Le
Testament
Chanson
française – Le
Testament – Georges Brassens – 1956
Dialogue
maïeutique
Lucien
l’âne mon ami, il arrive un moment dans la vie où certains ont
l’idée de se faire un testament ou de se le faire faire par un
notaire.
Certes,
comme je nous connais, cela ne nous arrivera pas, Marco Valdo M.I.
mon ami, ni à moi, ni à toi. Ce n’est pas qu’on ait peur de le
faire, mais à la vérité, que pourrait-on bien y indiquer ?
Rien, rien qui ne soit dit ici dans nos dialogues et dans nos
chansons. Ce sont les seuls choses que nous léguerons à la
postérité. Sans doute, du point de vue commun, cela ne vaudra pas
assez pour y prélever une taxe, ni même pour en faire commerce. Et
c’est bien ainsi. Mais dis-moi, Marco Valdo M.I. mon ami, aurais-tu
l’intention de mourir bientôt que tu évoques cette idée de
testament ?
Pas
vraiment, Lucien l’âne mon ami, pas vraiment, mourir bientôt,
non, je n’en ai pas l’intention, mais va-t’en savoir ? Et
de toute façon, ce serait sans importance. En fait, j’en suis venu
à vouloir évoquer ce testament particulier parce que j’avais
promis de le faire, j’avais promis d’insérer cette chanson au
chapitre de la Mort dans le grand roman des Chansons contre la
Guerre, qu’il me vient souvent à l’idée de considérer comme un
seul grand texte, constitué comme tous les organismes vivants d’une
multitude d’éléments et un organisme vivant en perpétuelle
croissance.
Il
y a plusieurs raisons à cela : d’abord, la Mort est à mon
sens une des grandes figures de la Guerre/vs/Paix : sans elle,
quelle figure ferait la Guerre ? En ensuite, car elle est pour
tous et pour chacun, la fin d’un combat et l’entrée –
subreptice ou triomphale – dans « la fosse commune du
temps ». Comme dit la chanson :
« J’ai
quitté la vie sans rancune,
J’aurai
plus jamais mal aux dents :
Me
voilà dans la fosse commune,
La
fosse commune du temps. »
Mais
dis-moi, Marco Valdo M.I. mon ami, de quelle chanson s’agit-il et
de qui elle est ; de cela, tu ne m’as encore rien dit.
Oh,
Lucien l’âne mon ami, je pensais vraiment que tu le savais déjà.
Il s’agit du Testament de Georges Brassens qui traite de la Mort à
sa manière, c’est-à-dire en la considérant comme une étape de
la vie. Toutefois, il m’importe de rappeler un autre Testament qui
fut écrit un demi-millénaire avant celui-ci, dont on trouve écho
dans La Ballade des Pendus, un Testament qui marque encore bien des
esprits : « En ma trentième année, etc ». Ainsi,
Brassens continue Villon, mais qui en aurait jamais douté ?
En
effet, conclut Lucien l’âne, pour les êtres biologiques, la mort
est une étape de la vie, la dernière, inéluctable, comme toutes
les autres ; une bonne façon de quitter le monde pour laquelle
il n’y a pas de quoi fouetter un chat. Quant à nous, continuons à
tisser le linceul de ce vieux monde moribond, asthmatique, cahotant
et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Je
serai triste comme un saule,
Quand
le Dieu qui partout me suit
Me
dira, la main sur l’épaule :
« Va-t’en
voir là-haut si j’y suis ! »
Alors,
du ciel et de la terre,
Il
me faudra faire mon deuil.
Est-il
encore debout le chêne
Ou
le sapin de mon cercueil ?
Est-il
encore debout le chêne
Ou
le sapin de mon cercueil ?
S’il
faut aller au cimetière,
Je
prendrai le chemin le plus long,
Je
ferai la tombe buissonnière,
Je
quitterai la vie à reculons.
Tant
pis si les croque-morts me grondent,
Tant
pis s’ils me croient fou à lier,
Je
veux partir pour l’autre monde
Par
le chemin des écoliers.
Je
veux partir pour l’autre monde
Par
le chemin des écoliers.
Avant
d’aller conter fleurette
Aux
belles âmes des damnés,
Je
rêve d’encore une amourette,
Je
rêve d’encore m’enjuponner.
Encore
une fois dire « Je t’aime »,
Encore
une fois perdre le nord
En
effeuillant le chrysanthème
Qui
est la marguerite des morts.
En
effeuillant le chrysanthème
Qui
est la marguerite des morts.
Dieu
veuille que ma veuve s’alarme
En
enterrant son compagnon,
Et
que pour lui faire verser des larmes,
Il
n’y ait pas besoin d’oignon.
Qu’elle
prenne en secondes noces
Un
époux de mon acabit :
Il
pourra profiter de mes bottes,
Et
de mes pantoufles et de mes habits.
Il
pourra profiter de mes bottes,
Et
de mes pantoufles et de mes habits.
Qu’il
boive mon vin, qu’il aime ma femme,
Qu’il
fume ma pipe et mon tabac,
Mais
que jamais – mort de mon âme !,
Jamais
il ne fouette mes chats.
Quoique
je n’aie pas un atome,
Une
ombre de méchanceté,
S’il
fouette mes chats, il y a un fantôme
Qui
viendra le persécuter.
S’il
fouette mes chats, il y a un fantôme
Qui
viendra le persécuter.
Ici-gît
une feuille morte,
Ici
finit mon testament.
On
a marqué dessus ma porte :
« Fermé
pour cause d’enterrement. »
J’ai
quitté la vie sans rancune,
J’aurai
plus jamais mal aux dents :
Me
voilà dans la fosse commune,
La
fosse commune du temps.
Me
voilà dans la fosse commune,
La
fosse commune du temps.
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