Grand-père
Chanson
française – Grand-père
– Georges Brassens – 1957
Enterrement
de pauvre
Makovski
– 1872
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Dialogue
Maïeutique
Figure-toi,
Lucien l’âne mon ami, que j’ai la foutue manie de
l’exhaustivité, au moins relative et un foutu penchant à
compléter les collections.
Je
sais, Marco Valdo M.I., tu es un Encyclopédiste, un descendant zélé
de Diderot et de ses Lumières.
Alors,
quand il s’agit, Lucien l’âne mon ami, de chansons et d’auteurs
de qualité et à mon goût, je ne peux me retenir d’une certaine
tendresse et d’essayer d’en glisser une de plus dans les oreilles
anonymes.
Cette
fois, Marco Valdo
M.I. mon ami, il me semble que
comme
le sage tu tournes autour du tombeau et que ça cache quelque
chose de bien intéressant. Sans doute, une nouvelle chanson. Je suis
au comble de la curiosité, je ne tiens plus, dis-moi, dis-moi
laquelle.
Eh
bien, Lucien l’âne mon ami, je m’en vais à l’instant te
satisfaire et t’annoncer ce Grand-père qu’on avait jusqu’ici
un peu délaissé. Soit, je l’admets volontiers, c’est le désir
de bien des grands-pères d’être abandonné dans un coin de la
pièce, seul avec la télé. Pas tous, heureusement, comme on va le
voir. C’est aussi le leur d’être enterrés et quand il est aimé
et les descendants pas trop méprisants à son égard, le grand-père
peut être mené au trou final « comme un empereur », ce
qu souligne la chanson :
« Grand-père
aurait été content
D’aller à sa dernière demeure
Comme un empereur. »
D’aller à sa dernière demeure
Comme un empereur. »
Oh,
dit Lucien l’âne, question collection de chansons de Brassens, on
pourrait voir ce qui précède l’arrivée de l’étape et entendre
le triste sort qui fut réservé à « L’Ancêtre ».
D’ailleurs, la mort est une personne ou une circonstance fort
prisée chez Tonton Georges. De mémoire d’âne, comme disait la
Comtesse, je relève qu’il y a, à vue de nez d’ânes, qui ont le
nez long : Mourir
pour des Idées, Les
Funérailles d’Antan, Le vieux Léon, Oncle
Archibald, Pauvre
Martin, Le Fossoyeur, La Ballade des Cimetières, Le
Testament, Supplique
pour être enterré à la Plage de Sète et probablement,
d’autres encore.
De
fait, Lucien l’âne mon ami, tu as mis ton doigt d’ongulé sur
une énorme faille. Comment, on aurait droit à
Mourir
pour des Idées, Les
Funérailles d’Antan, Oncle
Archibald, Pauvre
Martin, Le
Testament, Supplique
pour être enterré à la Plage de Sète et pas aux autres
chansons qui confrontent la mort ? Je pense qu’il faudra un
jour y remédier. Pour en venir au fait,
j’avais écrit précédemment en présentant Les Funérailles :
« Et
puis, une fois mort, il y en a qui se rengorgent, qui se font porter
en terre ou en feu comme des divinités égarées, fiers de leur
importance (dès lors passée), rodomontades et compagnie, pleurs,
fleurs, couronnes, discours, cortèges…
Bref, pompes funèbres à tout-va. Évidemment, la chose coûte et
cher encore bien. C’est
là un des aspects de la Guerre
de Cent Mille Ans que les riches font aux pauvres – même déjà
morts. Même morts, ils veulent parader, ils veulent imposer. La
chose est folle, mais c’est la chose. »
Et
c’est bien un épisode de cette facette sourde de la guerre
sempiternelle que les riches et les puissants font aux pauvres
jusqu’au-delà de la vie qu’il s’agit ici. Cette histoire de ce
Grand-Père bien aimé et supporté par ses enfants voit surgir et
s’élever vaillamment une résistance funéraire.
Oh,
dit Lucien l’âne, il faut porte la résistance jusque-là. Il n’y
a pas de raison d’abandonner et de laisser tomber Bon Papa, même
si on se fout complètement de ce qu’on fera de nous après notre
mort.
Bref,
que raconte la chanson ?, reprend Marco Valdo M.I. Tout
simplement le combat des enfants pour enterrer Bon Papa. Je partage
avec toi ce peu de goût pour les cérémonies, les cérémonials,
les rites et toutes ces sortes de choses. D’ailleurs, en ce qui me
concerne, je finirai en engrais pour les roses trémières du jardin
des oliviers, où me tiendront compagnie – vivants ou morts, car on
les enterre là – mes chats, dont le brave Jésus et son ami
Makhno ; ce qui fait de ce jardin un vrai zoo posthume. Mais au
temps de la chanson de Tonton Georges, l’enterrement du Grand-père
était une obligation, une sorte de rite social très codifié et
tenu en mains par la florissante industrie des Pompes Funèbres. On
le voit dans la chanson où comme il n’y a pas de petit profit à
perdre, à tous les stades de cette délicate opération, les enfants
de Grand-père vont rencontrer la même exigence mercantile :
« Comme
on était légers d’argent,
Le marchand nous reçut à bras fermés.
Le marchand nous reçut à bras fermés.
« Chez
l’épicier, pas d’argent, pas d’épices,
Chez la belle Suzon, pas d’argent, pas de cuisse…
Les morts de basse condition,
C’est pas de ma juridiction. »
Chez la belle Suzon, pas d’argent, pas de cuisse…
Les morts de basse condition,
C’est pas de ma juridiction. »
Mais,
Ora e sempre : Resistenza !, les descendants ne vont pas
s’en laisser conter et marquer d’un coup de botte (au demeurent,c
elles héritées du Grand-père)bien placé leur réprobation.
