L’ARTISTE
DE LA FAIM
Version
française – L’ARTISTE DE LA FAIM – Marco Valdo M.I.
– 2017
Chanson
allemande (berlinois) – Die
Hungerkünstlerin – Friedrich
Hollaender – Années
1920 (après 1922 et
avant 29)
Paroles
et musique de Friedrich Hollaender
Dans le cycle de chansons
pour cabaret intitulé « Lieder eines armen Mädchens »,
écrit pour sa (première) femme
Blandine Ebinger (1899-1993).
Une
chanson inspirée du récit de Franz Kafka « Ein
Hungerkünstler » (« Un artiste de la faim », ou
« Un Jeûneur »), publié en 1922, où un soi-disant
artiste réalise un jeûne à outrance en s’exposant au public dans
une boîte de verre. Il meurt dans l'indifférence générale et sera
remplacé par une panthère famélique .
Dialogue
maïeutique
Cette
fois, Lucien l’âne mon ami, je t’apporte la version française
d’une chanson berlinoise, écrite à Berlin, pour Berlin, en
berlinois et
comment dire, dans l’esprit berlinois, du moins celui qui
inspirait Kurt Tucholsky, Erich Kästner, Walter Mehring, Robert
Gilbert et d’autres encore, dont bien évidemment, Friedrich
Hoellander lui-même. Elle est tirée d’une histoire de Franz
Kafka, lequel était cependant Pragois, Ein
Hungerkünstler – Un
artiste de la faim, un texte de
Franz
Kafka,
publié pour la première fois en 1922 dans Die
neue Rundschau (une très remarquable revue littéraire
berlinoise, créée en 1890 et qui
existe toujours sous sa forme trimestrielle).
Encore
une fois, voici, Marco Valdo M.I. mon ami, un titre bien intrigant.
Dois-je comprendre qu’il s’agit d’un artiste qui subit la
faim ; ce ne serait pas une nouveauté ; ils sont nombreux
dans le cas. Alors, pourquoi ce titre : L’Artiste de la Faim ?
D’abord,
Lucien l’âne mon ami, laisse-moi te dire qu’on
pourrait tout aussi bien intituler cette nouvelle et par
conséquent, la canzone de Hollaender : La Faim de
l’Artiste ou La Fin de l’Artiste ou L’Artiste de
la Fin. Tous ces titres lui conviendraient et pour tout
dire, à moi aussi.
Moi,
je veux bien qu’on l’appelle ainsi , Marco Valdo M.I. mon
ami, mais enfin, cela ne m’avance pas beaucoup. Dis-moi plutôt
quel cet artiste et de quel art particulier, il est le créateur.
Eh
bien, Lucien l’âne mon ami, je vais de ce pas satisfaire ta
curiosité, très légitime au demeurant.
Je
t’en remercie vivement, Marco Valdo M.I. mon ami. Moi, de
mon côté, dit Lucien l’âne en riant, j’ai entendu parler
du succès différencié que rencontraient à Paris, il y a bien
longtemps, sans doute plus d’un siècle, Sara Bernard, alias
Henriette-Marie-Sarah Bernardt, dite Sarah Bernhardt, grande artiste
dramatique et de l’autre, Joseph Pujol, dit Le Pétomane,
artiste lyrique, si l’on peut ainsi qualifier son art. Comme
on peut l’imaginer, le public était plus nombreux et certes plus
populaire pour le second, mais il riait plus.
Donc,
reprend Marco Valdo M.I., le personnage et je pense même qu’il
faudrait dire le « héros » de cette aventure
artistique est un jeûneur professionnel, c’est-à-dire
un artiste qui pratique le jeûne, considéré comme un des
beaux arts. Comme tu peux le comprendre, il s’agit tout
simplement du portrait de l’artiste maudit, tel qu’a pu
l’incarner Charles Baudelaire ou Oscar Wilde. Dans le
récit de K, l’artiste est dans une cage où, en public,
il jeûne – sous contrôle – et tente d’établir un record de
durée. Mais le public se lasse et finalement, l’artiste se
retrouve – toujours en cage – dans la ménagerie d’un
cirque ambulant où il finit par mourir dans l’indifférence
générale. On met à sa place dans la cage une jeune
panthère, dénommée Fakira, dont le nom évoque infiniment
mieux l’Inde exotique et ses étranges fakirs, qui sont ces hommes
qui dorment sans s’en faire sur des lits de clous.
