Les Traîtres
Chanson française – Les Traîtres– Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux – 52
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – III, VII – XII)
Ulenspiegel le Gueux – 52
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – III, VII – XII)
Comme ordinairement dans toutes les guerres, dans toutes les affaires humaines où devrait s’instaurer fermement la fidélité, il y a des manquements qui se produisent, il y a notamment des trahisons et forcément, des traîtres ; il ne pouvait manquer de s’en trouver ici, dit Marco Valdo M.I. désabusément.
Mais, Marco Valdo M.I. mon ami, on en a déjà rencontré.
Certes, Lucien l’âne mon ami, il y a eu le cas d’Egmont et Hornes, qui ont refusé de se joindre au Taiseux pour mener la lutte contre l’envahisseur espagnol et comme tu sais, mal leur en a pris. Ils avaient renié leur serment de Gueux et ont gagné la décapitation. Cependant, je pense que c’étaient là des traîtres, comme qui dirait, francs et honnêtes. C’étaient des traîtres avoués, des traîtres par abandon. Il y avait trahison, mais n’y avait pas tromperie, ni méchante ruse. Et puis, comme on l’a vu, ils ont été eux-mêmes trahis et ça leur a coûté la vie. D’ailleurs, par la suite, ils ont été considérés par certains comme des héros et sont encore célébrés comme tels par d’autres du fait, précisément, de leur exécution capitale par l’Espagnol.
En fait, dit Lucien l’âne, ils sont devenus des héros en mourant. C’est la position du martyr. Mais avec tout ça, tu n’as encore rien dit des traîtres de la chanson, ni ce qu’il en advint.
Ah, Lucien l’âne mon ami, je pourrais te renvoyer à la chanson elle-même et te dire que tous les détails s’y trouvent ; ce qui ne serait que la stricte vérité .Pourtant, je ne ferai pas ainsi.
Donc, l’armée d’Orange est au camp non loin de Liège et se prépare à investir la ville. Till, qui est à présent arquebusier, profite de sa soirée pour aller conter sa légende personnelle à une demoiselle. Au milieu de la nuit, il entend des cris de corbeau – un animal diurne qui à cette heure-là dort profondément la tête sous l’aile. Ces cris mystérieux et insolites mettent la puce à l’oreille de Till. Le voilà en alerte, il saute bas du lit, abandonne la dulcinée et se glisse dans le brouillard à la suite des volatiles chanteurs. Il écoute leurs propos et découvre les traîtres qui ont pour mission de démoraliser les Gueux et d’éliminer le Taiseux. Till les abat en deux coups d’arquebuse. Pour conclure, une dernière remarque : ces deux traîtres, si on les compare à Egmont et Hornes, sont de vrais traîtres, des traîtres qui agissent par tromperie, ruse et menterie.
Quelle aventure, dit Lucien l’âne, j’ai hâte de voir ça. Pour le reste, reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde rusé, sournois, traître, menteur, secret et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
L’armée et le Prince d’Orange,
À l’arrêt en Basse-Meuse
Campent quelque part du côté de Bassenge
Et attendent leur heure en silence.
Till soudard promu arquebusier
S’exerce à tirer dextrement.
Au camp arrivent de nouvelles gens
Venant de Flandre et de Brabant.
Qui viennent, qui vont
Ici et là, partout dans le camp.
Ils disent ceci, ils parlent tant
Que tout s’embrouille, tout se confond.
Le bruit court aussitôt
Le Taiseux trahit le Gueux.
La méfiance englue tout bientôt
Comme un fromage coulant et crêmeux.
Au soir, vers la mi-nuit,
Dans un brouillard à couper au couteau,
Till ouït croasser trois fois le corbeau.
D’un bond, il laisse la fille et le lit.
Prudent, il écoute dans la nuit
Les voix sur le chemin devant lui :
« Bonne besogne de mentir pour le Roi
Et la troupe nous croit. »
« Camp divisé, orange prise
Fera bonne limonade.
Ils se gaussent, ils se grisent
D’une franche rigolade. »
Les deux espions marchent devant lui.
Till arme l’arquebuse et tire,
Une silhouette s’effondre, l’autre fuit.
Till tire encore et abat l’ombre.
Accourent la garde et le prévôt.
Till dit : « Je suis le chasseur, voilà le gibier.
Pour les traîtres, mourir n’est jamais trop tôt. »
On ramasse les porteurs de lettres de l’étranger.
Mené devant le Prince, Till dit :
« J’ai dû tuer ces corbeaux traîtres :
Ces deux nobles sont agents de l’ennemi,
Envoyés secrets d’Albe, leur maître. »