L’Imprimeur de Liberté
Chanson française – L’Imprimeur de Liberté – Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux – 45
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – II, XVIII)
Ulenspiegel le Gueux – 45
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – II, XVIII)
Que voilà un beau titre, Marco Valdo M.I. mon ami, un titre qui donne envie d’en savoir plus. Cependant, malgré son apparence simple, c’est une fois encore un titre fort étrange. Comment peut-on être un imprimeur de liberté ? Comment peut-on imprimer de la liberté ?
Très juste, Lucien l’âne mon ami. C’est un titre audacieux, car il crée une image qui parle au cœur et à la raison, il suscite l’intérêt et, j’espère, l’adhésion à l’idée qu’il véhicule. En fait, c’est un fameux raccourci. Il aurait fallu dire : l’imprimeur qui par son travail sert la cause de la liberté.
De fait, c’est une grande invention que l’imprimerie, une des plus grandes sans doute, car elle a permis de diffuser la pensée, le discours humain sous une forme multiple et elle a fait de la pensée une matière stable, transportable et démultipliable. Vois-tu, Lucien l’âne mon ami, ce qui est écrit est écrit et peut être relu et relu dans sa forme ; c’est vrai pour tout écrit ; avec l’imprimerie, le caractère particulier de l’écrit s’étend progressivement au général. D’une certaine façon, le contenu s’objective.
Je comprends tout cela, dit Lucien l’âne. Mais que peut donc imprimer cet imprimeur de liberté ?
Nous y venons, dit Marco Valdo M.I., car Simon Praet, l’imprimeur de liberté, répond lui-même à ta question dans la chanson ; il dit :
« Le jour, j’imprime les cruels et méchants édits ;
La nuit, je travaille pour la liberté. »
Comme tu le vois, c’est un Janus, c’est un bifront : le jour, imprimeur officiel, la nuit, un imprimeur clandestin, comme on va en trouver dans tous les mouvements de résistance, de rébellion, de révolution.
Reste à savoir ce qu’il imprime – la nuit, dit Lucien l’âne.
D’accord, répond Marco Valdo M.I., c’est un élément essentiel. Sache donc qu’il imprime des bibles en langue commune, dans la langue en usage parmi les populations. Ici, en l’occurrence, il imprime des bibles en néerlandais.
Tiens, tiens, dit Lucien l’âne, cette histoire de bible en langue du pays me rappelle quelque chose. N’est-ce pas ainsi ce que voulut et que fit Valdo en son temps et ce qui lui valut d’être persécuté par l’Église catholique ainsi que ses partisans.
Évidemment, Lucien l’âne mon ami. Mais du temps de Pierre Valdo – vers 1200, l’imprimerie n’existait pas encore, ni même, les bibles en langue vernaculaire. Valdo dut faire traduire la bible et la faire recopier en quelques exemplaires afin d’alimenter la transmission orale, qui se colportait de village en village. C’était pourtant le début du mouvement de libération vis-à-vis de l’Église de Rome et le début du mouvement de liberté. Ici, dans la chanson, au temps de Till, on est 350 ans plus tard. Et la lutte continue.
Ce qui m’intrigue, dit Lucien l’âne, c’est que dans les deux cas, il s’agit de diffuser le contenu de la bible en langue populaire. Pourquoi la Bible ?
Eh bien, reprend Marco Valdo M.I., l’explication est assez simple. La Bible est – en ce temps-là – le seul recueil de contes et légendes anciennes qui, après des siècles de propagande religieuse, soit connu des gens comme le grand « best seller », la série à succès, le feuilleton qui passionne. Comme tout le monde le sait, la Bible est un gigantesque fourre-tout, mais aussi, la référence ultime du pouvoir qui l’invoque comme une Constitution pour se légitimer et dont il tient le contenu au secret dans une langue et dans des formes qu’il contrôle étroitement. Il y eut à partir de Valdo d’abord, l’établissement de versions « intégrales », non expurgées, non caviardées, des textes bibliques à partir de traductions des langues anciennes (grec, hébreu), qui brisaient le monopole de l’Église catholique et dans le même temps, dévoilaient la supercherie de son discours et ruinaient la base-même de son pouvoir et de celui des monarques qu’elle soutenait.
Comme il est aisé de le comprendre, les choses ne vont que croître et embellir avec l’imprimerie, qui – miracle – multiplie les livres plus et plus vite que d’autres multiplient les poissons.
Certes, dit Lucien l’âne, mais l’imprimeur de liberté, ce Simon Praet, pourquoi agit-il ainsi ?
Tout simplement, Lucien l’âne mon ami, car tout comme Till et nombre de gens des Pays, Simon Praet s’est rangé du côté de la liberté ; il participe au mouvement de résistance connu sous le nom de « Gueux ». À terme, ce mouvement...
Halte, Marco Valdo M.I. mon ami, ne dévoile pas ici et maintenant ce qui viendra plus tard. D’ailleurs, il nous faut conclure et reprendre notre tâche qui est de tisser le linceul de ce vieux monde absurde, religieux, totalitaire et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Un jour, un énigmatique Docteur Agile
Remet deux florins et des lettres à Till.
Il lui enjoint sur un ton plein de mystère
De se rendre chez Simon Praet qui lui dira que faire.
Praet l’imprimeur, un homme chétif et piteux,
Accueille et nourrit Till au mieux.
Il le loge sous le toit, au grenier.
Simon a sa chambre près de son atelier.
Que Till se couche tôt, qu’il se couche tard,
Simon est toujours au boulot.
Au matin, si tôt qu’il soit, fait-il encore noir
Simon est déjà au boulot.
Pour nourrir femme et enfants,
Simon doit travailler tellement ;
Comme la vie est dure à présent,
Se dit Till compatissant.
Au milieu des chats, Till dort comme un seigneur.
D’étranges coups de marteau
L’éveillent de tantôt en tantôt
Et ce martelage intrigue le veilleur.
Un soir, Till emmène Simon
Au cabaret de l’Oie cendrée.
Till boit, boit comme un pochtron
Simon doit le ramener à sa chambrée.
Bientôt, le bang-bang se répète
Rythmé, le bruit monte de l’atelier.
Till descend l’escalier.
À l’entrée de l’atelier, il s’arrête.
Que fais-tu Simon ainsi en pleine nuit ?
Le jour, j’imprime les cruels et méchants édits ;
La nuit, je travaille pour la liberté. Vas-tu me dénoncer ?
N’aie crainte, dit Till, je suis de ton côté.
Je suis Gueux et je le reste
Dût-il m’en coûter la vie.
Les cendres qui sur mon cœur battent
En sont la garantie.
Simon de ces livres clandestins inonda le pays
Jusqu’au jour mille fois maudit
Où la tête tranchée
La vie lui fut ôtée.
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