Recevront donc successivement un coup de pied au cul : le
vendeur de cercueil – on trouve un cercueil de réemploi ; le
croque-mort – on se passe de corbillard en portant à l’épaule
le cercueil ; le vicaire – la chose n’est pas précisée,
mais à l’évidence, on se passe des services religieux.
De
toute façon, dit Lucien l’âne, ces services religieux sont
parfaitement inutiles. Pour les autres, c’est la question du prix
et de l’exploitation cupide de la circonstance qui pose problème.
Il
faut souligner, reprend Marco Valdo M.I., combien la mort est
socialement marquée et de la même manière que la vie. En fait, on
peut affirmer que la mort est le pur prolongement de la vie, son
dernier stade et après, point final, sauf à édifier des tombeaux,
évoquer des fantômes et organiser des cérémonies. Ce sont là des
préoccupations que peuvent se permettre les riches. Mais pour les
pauvres, c’est une autre affaire. Les pauvres, on ne les entend pas
mourir, on ne sait même pas qu’ils sont morts ; ils ne
bénéficient ni d’annonces nécrologiques, ni de funérailles
pompeuses. C’est à peine s’ils peuvent payer la note, considérée
par les notaires comme une dépense prioritaire.
Peut-être,
dit Lucien l’âne, ça lui fait une belle jambe au mort.
Finalement, il faut quand même évacuer le cadavre et de préférence,
avant qu’il n’empeste tout le voisinage ; c’est le service
minimum ; ô pas dans l’intérêt du mort, mais pour des
raisons d’hygiène publique. Cela dit, mort, on n’a pas besoin de
tous ces tralalas ; ce qui importe vraiment, c’est d’aimer
et d’être aimé vivant, foi d’âne. Maintenant, tissons le
linceul de ce vieux monde ritualiste, rituelliste, superstitieux,
manipulateur, exploiteur, cupide et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Grand-père
suivait en chantant
La
route qui mène à cent ans.
La
mort lui fit, au coin d’un bois,
Le
coup du père François.
Il
avait donné de son vivant
Tant
de bonheur à ses enfants
Qu’on
fit, pour lui en savoir gré,
Tout
pour l’enterrer.
Et
l’on courut à toutes jam-
-Bes
quérir une bière, mais…
Comme
on était légers d’argent,
Le
marchand nous reçut à bras fermés.
« Chez
l’épicier, pas d’argent, pas d’épices,
Chez
la belle Suzon, pas d’argent, pas de cuisse…
Les
morts de basse condition,
C’est
pas de ma juridiction. »
Or,
j’avais hérité de grand-père
Une
paire de bottes pointues.
S’il
y a des coups de pied quelque part qui se perdent,
Celui-là
toucha son but.
C’est
depuis ce temps-là que le bon apôtre,
C’est
depuis ce temps-là que le bon apôtre,
Ah !
c’est pas joli…
Ah !
c’est pas poli…
A
une fesse qui dit merde à l’autre.
Bon
papa,
Ne
t’en fais pas,
Nous
en viendrons
À
bout de tous ces empêcheurs d’enterrer en rond.
Le
mieux à faire et le plus court,
Pour
que l’enterrement suivît son cours,
Fut
de borner nos prétentions
À
une bière d’occasion.
Contre
un pot de miel, on acquit
Les
quatre planches d’un mort qui
Rêvait
d’offrir quelques douceurs
À
une âme sœur.
Et
l’on courut à toutes jam-
-Bes
quérir un corbillard, mais…
Comme
on était légers d’argent,
Le
marchand nous reçut à bras fermés.
« Chez
l’épicier, pas d’argent, pas d’épices,
Chez
la belle Suzon, pas d’argent, pas de cuisse…
Les
morts de basse condition,
C’est
pas de ma juridiction. »
Ma
botte partit, mais je me refuse
De
dire vers quel endroit,
Ça
rendrait les dames confuses
Et
je n’en ai pas le droit.
C’est
depuis ce temps-là que le bon apôtre,
C’est
depuis ce temps-là que le bon apôtre,
Ah ! c’est pas joli…
Ah ! c’est pas joli…
Ah !
c’est pas poli…
A
une fesse qui dit merde à l’autre.
Bon
papa,
Ne
t’en fais pas,
Nous
en viendrons
À
bout de tous ces empêcheurs d’enterrer en rond.
Le
mieux à faire et le plus court,
Pour
que l’enterrement suivît son cours,
Fut
de porter sur notre dos
Le
funèbre fardeau.
S’il
eût pu revivre un instant,
Grand-père
aurait été content
D’aller
à sa dernière demeure
Comme
un empereur.
Et
l’on courut à toutes jam-
-Bes
quérir un goupillon, mais…
Comme
on était légers d’argent,
Le
marchand nous reçut à bras fermés.
« Chez
l’épicier, pas d’argent, pas d’épices,
Chez
la belle Suzon, pas d’argent, pas de cuisse…
Les
morts de basse condition,
C’est
pas de ma juridiction. »
Avant
même que le vicaire
Ait
pu lâcher un cri,
Je
lui bottai le cul au nom du Père,
Du
Fils et du Saint-Esprit.
C’est
depuis ce temps-là que le bon apôtre,
C’est
depuis ce temps-là que le bon apôtre,
Ah !
c’est pas joli…
Ah !
c’est pas poli…
A
une fesse qui dit merde à l’autre.
Bon
papa,
Ne
t’en fais pas,
Nous
en viendrons
À
bout de tous ces empêcheurs d’enterrer en rond,
À
bout de tous ces empêcheurs d’enterrer en rond.
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