Les Apôtres
Chanson
française – Les Apôtres – Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux – 37
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – II, XI)
Ulenspiegel le Gueux – 37
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – II, XI)
Sais-tu
Lucien l’âne mon ami, ce que sont les apôtres, car tel est le
titre de la chanson et le nom des personnages qui y paraissent et y
sont vilipendés à souhait par le délicat Père Cornélis ?
Certainement,
Marco Valdo M.I. mon ami, que je sais ce qu’étaient les apôtres
et laisse-moi te dire – ce qui, au demeurant, ne pourrait t’étonner
grandement, laisse-moi te préciser que j’en ai rencontré la
plupart in illo tempore sur les chemins de Damas à Rome, sans
oublier certains bords de lac où Marie-Madeleine avait sa maison et
finit sa vie en compagnie du chef de la bande, remis de sa
résurrection ainsi qu’il l’a raconté lui-même dans son
évangile, scrupuleusement noté sous sa dictée à deux millénaires
de distance par José Saramago.
J’ai
lu cela aussi et pour en revenir à la chanson, reprend Marco Valdo
M.I., le Père Cornélis poursuit son sermon de sa voix de stentor.
Comme tu as pu t’en rendre compte lors des deux précédentes
chansons – Le
Sermon de Cornélis et Honte
sur vous!, qui en développaient les premières étapes,
il s’agit d’une pièce d’anthologie en même temps que d’une
illustration audacieuse des discours que pouvaient proférer les
tenants du catholicisme au mitan des guerres de religion que connut
l’Europe durant des siècles. Je dis l’Europe ; j’aurais
dû dire le continent de la chrétienté, un espace considérable qui
en raison (si j’ose dire) des croisades et de la colonisation,
s’étendit à la Terre entière, hormis aujourd’hui encore,
quelques peuplades perdues ou réfugiées au cœur de l’Amazonie –
pour y échapper.
Oui,
dit Lucien l’âne.
Oui
quoi ?, dit Marco Valdo M.I.
Oui,
Marco Valdo M.I. mon ami, je me souviens parfaitement des envolées
lyriques de ce frère mineur, saisi par l’exaltation évangélique.
Il avait d’abord voué aux gémonies tous les hérétiques auxquels
il avait pu songer et ensuite, il s’en était pris à ses
coreligionnaires en leur reprochant leur passivité, leur inaction
paisible face au fléau du protestantisme, aux adamites, aux
libertins et au mépris dans lequel étaient tenues les autorités
ecclésiastiques et royales, le tout sur fond d’Inquisition, de
tortures, de bûchers et de répression sanguinaire.
Évidemment,
Lucien l’âne mon ami, te connaissant, j’aurais dû me souvenir
que tu avais une mémoire asinesque et une redoutable capacité de
synthèse. Dès lors, après avoir énoncé toutes ces jolies choses,
le Père Adriaensen en vient à parler de la concurrence ; il en
arrive à évoquer les prédicateurs de l’autre bord et il n’est
pas tendre avec ses adversaires dont il va dire pis que pendre. On
imagine mal pareille médisance, aussi énorme calomnie entre gens
qui – somme toute – exercent un même magistère. Au moins,
publiquement. Mais rien ne retient le brave Cornélis dans sa rage
discriminatoire. Il s’élance avec vigueur et trace un portrait au
picrate, à l’acide catholique de ces quatre prêcheurs
protestants. Le sermon prend alors l’allure d’une avalanche
printanière d’insultes, de menteries et de détestations. Pour
l’ecclésiastique en chaire, tous les moyens sont bons. Il va
jusqu’à menacer sa propre basse-cour des tourments les plus
infernaux qui frapperont leur descendance bâtarde. Il ridiculise ces
apôtres de la Réforme et leur attribue l’allure et la réputation
de moins que rien, de malveillants mendiants, de ridicules pervers à
qui il manquerait les oreilles que le bourreau royal leur aurait
ôtées, afin qu’on les repère plus aisément. Avec tout ça, son
discours ne manque pas de pittoresque.
C’est
le moins qu’on puisse en dire, conclut Lucien l’âne. Mais il
nous faut reprendre à présent notre tâche et recommencer à tisser
le linceul de ce vieux monde empêtré dans ses religions et où,
quand dans un coin l’une faiblit et se pacifie, dans d’autres
endroits naissent d’autres furieuses démangeaisons, d’autres
prurits sur le corps de l’espèce humaine. Ce vieux monde, on peut
en toute honnêteté l’affirmer, est vraiment cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Ils
étaient quatre prédicants
Qui
s’en allaient prêcher au champ.
Ils
ont prêché ces moins que rien
Dans
le jardin du sacristain.
Ah,
les beaux prédicants,
Les
hérétiques orants
Que
ces protestants errants
Qui
s’en vont mentant aux gens.
Ô,
gens de la vraie foi,
Enfants
de la seule Église,
N’écoutez
pas
Ces
manants sans chemise.
Je
vous vois aller en nombre
Et
fols, écouter ce mensonge vomi
Et
laisser vos filles, la nuit,
En
proie à leurs harangues sombres.
Et
dans neuf mois d’ici,
La
ville sera pleine, je vous le dis,
De
petites gueuses, de petits gueux,
De
petits bâtards maudits par Dieu.
Le
premier, laid foirard,
D’un
sale chapeau noir
Coiffait,
quelle merveille !,
Ses
cheveux et ses oreilles.
On
l’a vu à peine vêtu,
On
a vu ses bras nus
Et
de ses grègues aux trous béants
Pendaient
ses cloches et son battant.
Son
compère également
Crâne
coiffé et bras nus,
Hué
par les enfants,
Finalement
s’est tu.
Avez-vous
vu le troisième chapeau
C’est
un chapeau tout ce qu’il y a de rigolo,
Le
devant pendait lamentablement
Et
les côtés mangeaient les oreilles du sacripant.
Hermanus,
le quatrième, c’était la veille,
Par
le bourreau, à l’épaule, fut marqué
Et
ainsi, le justicier du roi avait coupé
Aux
quatre apôtres, les oreilles.
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