La Vente à l'encan
Chanson française – La Vente à l'encan – Marco Valdo M.I. – 2016
Ulenspiegel
le Gueux – 21
Opéra-récit
en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La
Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses
d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs
(1867).
(Ulenspiegel
– I, LXXVI)
Cette
numérotation particulière : (Ulenspiegel
– I, I), signifie très
exactement ceci :
Ulenspiegel :
La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses
d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs,
dans le texte de l’édition de 1867.
Le
premier chiffre romain correspond au numéro du Livre – le roman
comporte 5 livres et le deuxième chiffre romain renvoie au chapitre
d’où a été tirée la chanson. Ainsi, on peut – si le cœur
vous en dit – retrouver le texte originel et plein de détails qui
ne figurent pas ici.
Et tout ce qui est ainsi saisi est mis en vente immédiatement devant la maison de Claes |
Nous
voici, Lucien l’âne mon ami, à la vingt et unième canzone de
l’histoire de Till le Gueux. Les vingt premières étaient, je te
le rappelle :
01
Katheline
la bonne sorcière
[[50627]]
(Ulenspiegel
– I, I)
02
Till
et Philippe
[[50640]](Ulenspiegel
– (Ulenspiegel – I, V)
03.
La
Guenon Hérétique
[[50656]](Ulenspiegel
– I, XXII)
04.
Gand,
la Dame
[[50666]](Ulenspiegel
– I, XXVIII)
05.
Coupez
les pieds !
[[50687]](Ulenspiegel
– I, XXX)
06.
Exil
de Till
[[50704]](Ulenspiegel
– I, XXXII)
07.
En
ce temps-là, Till
[[50772]](Ulenspiegel
– I, XXXIV)
08.
Katheline
suppliciée
[[50801]](Ulenspiegel – I, XXXVIII)
09.
Till,
le roi Philippe et l’âne
[[50826]](Ulenspiegel
– I, XXXIX)
10.
La
Cigogne et la Prostituée
[[50862]](Ulenspiegel
– I, LI)
12.
La
messe du Pape, le pardon de Till et les florins de l’Hôtesse
[[50939]](Ulenspiegel – I, LIII)
13.
Indulgence
[[51015]] (Ulenspiegel
– I, LIV)
14.
Jef,
l’âne
du diable
[[51076]] (Ulenspiegel
– I, LVII)
15.
Vois-tu
jusque Bruxelles ?
[[51124]]
(Ulenspiegel
– I, LVIII)
16.
Lamentation
de Nelle, la mule et la résurrection
[[51150]]
(Ulenspiegel
– I, LXVIII)
17.
Hérétique
le Bonhomme
[[51196]]
(Ulenspiegel
– I, LXIX)
18.
Procès
et condamnation [[51215]]
(Ulenspiegel
– I, LXIX)
19.
La
Mort de Claes, le charbonnier
[[51256]]
(Ulenspiegel
– I, LXXIV)
20.
Le
Talisman rouge
et noir
[[51272]]
(Ulenspiegel
– I, LXXV)
Après
la mort de Claes, le charbonnier sur le bûcher, il s'agit d'accorder
au délateur le prix de sa dénonciation, lequel est constitué par
la moitié des biens du défunt ; l'autre moitié revient au
souverain, qui a inventé cette belle disposition. C'est une règle
odieuse, certes, mais du point de vue des « autorités »,
il s'agit de l'appliquer ; ce que ne peuvent manquer de faire
les officiers publics et les juges. Même si en leur for intérieur,
ils n'en pensent pas moins.
Personnellement,
dit Lucien l'âne en se cabrant, je ne ferais jamais une chose
pareille. Je refuserais d'appliquer une telle loi…
C'est
bien pour cela que tu n'es pas et ne pourrais pas être un officier
public ou un juge. Et, si par extraordinaire, tu l'eus été et que
tu n'eus pas appliqué cette loi ou n'importe quel autre règlement,
tu aurais été limogé, démissionné ou plus gravement sanctionné
encore. On ne badine pas avec ça en haut lieu. Cependant, pour en
revenir à notre histoire, elle se résume à ceci : le
poissonnier a dénoncé le charbonnier pour hériter de la moitié de
ses biens. De tous ses biens. Le désormais héritier, pour pouvoir
s'assurer de son héritage, fait saisir par voie de justice tout :
berceau, lit, meubles, vivres « jusques au dernier clou ».
