monde enfantin ou si tu veux un mot plus commun pour dire la même chose, la prostitution des personnages des fables et des fables elles-mêmes. Ainsi, se dévoile le secret du pays fabuleux, celui où l’on vit au cœur de la Guerre de Cent Mille Ans et qui instille – via ses canaux et ses lucarnes fantasmatiques aux technologies toujours plus sophistiquées – une conception du monde à des enfants (et des grands enfants définitivement infantilisés) tenus sous hypnose médiatique, pétrifiés, stupéfiés et néantisés. Sauf, sauf à se tenir à l’écart des écrans, à se méfier des fées et de leurs racontars, à vomir les fables trop sucrées et à se remettre à lire les contes à la sauce Voltaire, car il est des histoires qui éveillent à la pensée, qui permettent de s’échapper du meilleur des mondes.


Ah, dit Lucien l’âne, fuir, là-bas fuir… s’échapper de ce monde gluant est chose difficile, mais salutaire. Alors tissons méticuleusement le linceul de ce vieux monde mou, mollasson, envoûtant, suggestif, brutal, menteur et cacochyme.


Heureusement !

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane




Peter Pan ne fait plus de vagues,

Il a vendu sa dague ;

Crochet envoie Wendy, le soir,

Faire le trottoir sur le boulevard.

L’île enchantée

Est déjà vérolée

Et Alice cherche ses merveilles

Au fond des bouteilles.


Donald est à la chaîne

Où il travaille comme un fou,

Daisy a de la peine

Et vend des baisers à Picsou.

Riri, Fifi et Loulou sont partis

En exil loin du pays.

Et vous, les intellectuels patentés,

Vous êtes-vous déjà demandé


À quoi sert d’avoir tant couru

Pour l’histoire du reflux ?


Don Quichotte n’est pas content,

Il travaille dans un moulin à vent ;

Ali Baba et les quarante voleurs,

Ont déjà gagné les élections ;

Hänsel et Gretel font leur beurre

Avec une usine de bonbons

Et Alice cherche ses merveilles

Au fond des bouteilles.


Le Chat et ses bottes de sept lieues

S’usent dans les banlieues,

Les balais de sorcières

Sont abattus par l’armée de l’air,

Le Petit Poucet joue les espions

Pour la CIA et la grande nation.

Et vous, les intellectuels patentés,

Vous êtes-vous déjà demandé


À quoi sert d’avoir tant couru

Pour l’histoire du reflux ?


Cendrillon a une auto très snob

Et une très belle robe,

Chaque fois que vient un prince,

Elle enlève sa culotte et se rince,

La marâtre, vieille harpie,

Prend tout l’argent des filles.

Et vous, les intellectuels patentés,

Vous êtes-vous déjà demandé


Comment revient le superflu

À la fin du reflux ?


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