Fakira assurément connaîtra plus de succès auprès du
public. Une telle prestation artistique, soit dit en passant,
nous changerait des installations et des performances qui fleurissent
un peu partout, lesquelles de toute façon, vont connaître
le même parcours et subir la désaffection du public.
Oh,
dit Lucien l’âne, Marco Valdo M.I.
mon ami, cela me rappelle deux autres histoires. Une
de la même époque où l’on voit un « homme » dans une
cage de verre qui écrit un roman à la machine, le but de
cette prestation publique était la promotion de la machine à
écrire ; la seconde, c’est cette histoire du clown qui
meurt en souriant au pied de l’échelle à l’aide
de laquelle il désire tant atteindre la Lune, histoire que l’on
doit à l’écrivain étazunien Henry Miller ; il en est
même une troisième, c’est une chanson que nous connaissons bien
tous les deux et qui nous a toujours tellement émus : Le
Clown de
Gianni Esposito. Sans compter cette nouvelle de science-fiction
où une effeuilleuse arrivée au point final de son exhibition se
voit encouragée par le public – ce voyeur impénitent – à ôter
encore quelque chose. Alors, la dame qui, comme tu l’as
certainement compris, n’a vraiment plus un seul bout de tissu dont
elle pourrait se dépouiller, commence
tout simplement à s’enlever la peau de l’avant-bras
droit comme un
long gant de soi et sous les applaudissements nourris et
insistants des spectateurs, elle enlève soigneusement tout en
ondulant du tronc son long gant de gauche ; puis, partant
du haut
de sa cuisse droite, elle fait glisser lentement la
peau de son bas et levant avec une infinie lenteur la
jambe gauche, elle la pose sur la chaise et elle enroule dans
un geste doux et sensuel, le bas gauche de sa peau d’abord
jusqu’au genou, puis en se penchant, elle roule ce
tissu autour du tibia, passe la cheville, le talon (on aperçoit
un bout d’os) pour finir par l’ôter d’un petit geste
sec ; ses orteils frétillent à peine. Elle se redresse
alors et en croisant les bras, elle prend des deux mains, à
hauteur du nombril, le haut de sa tenue de peau et commence
doucement, doucement, à la remonter en se tortillant un
peu du buste, elle arrive aux seins qu’elle dégage dans
une jolie torsion, puis, arrivée aux épaules d’un
mouvement subtil se
dégage ainsi du haut, passe le tout par-dessus la tête et
salue le public d’un sourire écarlate.
Mais,
dit Marco Valdo M.I., c’est atroce ton histoire…
Je
sais, mais je n’ai pas fini. Donc, toujours sous le regard extasié
du public, la femme se penche vers l’avant laissant pendre sa
chevelure rousse,
longue et touffue et à hauteur du bassin, une main de chaque
côté du corps, elle se saisit de ce qu’on doit bien appeler sa
culotte de peau et du même mouvement, elle fait descendre en
s’aidant de deux ou trois saccades, cette ultime pièce
d’habillement et découvre ses intestins. Le public exulte et crie
« encore, encore ! ». L’artiste se redresse
fièrement ; il ne lui reste plus que la tête et placide, la
dame s’exécute : du bas du cou, si rose, si extensible, elle
fait remonter la peau jusqu’au ras de la chevelure – ses yeux
brillent à vif d’une folle gloire ; d’un geste ample et
brusque cependant, elle arrache tout le reste, cheveux compris.
Il
ne lui reste qu’un crâne blanc sanguinolent qui sourit, sourit.
Elle tient par les cheveux son propre scalp et entre les muscles du
visage, on distingue les mâchoires, les dents et les trous du nez
avec en arrière-plan le blanc laiteux veiné de rouge du cerveau.
Tout à l’arrière, tel une Tour de Pise, se penche sa colonne
vertébrale, portant de chaque côté les béants regards d’égout,
que sont ses orbites où vacillent encore ses yeux d’un bleu
azuréen ou presque turquoise, selon l’endroit d’où on regarde
la scène.
Ainsi
sans dire un seul mot, elle finit par s’écorcher
entièrement et
salue le public en extase. Ce
dernier reconnaissant lui fit immédiatement une ovation et lui
lança, comme on lance des cacahuètes aux singes dans leur cage, une
pluie d’argent : des pièces d’or, des billets, des liasses
entières.
Oh,
Lucien l’âne mon ami, c’est vraiment épouvantable. Je ne sais
trop si on pourrait en faire une chanson. Cependant, je te propose de
revenir à celle de notre artiste de la faim et de conclure cette
présentation comme tu en as l’ordinaire habitude.
