Les Bonshommes des Bois
Chanson française – Les Bonshommes des Bois – Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux – 50
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – III, V)
Ulenspiegel le Gueux – 50
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – III, V)
Les bonshommes de bois ?, dit Lucien l’âne sur un ton plein d’étonnement.
Oui, oui, Lucien l’âne mon ami, je sais, tu trouves ce titre étrange et tu as l’air de te dire que viennent faire dans cette histoire des bonshommes de bois. Je m’en vais donc te le déchiffrer à l’instant. Et d’abord, ce n’est pas des « bonshommes de bois », ce qui en ferait des marionnettes comme Pinocchio ou Tchantchès ou des poechenelles (polichinelles) comme chez Toone. Par parenthèse, les poechenelles sont à leur manière des Tills de bois. Je t’explique ça aussi. Les poechenelles tirent leur origine d’une ordonnance de Philippe II d’Espagne, qui a fait fermer les théâtres pour éviter qu’ils ne deviennent des lieux de rassemblement. À Bruxelles, on a alors créé des théâtres clandestins et remplacé les comédiens par des "poechenelles". Le Théâtre de poechenelles existe toujours chez Toone et a d’ailleurs à son répertoire un « Tyl Uylenspiegel », une pièce tirée de la Légende de Charles De Coster, la même que je raconte ici.
Et alors quoi ?, reprend Lucien l’âne. Quoi ? Je demande quoi ? Qu’est-ce ? Que sont-ce ? Ces bonhommes de bois ?
Lucien l’âne mon ami, je viens de te dire qu’ils ne sont pas des « bonhommes de bois », ces bonshommes. Ce sont des « bonshommes des bois ». D’abord, j’insiste : le mot « bonhomme » devient au pluriel « bonshommes » ; c’est curieux, mais c’est comme ça ; comme madame donne mesdames, monsieur donne messieurs. En fait, dans le cadre de notre histoire, il faut comprendre le mot « bonhomme », en un mot, comme un synonyme de « gueux » et du temps de Valdo (vers 1200), le mot « bonhomme » désignait un Cathare, terme que l’Inquisition utilisait pour les désigner. On peut donc penser qu’il s’étend à ceux qui sont en butte aux persécutions catholiques. Et ces bonshommes ainsi persécutés – agneaux insoumis – entrent en résistance, prennent le maquis et se cachent dans les bois. Ils sont en guerre contre l’occupant, le persécuteur, l’envahisseur espagnol ; ils mènent une guerre de libération, qui s’apparente assez aux mouvements de libération et décolonisation des siècles derniers. Ce sont donc bien des « bonshommes des bois ».
Voilà qui éclaire le titre, dit Lucien l’âne. Et que fait Till ?, on dirait qu’il les appelle à la guerre.
Souviens-toi, Lucien l’âne mon ami, dans Le Roi hérite, l’épisode précédent, Till faisait un discours devant les Gueux Sauvages, dans lequel il montrait l’étendue du désastre entraîné dans les Pays par les Espagnols. Ici, il poursuit son discours en appelant les Gueux Sauvages, les Bonshommes, à la résistance. Ce n’est pas un hasard si dans sa harangue, résonne en écho le « Chant des Partisans »[[706]]. Quant à appeler à la guerre, Till ne le fait pas, il appelle à la rébellion contre l’occupant ; c’est tout autre chose, c’est un mouvement de légitime défense. Si Albe et ses soldats, si l’Espagnol n’avait pas mis en coupe réglée les Pays, s’il n’avait pas mis à sac les villes, s’il n’avait pas planté ses bûchers, s’il était resté chez lui, il n’aurait jamais fallu le chasser.
Soit, dit Lucien l’âne, mais les moines, l’Église catholique et tout ce saint-frusquin ?
C’est exactement la même situation, dit Marco Valdo M.I. : la lutte de résistance contre l’absolutisme et l’arrogant monopole temporel et « spirituel » de l’Église. Souviens-toi de Valdo, des Albigeois, des bonshommes, des réformés de tout poil et de tous les bûchers, sacs et massacres, de toutes les persécutions que l’Église catholique a menées à travers des centaines d’années, partout où elle était en position de force. Mais, soit dit en passant, dans l’idée de Till, le mouvement vise bien au-delà de cette confrontation ; il a comme but la liberté de tous les hommes, la fin de la Guerre de Cent Mille Ans [[7951]].
Ah, Marco Valdo M.I. mon ami, cette Guerre de Cent Mille Ans, celle que les riches font aux pauvres depuis si longtemps afin de les asservir, de les abêtir, de les dominer, je n’oublie jamais qu’elle est la source des misères de l’humaine nation.
Cela dit, j’aime beaucoup ton
« Ô, Gueux ! Vive la rose !
L’Espagnol s’en ira,
Ô, Gueux ! Vive la rose !
Et ne reviendra pas,
Vive la rose et le lilas ! »
C’est une revisitation des plus remarquables de la vieille chanson populaire « Ô gué, vive la rose ! », dont je ne comprends d’ailleurs pas pourquoi on l’enseigne aux enfants. Écoute ce passage :
« Si elle meurt dimanche,
O gué, vive la rose !
Lundi, on l’enterrera,
Vive la rose et le lilas ! »
et pour conclure, son incise dans l’Internationale de Chanson Plus bifluorée, que je te chante aussi :
« C’est la lutte finale (O gué vive la rose)
Groupons-nous et demain (O gué vive la rose)
Car l’Internationale (Vive la rose et le lilas)
Sera le genre humain (Vive la rose et le jasmin) »
Enfin, reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde religieux, nationaliste, colonisateur, oppresseur et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Les bonshommes des Pays,
Agneaux insoumis
Armés d’une nouvelle foi,
Fuient dans les bois.
Les moines les ont dénoncés
Pour hériter des morts ;
Bonshommes, récupérez les châsses d’or,
Bonshommes, reprenez l’argent volé !
Bonshommes, buvez le vin
Que les moines gardaient pour eux,
Bonshommes, mangez le pain
Qui est force pour la guerre. Vive le Gueux !
Bonshommes, partisans, c’est l’alarme !
Bonshommes, prenez les armes,
Tuez les soldats du Roi,
Et plus vifs encore retournez dans les bois !
Les bois sont refuges, là-bas et ici,
Illuminés des feux clandestins,
Des feux joyeux de la nuit,
Des feux de nos festins.
Pour nous maintenant, le gibier de saison,
Nous sommes des loups, nous sommes des renards.
Les paysans nous donnent le pain et le lard
Quand nous le voulons.
Slaet op den trommele ! Vive le Gueux !
Battez le tambour de guerre !
Slaet op den trommele ! Vive le Gueux !
Délivrez la terre des pères !
Slaet op den trommele ! Vive le Gueux !
Ô, Gueux ! Vive la rose !
L’Espagnol s’en ira,
Ô, Gueux ! Vive la rose !
Et ne reviendra pas,
Vive la rose et le lilas !
Hommes fauves, bonshommes des champs,
Mangez les chiens du Roi !
Hommes fauves, bonshommes des bois,
Libérez les Pays en chantant.
Vive le Gueux !
Ô, Gueux ! Vive la rose !
L’Espagnol s’en ira,
Ô, Gueux ! Vive la rose !
Et ne reviendra pas,
Vive la rose et le lilas !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire