mardi 10 avril 2018

LES MURS

LES MURS

Version française – LES MURS – Marco Valdo M.I. – 2018
d’après la traduction italienne – MURI – Flavio Poltronieri – 2018
de la chanson turque – DuvarlarZülfü Livaneli – 1994
Paroles et musique : Zülfü Livaneli









Sais-tu, Lucien l’âne mon ami, qui est Zülfü Livaneli ?

Oh, dit Lucien l’âne, moi, tout ce que j’en sais, c’est de l’avoir rencontré, il y a bien des années quand il menait aux côtés de Mikis Théodorakis, le combat pour établir une double voie d’amitié entre les Grecs et les Turcs. C’était au siècle dernier ; il y a maintenant plus de trente ans. Et de façon évidente, ce n’est pas gagné, surtout avec le régime actuellement au pouvoir en Turquie, qui me paraît par trop nationaliste, inféodé à une religion particulièrement intolérante, dictatorial, xénophobe et pour tout dire, assez fasciste dans son développement. C’est embêtant pour ce beau pays qui fut – un temps – une vraie république laïque, pour ne pas dire débarrassée de Dieu, qui prisait assez la liberté de ses citoyens. À présent, on en est loin. Et son évolution a de quoi inquiéter ses voisins, dont nous sommes.

Pour en revenir à ma question et à l’artiste Livaneli, reprend Marco Valdo M.I., tu sais sans doute aussi qu’il est un chanteur et un musicien, très renommé en son pays, mais également sur la scène internationale. Mais, sais-tu également qu’il s’agit d’un romancier de renom, un journaliste, un cinéaste et sans doute, a-t-il d’autres faces de sa créativité comme la poésie. Bref, il s’agit d’un artiste polyédrique, diraient nos amis italiens ; ce que je traduirai à l’usage des locuteurs de langue française, par artiste polymorphe ou protéiforme ; d’autres diraient qu’il a de multiples cordes à sa lyre. Pour ce que j’en sais, on dit de lui que c’est un artiste antidogmatique, ce qui dans la Turquie d’aujourd’hui, celle du caudillo Erdogan, est très périculeux. Je dis tout cela, car il s’agit de l’auteur, du compositeur et de l’interprète de la chanson.

Au fait, Marco Valdo M.I. mon ami, que dit-elle cette chanson ?

Le fait qu’elle s’intitule « LES MURS » donne déjà une indication. Comme on peut le voir dès les premiers mots, elle s’élève contre les murs, elle appelle à les détruire, à les abattre. Reste à savoir de quels murs, il s’agit, mais il n’est pas très difficile de comprendre qu’il s’agit pour l’essentiel des murs en tant que barrières, en tant qu’obstacles mis sur la route des populations et de la liberté des gens. Il en est de physiques, il en est qui sont faits d’interdits édictés au nom d’une idéologie, d’une religion, d’une nation. Toutes choses qui, comme tu le penses, sont détestables. Enfin, j’ajouterais volontiers que cette chanson si elle vise la situation en Turquie – elle visait en réalité une situation plus ancienne, mais elle a encore plus de pertinence aujourd’hui –, si par sa langue, elle s’adresse aux Turcophones et principalement, aux gens de Turquie, elle n’en a pas moins une portée générale comme, par exemple, en avaient aussi les chansons L’autre Côté du Mur et Les Murs de Pékin.

Dis-moi, Marco Valdo M.I., pourrais-tu préciser un peu le cheminement politique de Livaneli par rapport à ce qui se passe actuellement en Turquie ?

Je vais essayer, Lucien l’âne mon ami, mais ce sera fort général, pour la simple raison que je n’ai pas d’informations récentes quant à ce que pense ou ce que devient Livaneli.
Cependant, comme je l’ai déjà laissé entendre, ce n’est pas un partisan du régime actuel et de ce que j’en sais, il s’était déjà insurgé très fortement contre la nomination d’Erdogan au poste de Premier Ministre et il a amèrement et violemment reproché au chef du Parti républicain CHP, dont il était un membre influent, d’avoir tout fait pour permettre à Erdogan, chef du parti nationaliste musulman AKP, à qui était interdit l’accès à cette fonction, de devenir « Premier ministre sans être député ». C’était en décembre 2002 (depuis le dénommé Erdogan s’est fait bombarder Président). Cette véritable trahison, qui s’apparente à un coup d’État feutré, et ses suites désastreuses ont conduit à ce qu’on connaît aujourd’hui : un plongeon dans l’obscurantisme et la barbarie. Livaneli disait dans sa lettre adressée au président du parti (je reprends cette citation d’un article publié en 2007 sur le site KABA) : « Erdoğan n’est pas n’importe qui, c’est l’homme politique que tous les ordres religieux réunis ont choisi pour remplacer Erbakan, il a pour lui le soutien des États-Unis et de l’Europe. Son projet est de faire de la Turquie une République islamique modérée. Cela ne va pas durer deux mois comme vous le dites, au contraire, il va ruiner la vie politique de tous ceux qui se trouvent dans cette pièce. » Au-delà, on trouve des traces de l’artiste au travers de concerts ou de comptes-rendus de ses romans. Mais je n’ai plus trouvé de traces actuelles, ce qui ne laisse pas de m’inquiéter, si l’on songe au sort que ce régime réserve à ses opposants et les méthodes d’intervention qu’il utilise contre ces derniers.

Oh, dit Lucien l’âne en relevant le front, je pense qu’on finira par savoir quelque chose et pour ce qui est du régime en place à Ankara, il ne faut pas se leurrer : c’est une dictature brutale et belliciste, ethnocidaire vis-à-vis des Kurdes notamment. En Turquie, ce n’est pas un coup d’essai ; il y a eu le précédent du génocide des Arméniens. Il y a là une tradition nauséabonde, que comme la chanson le montre, certains Turcs tentent de renverser. Mais tu as raison, il y a de quoi s’inquiéter, pour tous ceux qui vivent dans l’orbe turc, mais aussi pour tous les voisins du Moyen-Orient, Europe y comprise, car la Turquie est un grand pays de plus de 80 millions d’habitants, dispose d’une armée importante et d’une relative puissance économique.

Que faire ?, dit Marco Valdo M.I., face à un pareil État autoritaire, qui massacre ses propres populations ? Certains avancent l’idée qu’un boycott de la Turquie, à commencer par le secteur touristique, pourrait avoir un certain effet sur l’évolution des choses. C’est à voir et probablement, à tenter.

Oui, dit Lucien l’âne, faut voir. Quant à nous, il nous faut reprendre notre tâche qui consiste à tisser encore et toujours le linceul de ce vieux monde impuissant, velléitaire, impotent et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane









Prenez d’assaut les murs,
Détruisez-les tous !
Assez de velléités,
Assez de divisions !



Abattez les murs,
Démolissez-les tous !
À bas les tyrannies,
Il suffit de chansons comme celle-ci !



Abattez les murs !
Le béton en cendres !
Marre des frontières,
Assez de guerres !



Abattez les murs,
Démolissez-les tous !
À bas les tyrannies,
Il suffit de chansons comme celle-ci !

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