Certes,
Marco Valdo M.I. mon ami. Toutes ces histoires illustrant deux
choses : le destin tragique des artistes qui ne rencontrent pas
tous, ni toujours la gloire et la fortune. Bien loin de là, c’est
le cas de la plupart connaissent une vie miséreuse. Dans le grand
jeu du monde, dans cette Guerre de Cent Mille Ans que les riches font
aux pauvres, les artistes sont considérés comme des personnages
domestiques, des marionnettes que l’on jette après usage et
souvent le public se comporte comme un patron versatile et pervers.
Nous autres, artistes précaires et méconnus – ainsi est le sort
de la plupart – reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce
vieux monde méprisant, méprisable, médiocre, méritocratique et
cacochyme.
Heureusement
!
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Comme
à la maison, j’ai très faim,
Je me consacre à un art
nouveau.
Avec fierté, je suis la Fille sortie du
tombeau
Surnommée Fakira, l’artiste de la faim.
Dans une
cage sans portes, ni fenêtres,
Comme dans un aquarium, derrière
d’épaisses vitres.
Depuis 23 jours, on peut m’y voir
assise
Cher public et sans rien manger, je jeûne.
On peut
voir mon évolution,
À la pâleur qui marque mon
visage.
Quelques bouteilles d’eau sont toute mon alimentation.
Pour
la grandeur et les cercles les plus hauts
J’ai faim, car
ça me plaît profondément.
L’Empereur est venu me voir en
personne,
Il m’a serré la main à Breslau.
Qu’il fut
enthousiaste, je peux le comprendre,
Il n’avait jamais
rencontré un affamé.
Moi, je n’ai pas besoin de nœuds
ou de ceinture.
J’aimerais pourtant bien manger à ma
faim,
Car à force d’avoir faim, on attrape faim.
Et mon
salaire est une vraie misère.
Je
rêve d’un restaurant exotique
Avec ses suaves odeurs et de la
musique.
Pitié,
Messieurs,
Qui
me regardez la nuit. À vos yeux,
Je dois paraître déformée à
travers les vitres.
Regardez ! Soyez
bienveillants !
Voulez-vous ma place dans la cage ?
Ici,
c’est chouette ! Ici, tout est transparent !
On se
nourrit d’une force accessoire
Et si je trépasse
finalement,
Emmenez-moi en auto au laboratoire.
Alors,
je figurerai dans des ouvrages de médecine :
(Un phénomène
Unique, qu’on ne voit qu’une seule fois).
Fakira
ne laissa rien paraître devant les autres
Jusqu’au jour où
la faim la terrassa.
Elle était encore jeune et ne sera jamais
vieille,
L’illustration 3 montre clairement son
squelette
L’illustration 4 ses hautes décorations.
Elle
mourut d’une côtelette de mouton.
Dans le cycle de chansons pour cabaret intitulé « Lieder eines armen Mädchens », écrit pour sa (première) femme Blandine Ebinger (1899-1993).
Je me consacre à un art nouveau.
Avec fierté, je suis la Fille sortie du tombeau
Surnommée Fakira, l’artiste de la faim.
Dans une cage sans portes, ni fenêtres,
Comme dans un aquarium, derrière d’épaisses vitres.
Depuis 23 jours, on peut m’y voir assise
Cher public et sans rien manger, je jeûne.
On peut voir mon évolution,
À la pâleur qui marque mon visage.
Quelques bouteilles d’eau sont toute mon alimentation.
J’ai faim, car ça me plaît profondément.
L’Empereur est venu me voir en personne,
Il m’a serré la main à Breslau.
Qu’il fut enthousiaste, je peux le comprendre,
Il n’avait jamais rencontré un affamé.
Moi, je n’ai pas besoin de nœuds ou de ceinture.
J’aimerais pourtant bien manger à ma faim,
Car à force d’avoir faim, on attrape faim.
Et mon salaire est une vraie misère.
Avec ses suaves odeurs et de la musique.
Je dois paraître déformée à travers les vitres.
Regardez ! Soyez bienveillants !
Voulez-vous ma place dans la cage ?
Ici, c’est chouette ! Ici, tout est transparent !
On se nourrit d’une force accessoire
Et si je trépasse finalement,
Emmenez-moi en auto au laboratoire.
(Un phénomène Unique, qu’on ne voit qu’une seule fois).
Jusqu’au jour où la faim la terrassa.
Elle était encore jeune et ne sera jamais vieille,
L’illustration 3 montre clairement son squelette
L’illustration 4 ses hautes décorations.
Elle mourut d’une côtelette de mouton.
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