La
Chanson du Savon
La
Chanson du Savon – Marco Valdo M.I. – 2016
Voici,
mon cher Lucien l’âne, une chanson de
cabaret qui ridiculise avec beaucoup
d’ironie les sociaux-démocrates
allemands, dont
les candidats, pendant la campagne électorale de 1928, distribuaient
aux meetings des savons estampillés
« Votez SPD ».
Hola,
dit Lucien l’âne, voilà bien une mauvaise idée. Il est vrai que
la publicité et la propagande ne font généralement pas preuve
d’énormément de subtilité. Mais quand même, c’est fort lourd
un pareil symbole. De deux choses l’une en matière
interprétation : soit le cadeau de savon pourrait laisser
supposer que l’on considère que les électeurs à qui on les
distribue sont des gens sales ; soit le SPD se prend lui-même
pour une sorte de Monsieur Propre et a comme programme de tout
nettoyer.
De
mémoire d’âne, cette manie de la propreté est une des bases des
partis de l’ordre ; un tel hygiénisme politique est fort
inquiétant et ouvre la porte à des grands nettoyages, y compris
ethniques.
Une
initiative vraiment « propre » pour une Allemagne au
bord du gouffre où les
gens étaient préoccupés
de trouver quelque chose à se mettre
sous la dent avant même de penser à se
laver.
Aux
élections qui suivirent cette campagne, le
SPD gagna quelques sièges, mais il n’obtînt
même pas le tiers du parlement ;
les nazis
perdirent de nombreux
sièges, mais les sociaux-démocrates en
vue d’assurer une sorte de « paix nationale »
appelèrent d’autres partis à participer au pouvoir : centre,
droite et même, les nationaux-socialistes, réduits à même pas 3 %
de l’électorat. C’est
ainsi qu’en 1928, firent leur entrée
dans les institutions quelques prétoriens de Hitler comme Hermann
Goering, Joseph Goebbels et Wilhelm Frick.
Sans
doute, les sociaux-démocrates ou d’autres partis, comme cela se
voit actuellement dans des pays d’Europe, se coalisent avec les
nationalistes, l’idée étant de les associer à la politique
gouvernementale, de réduire leur opposition et de récupérer les
électeurs.
Alors,
Marco Valdo M.I. mon ami, à présent que le contexte est un peu
éclairé, que peut donc bien raconter « La Chanson du
Savon » ?
La
chanson elle-même, comme je te l’ai déjà indiqué, est une
solide moquerie assez acerbe qui vise cette distribution de savoir
politique, systématisée dans le refrain :
« Moussons,
frottons,
Savonnons,
Relavons
Dis-moi,
Marco Valdo M.I. mon ami, n’as-tu pas comme moi perçu dans ce
quatrain comme une allusion à cet assassin qui se lave les mains
pour effacer son crime ou plus bibliquement, une allusion à ce Ponce
Pilate tant décrié par certains.
Lucien
l’âne mon ami, je pencherais volontiers pour les deux hypothèses
à la fois ; ce serait en syntonie avec la position de la
social-démocratie de l’époque, qui venait d’assassiner la
gauche socialiste, de réprimer le syndicalisme, de mettre au pas les
organisations ouvrières et tout ce qui y ressemblait. Elle avait
écrasé dans le sang la révolution et il s’agissait d’affirmer
sa position de pouvoir et sa capacité de parti « responsable ».
Oh,
Marco Valdo M.I. mon ami, mes oreilles d’âne entendent d’ailleurs
cette antienne actuellement, c’est comme si les sociaux-démocrates
et leurs alliés ne s’étaient rendu compte de rien, ignoraient la
suite de cette « stratégie politique » et qu’ils
avaient versé sur l’histoire un tombereau de silence et d’oubli.
Mais dis-moi, maintenant ce que dit la chanson ?
Eh
bien, vois-tu Lucien l’âne mon ami, je vais te synthétiser ça.
La chanson reprend les diverses étapes de l’action de la
social-démocratie à partir du moment où elle a commencé à se
trahir elle-même en abandonnant sont engagement socialiste contre la
guerre, quand elle s’était ralliée en 1914 à la politique
guerrière de l’Empereur. Elle avait carrément tourné casaque,
comme on dit chez nous.
Au
quatrain suivant, elle se rallie à la République ; au suivant,
elle massacre les ouvriers et les soldats démobilisés qui
entamaient la révolution pour instaurer le socialisme, lors-même
que la social-démocratie proclamait dans ses propres principes
vouloir la révolution et le socialisme.
Enfin,
elle participe au pouvoir et c’est sans doute, à ses yeux, une
« bonne affaire ».
Comme
je vois, « Bon sang ne peut mentir ! » ;
mauvais sang non plus, me semble-t-il. À quel niveau ils étaient
tombés ? À celui de l’épicerie, sans doute. Au niveau
des comptes (électoraux) de boutiquiers sans foi ni loi.
Entendons-nous bien, Marco Valdo M.I. mon ami, je n’ai rien contre
les principes de l’épicerie et de la boutique quand ils sont
appliqués à l’épicerie et à la boutique, ce sont alors même
des principes sains et nécessaires, mais par contre, ils n’ont
rien à faire dans d’autres domaines – et particulièrement, en
politique. Comme je le vois par la chanson, l’époque déjà, les
gens n’étaient pas dupes. Voyons cette chanson et reprenons notre
tâche qui consiste à tisser le linceul de ce vieux monde électoral,
calculateur, épicier et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Nous
avons offert à nos frères
D’électoraux savons.
La prochaine fois, nous le referons ;
C’était une bonne affaire.
D’électoraux savons.
La prochaine fois, nous le referons ;
C’était une bonne affaire.
Nous
l’avons approuvée,
Cette grande et sainte guerre.
Et nous avons tant cédé aux militaires,
Que notre conscience en est retournée.
Cette grande et sainte guerre.
Et nous avons tant cédé aux militaires,
Que notre conscience en est retournée.
Nous
avons écrasé la révolte,
Le calme est revenu sur le terrain.
Le sang des rouges
Colle encore à nos mains.
Le calme est revenu sur le terrain.
Le sang des rouges
Colle encore à nos mains.
Nous
avons offert à nos frèresD’électoraux
savons.
La prochaine fois, nous le referons ;
C’était une bonne affaire.
La prochaine fois, nous le referons ;
C’était une bonne affaire.
Moussons,
frottons,
Savonnons,
Relavons
Nos mains à fond !
Savonnons,
Relavons
Nos mains à fond !
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