Version
française – LA TRÊVE DE NOËL – Marco Valdo M.I. – 2016
Chanson
italienne – La
tregua di Natale – Wu
Ming Contingent – 2015
Pauvres
choses, comme était pauvre notre Noël,
Et
pauvres, nous étions dans cette guerre de riches.
Juste
deux mots à propos de cette peinture d'Oskar
Kokoschka qui
représente un village de l'Isonzo au travers duquel passe la
tranchée entre les Autrichiens et les Italiens. Kokoschka fit cette
peinture en 1916 quand il combattait dans ce village – côté
autrichien; il faillit y être tué; la chapelle, prise dans le même
bombardement, n'en réchappa pas..
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La
tregua di Natale (La
trêve de Noël)
est le
premier morceau (se dit encore individuel ?) de l’album
Schegge de shrapnel (Éclats
d'obus).
Le
texte est tiré de l’interview
d’un
rescapé cameranese (du
village de Camerano, près d’Ancona) de
la Grande Guerre, recueillie il
y a maintenant
trente ans par
Alberto
Recanatini et
publiée
dans le volume Di
che brigata sei? La mia ha i colori di Camerano…
(Camerano, 1994).
À
ce qu’il paraît, il ne s’agissait pas d’un individu
« contraire à la guerre », ni d’un antimilitariste
convaincu. Ceci, selon nous, augmente le sens de sa stupeur face à
une trêve spontanée, décidée grâce à des regards d’entente,
des mots bredouillés au hasard et des lancements de cadeaux dans les
tranchées opposées. Le témoignage a une valeur particulière, car
il n’y a pas beaucoup de documents qui parlent des « trêves
Noël » sur le front d’italien (ici sommes proches de
Kambreško, dans la haute vallée d’Isonzo), alors que bien
davantage a été écrit et chanté autour du Christmas Truce entre
les Allemands et les Britanniques, dans les Flandres, à l’occasion
de Noël 1914 (celle ici décrite se déroule deux ans après).
« Des épisodes isolés, vite effacés par la violence de la guerre, de brefs instants qui toutefois suffirent à faire crouler une perception abstraite de l’ennemi proposée par la propagande : les Autrichiens se révélaient également déchirés, accablés et fatigués, ils nourrissaient le même désir de paix et de repos. Auprès de la sensation de partager avec les soldats ennemis les mêmes conditions de vie et le même destin, affleure parfois une perception plus profonde : s’il avait été possible de s’arrêter sur ces sentiments de partage, si de l’ennemi, on avait entendu la voix, ou aperçu le visage, si on en avait connu les sentiments, l’agression n’aurait pas été plus possible. »
(B. Bianchi, La follia e la fuga. Nevrosi di guerra, diserzione e disobbedienza nell’esercito italiano (1915 – 1918) [La folie et la fuite. Névroses de guerre, désertion et désobéissance dans l'armée italienne (1915-1918)] (Roma, Bulzoni, 2001), pp. 353-354)
Sans
qu’on s’en aperçoive, Noël arriva ;
Un matin quelqu’un dit étonné « Aujourd’hui, c’est Noël ».
Au long de la tranchée, la nouvelle courut de bouche à oreille.
Elle étonna si fort le cœur endurci de tous les gars
Que l’envie de tirer nous manqua ce jour-là
Un matin quelqu’un dit étonné « Aujourd’hui, c’est Noël ».
Au long de la tranchée, la nouvelle courut de bouche à oreille.
Elle étonna si fort le cœur endurci de tous les gars
Que l’envie de tirer nous manqua ce jour-là
Les
Hongrois n’attaquaient pas ;
Quelqu’un commença à chanter, d’abord à mi-voix
Mais peu après, elle remplit toute la vallée.
Un objet tomba dans notre tranchée
On pensait que c’était une bombe à retard
Mais c’était seulement un paquet de cigares
Quelqu’un commença à chanter, d’abord à mi-voix
Mais peu après, elle remplit toute la vallée.
Un objet tomba dans notre tranchée
On pensait que c’était une bombe à retard
Mais c’était seulement un paquet de cigares
On répondait d’un lancer de chocolat
Quelqu’un sortait la tête du parapet
Et les tireurs ne tiraient pas !
Les visages de quelques Hongrois apparaissaient ;
De timides mots en italien sans sens, qu’ils disaient.
On se tendait les mains,
Les officiers laissaient faire,
Bouleversés eux aussi par ce climat irréel et humain
Pour une tranchée dans cette seconde année de guerre.
On rivalisait pour s’échanger quelque chose,
Un peu de vin, des fruits secs, des galettes.
Pauvres choses, comme était pauvre notre Noël,
Et pauvres, nous étions dans cette guerre de riches.
La trêve dura jusqu’au soir ; on nous déplaça dès le lendemain,
En affectant à un autre secteur notre brigade.
Par la suite, on sut que le commandement autrichien avait fait pareil… et il faisait bien,
Car jamais plus, nous ne nous serions tirés dessus, c’est certain.
Après cette trêve de Noël ! ! !
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