Remarque bien ce dernier clou, car il ne s'agit pas d'une expression,
mais d'une réalité, on saisit bien jusques au dernier clou, car, à
cette époque lointaine, comme le fer est cher, les clous ont de la
valeur et on les arrache tous des murs de l'habitation. Et tout ce
qui est ainsi saisi est mis en vente immédiatement devant la maison
de Claes. C'est une vente au plus offrant, une vente à l'encan, une
vente aux enchères à la chandelle, dont la durée est fixée par le
temps que met la chandelle à se consumer. Celui qui a offert le plus
au moment où la chandelle s'éteint emporte le lot. Une
particularité de cette vente, dans notre histoire, c'est que le
poissonnier est gagnant à tous les coups, puisqu'il bénéficie de
la moitié du prix. Ainsi, personne ne peut le concurrencer et
lui-même a intérêt à faire monter les prix, vu qu'il ne paiera
jamais que la moitié du prix qu'il annonce et que l'éventuel
enchérisseur devra régler le prix plein. Sauf qu'en ce cas précis,
personne d'autre que lui ne veut acheter les biens du condamné
défunt. C'est ainsi que le poissonnier finit par acheter – pas
cher – tous les biens de Claes.
L'attitude
de ce poissonnier est assez déroutante pour la morale universelle,
la morale commune, la « common decency », la pure et
simple décence, celle qui veut qu'il y a des choses qu'on ne fait
pas, dit Lucien l'âne d'un ton amer.
Tu
as raison et d'ailleurs, il va s'en rendre compte. Mais ce n'est pas
tout, il va faire pis encore, car il n'a pas obtenu ce qu'il
cherchait… Ce qu'il visait en dénonçant le charbonnier, c'était
les 700 carolus d'or (une véritable fortune) que Claes avait reçus
de son frère Josse, via le messager. Comme Till les a cachés hors
de la maison paternelle, on ne les y trouve pas. Enragé par cette
disparition, le poissonnier va dénoncer une deuxième fois ; il
va accuser la veuve et l'orphelin – Till et sa mère Soetkin, qui
vont être menés en prison afin d'être torturés pour qu'ils
révèlent où se trouve cette fortune. Durant le trajet, qu'ils
parcourent ligotés et escortés par les sergents de la ville, au
moment où ils passent devant la demeure du poissonnier, les accusés
en criant lancent la malédiction contre leur dénonciateur et lui
prédisent la « male mort ». C'est ainsi que le gens du
village apprennent cette deuxième forfaiture et se rebiffent. De
colère et de honte, ils mettent le poissonnier en quarantaine comme
on fait d'une bête malfaisante ; ils font le siège de sa
maison, lui jettent des pierres. Ainsi commence la vengeance de
Claes. La peur qui saisit le poissonnier est elle qu'il n'ose plus
sortir de chez lui.
Oh,
dit Lucien l'âne, quelle histoire terrifiante que celle-là !
Une vague de honte devrait emporter cet homme-là. C'est une vraie
scène de guerre. Si on y songe, des histoires de dénonciateurs, on
en a connu lors de toutes les guerres…
À
qui le dis-tu, Lucien l'âne mon ami. Je sais que tu le sais, mais
quand même je le rappelle, j'en garde toujours mémoire : mon
propre père a été ainsi dénoncé, torturé et est mort du chef
d'un traître de ce genre.
Dans
toutes les guerres, et toutes les occupations, dans les guerres de
religion ou dans les guerres dites civiles, on trouve des actes de
traîtrise, de dénonciation ou délation comme celui-là. Je n'ose
imaginer la suite, mais je la sens très angoissante. Reprenons
pourtant notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde
honteux, obscène, avide, traître et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Claes
mort, pour la vente de justice
On
met les meubles sur la rue
Le
berceau où le père et le fils sont nés
Le
lit où la mère a accouché.
La
huche où se serre le pain,
Le
bahut, les poêles, les faitouts,
La
tonne à bière et les flacons de vin,
Tout
jusques au dernier clou.
Le
crieur allume la chandelle,
On
vend à l'encan même la vaisselle.
Seul
le poissonnier achète et comptant,
Il
sourit de toutes ses dents.
Le
dénonciateur, dit la veuve de Claes.
Je
sais, dit le fils de Claes,
Il
n'héritera pas du sang du père,
Se
jurent le fils et la mère.
Et
le poissonnier accuse à nouveau
Pour
trouver l'héritage tant convoité.
Il
veut ses carolus, l'insensé ;
L'argent
lui brûle le cerveau.
Il
dénonce la veuve et l'orphelin
Par
écrit entre les mains du bailli
Et
les juges entendant les témoins
Poursuivent
des gens déjà meurtris.
Le
fils et la mère en allant au bourreau
Maudissent
publiquement le vilain barbeau ;
Ils
lui prédisent la male mort
Et
tout le bourg comprend. Alors,
De
toutes les maisons, de toutes les rues,
Chez
le délateur, les gens se ruent
Le
huent, lui jettent des pierres
Et
l'infâme cagot affolé se terre.
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