La
Gondole bohémienne
Chanson
française – La Gondole bohémienne – Marco Valdo M.I. – 2019
ARLEQUIN
AMOUREUX – 28
Opéra-récit
historique en multiples épisodes, tiré du roman de Jiří Šotola
« Kuře na Rožni » publié en langue allemande, sous le
titre « VAGANTEN, PUPPEN UND SOLDATEN » – Verlag C.J.
Bucher, Lucerne-Frankfurt – en 1972 et particulièrement de
l’édition française de « LES JAMBES C’EST FAIT POUR
CAVALER », traduction de Marcel Aymonin, publiée chez
Flammarion à Paris en 1979.
"Faust et Méphisto, un duo flamboyant" |
Dialogue
Maïeutique
Une
gondole bohémienne,
en
voilà une invention fantastique,Marco Valdo
mon
ami ! Que
pourrait faire une gondole en Bohême ?
Là,
tu n’as pas tort, Lucien l’âne mon ami, car une gondole n’a
rien à faire hors de Venise et de sa lagune. Il y a cependant une
explication.
Laquelle,
demande Lucien l’âne, je me le demande.
Alors,
tu ne vois donc pas, Lucien l’âne mon ami. Donneras-tu ta langue
au chat ?
Auquel ?,
rétorque Lucien l’âne. Auquel, je me le demande, vu que là,
devant toi et moi, il y en a trois : Jésus, Gudule et Makhno
qui s’étendent comme des tapis persans sur ton lit. Regarde, ils
nous regardent et cois, ils se demandent quoi.
Oh,
Lucien l’âne mon ami, ne m’embrouille pas, car je te soupçonne
d’esquiver ma question ; d’où, j’en conclus que tu ne
sais pas et qu’en effet, tu tonnes ta langue aux chats ; note
qu’une langue d’âne est suffisamment grande pour ces mignons
félins. Mais trêve de fantaisie ! La gondole bohémienne est
tout bonnement une manière de dire que « tous ces pantins »,
ceux de la chanson, ont été conçus et ont commencé leur carrière
artistique à Venise avant d’émigrer à travers l’Europe et
d’atterrir en Bohême quand les Périnet ont pris leur retraite et
ont cédé leur troupe en bois à l'Arlequin déserteur afin qu’ils
poursuivent leur itinérance. Cependant, Matthias les oublia longtemps dans leur
boîte et, contraint et forcé par le sort, y a à présent recours
pour assurer sa subsistance et celle de sa protégée, Barbora.
Oh,
répond Lucien l’âne, pourquoi ne cherche-t-il pas quelque besogne
au rendement plus certain et au destin plus sédentaire ?
Précisément,
car il ne le peut pas ; souviens-toi, Lucien l’âne mon ami,
que notre Arlequin est né de la désertion et de l’interminable
fugue qui en découle. Certainement, Matthias se poserait volontiers
quelque part et il y accepterait les plus humbles besognes ;
franchement,
il y prendrait même racines – d’ailleurs, il n’a cessé
d’essayer de s’acclimater partout où il passait (dernièrement,
au château, au couvent, à la ferme), mais las, il ne peut y
arriver. C’est le destin d’Arlequin.
Oui,
mais, dit Lucien l’âne…
Mais
quoi ?, reprend Marco Valdo M.I., tu sais quoi, il n’a pas le
choix ; vraiment pas le choix : il doit vagabonder, il se
doit d’être insaisissable et quoi de plus pratique, qu’un petit
praticable ? Quoi de plus commode qu’un théâtre portable qui
tient tout entier dans sa hotte que Matthias porte aisément sur son
dos.
Donc,
si j’ai bien compris, dit Lucien l’âne, notre Arlequin a
reconstitué une troupe théâtrale miniature que tel un Père Noël
– il véhicule dans une hotte sur son dos. Une jolie troupe
composée de tous les personnages récupérés de Périnet qu’il
met en action dans les petits villages, car évidemment, les villes
lui sont fortement déconseillées pour les raisons que l’on sait.
À cette tâche d’art mineur, j’imagine que Barbora l’aide tant
qu’elle peut. Mais que peut-elle faire ?
Barbora ?,
souffle Marco Valdo M.I., elle fait ce qu’elle sait faire :
elle répare et entretient les marionnettes qui en fort besoin. Elle
fabrique la toile de fond du décor et dans toute sa naïveté, elle
regarde avec une admiration enfantine, les scénettes qui se
déroulent devant ses yeux sur le castelet. Elle s’inquiète de
Faust, elle frémit face au diable et elle s’émerveille de
Geneviève. On joue en extérieur s’il ne pleut pas ; s’il
pleut, on ne joue pas. Le rythme est de deux représentations dans
l’après-midi ; faute d’éclairage, on ne peut jouer en
soirée. Les spectateurs paient en menue monnaie ou en nature :
pain, pomme, poire, œuf : tout fait farine à ce moulin du
désespoir. Le lendemain, tôt au matin, tout ce monde d’Arlequin
est déjà reparti ; le théâtre et sa troupe a repris son
chemin ; la fugue doit continuer.
Ah,
dit Lucien l’âne, la vie de saltimbanque est mouvementée ;
pour une vie errante, c’est est une ; tout à fait comparable
à celle que j’ai connue ma vie d’âne durant. Crois-moi, Marco Valdo M.I. mon ami, la vie est plus aérée le long de mes sentiers
que dans les salons et puis, qui sait, c’est peut-être notre vocation
cet art de la fugue. Maintenant, tissons le linceul de ce vieux monde
inerte, immobile empesté, asphyxié et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Nés
au temps où Marie-Thérèse chevauchait sa jument –
Pas
grands, mesurant souvent seulement un empan,
Avec
le déserteur, tous ces pantins fuient devant la mort,
Dans
cette gondole bohémienne où ils vieillissent encore.
Périnet
et Périnetova les ont traînées
Tout
partout, ces poupées sans façons
Pour,
vêtues de chutes et de chiffons,
Donner
d’inoubliables spectacles en soirée.
Oui,
Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
Avec
leurs têtes magnifiques, dans le tilleul sculptées,
Avec
leurs yeux peints, immenses et purs,
Avec
leurs moustaches noires aux pointes retroussées,
Avec
aux tempes, des accroche-cœurs en bois dur.
Le
vernis s’écaille sur leur peau
Et
souvenir des mains et du savoir-faire
D’un
artiste depuis longtemps sous terre,
Saigne
chaque entaille au couteau.
Oui,
Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
Ils
s’étagent par couches dans leur boîte :
Au-dessus
Faust et Méphisto, un duo flamboyant,
Et
auprès de Siegfried son époux se tient droite
Geneviève,
comtesse palatine, duchesse de Brabant.
Matthias
a là une troupe presque au grand complet
Avec
un David et un Goliath en papier mâché,
Un
Polichinelle, un Pantalone et même, un Pierrot amputé
Pour
jouer Faust et La Belle Geneviève sur son castelet.
Oui,
Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
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