jeudi 10 mai 2018

Les Apôtres

Les Apôtres


Chanson française – Les Apôtres – Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux – 37

Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – II, XI)






Sais-tu Lucien l’âne mon ami, ce que sont les apôtres, car tel est le titre de la chanson et le nom des personnages qui y paraissent et y sont vilipendés à souhait par le délicat Père Cornélis ?

Certainement, Marco Valdo M.I. mon ami, que je sais ce qu’étaient les apôtres et laisse-moi te dire – ce qui, au demeurant, ne pourrait t’étonner grandement, laisse-moi te préciser que j’en ai rencontré la plupart in illo tempore sur les chemins de Damas à Rome, sans oublier certains bords de lac où Marie-Madeleine avait sa maison et finit sa vie en compagnie du chef de la bande, remis de sa résurrection ainsi qu’il l’a raconté lui-même dans son évangile, scrupuleusement noté sous sa dictée à deux millénaires de distance par José Saramago.

J’ai lu cela aussi et pour en revenir à la chanson, reprend Marco Valdo M.I., le Père Cornélis poursuit son sermon de sa voix de stentor. Comme tu as pu t’en rendre compte lors des deux précédentes chansons – Le Sermon de Cornélis et Honte sur vous!, qui en développaient les premières étapes, il s’agit d’une pièce d’anthologie en même temps que d’une illustration audacieuse des discours que pouvaient proférer les tenants du catholicisme au mitan des guerres de religion que connut l’Europe durant des siècles. Je dis l’Europe ; j’aurais dû dire le continent de la chrétienté, un espace considérable qui en raison (si j’ose dire) des croisades et de la colonisation, s’étendit à la Terre entière, hormis aujourd’hui encore, quelques peuplades perdues ou réfugiées au cœur de l’Amazonie – pour y échapper.

Oui, dit Lucien l’âne.

Oui quoi ?, dit Marco Valdo M.I.

Oui, Marco Valdo M.I. mon ami, je me souviens parfaitement des envolées lyriques de ce frère mineur, saisi par l’exaltation évangélique. Il avait d’abord voué aux gémonies tous les hérétiques auxquels il avait pu songer et ensuite, il s’en était pris à ses coreligionnaires en leur reprochant leur passivité, leur inaction paisible face au fléau du protestantisme, aux adamites, aux libertins et au mépris dans lequel étaient tenues les autorités ecclésiastiques et royales, le tout sur fond d’Inquisition, de tortures, de bûchers et de répression sanguinaire.

Évidemment, Lucien l’âne mon ami, te connaissant, j’aurais dû me souvenir que tu avais une mémoire asinesque et une redoutable capacité de synthèse. Dès lors, après avoir énoncé toutes ces jolies choses, le Père Adriaensen en vient à parler de la concurrence ; il en arrive à évoquer les prédicateurs de l’autre bord et il n’est pas tendre avec ses adversaires dont il va dire pis que pendre. On imagine mal pareille médisance, aussi énorme calomnie entre gens qui – somme toute – exercent un même magistère. Au moins, publiquement. Mais rien ne retient le brave Cornélis dans sa rage discriminatoire. Il s’élance avec vigueur et trace un portrait au picrate, à l’acide catholique de ces quatre prêcheurs protestants. Le sermon prend alors l’allure d’une avalanche printanière d’insultes, de menteries et de détestations. Pour l’ecclésiastique en chaire, tous les moyens sont bons. Il va jusqu’à menacer sa propre basse-cour des tourments les plus infernaux qui frapperont leur descendance bâtarde. Il ridiculise ces apôtres de la Réforme et leur attribue l’allure et la réputation de moins que rien, de malveillants mendiants, de ridicules pervers à qui il manquerait les oreilles que le bourreau royal leur aurait ôtées, afin qu’on les repère plus aisément. Avec tout ça, son discours ne manque pas de pittoresque.

C’est le moins qu’on puisse en dire, conclut Lucien l’âne. Mais il nous faut reprendre à présent notre tâche et recommencer à tisser le linceul de ce vieux monde empêtré dans ses religions et où, quand dans un coin l’une faiblit et se pacifie, dans d’autres endroits naissent d’autres furieuses démangeaisons, d’autres prurits sur le corps de l’espèce humaine. Ce vieux monde, on peut en toute honnêteté l’affirmer, est vraiment cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Ils étaient quatre prédicants
Qui s’en allaient prêcher au champ.
Ils ont prêché ces moins que rien
Dans le jardin du sacristain.

Ah, les beaux prédicants,
Les hérétiques orants
Que ces protestants errants
Qui s’en vont mentant aux gens.

Ô, gens de la vraie foi,
Enfants de la seule Église,
N’écoutez pas
Ces manants sans chemise.

Je vous vois aller en nombre
Et fols, écouter ce mensonge vomi
Et laisser vos filles, la nuit,
En proie à leurs harangues sombres.

Et dans neuf mois d’ici,
La ville sera pleine, je vous le dis,
De petites gueuses, de petits gueux,
De petits bâtards maudits par Dieu.

Le premier, laid foirard,
D’un sale chapeau noir
Coiffait, quelle merveille !,
Ses cheveux et ses oreilles.

On l’a vu à peine vêtu,
On a vu ses bras nus
Et de ses grègues aux trous béants
Pendaient ses cloches et son battant.

Son compère également
Crâne coiffé et bras nus,
Hué par les enfants,
Finalement s’est tu.

Avez-vous vu le troisième chapeau
C’est un chapeau tout ce qu’il y a de rigolo,
Le devant pendait lamentablement
Et les côtés mangeaient les oreilles du sacripant.

Hermanus, le quatrième, c’était la veille,
Par le bourreau, à l’épaule, fut marqué
Et ainsi, le justicier du roi avait coupé
Aux quatre apôtres, les oreilles.

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