Ode au Pape
Chanson
française – Ode au Pape – Marco Valdo M.I. – 2015
Quoi ?
Quoi ? Voilà-t-il pas que tu te mets à écrire des odes à
présent et au Pape de surcroît ? En voilà une idée étrange…
Tu aurais pu choisir une autre tête de Turc… Mais, tu m'étonneras
toujours…
Mais
enfin, Lucien l'âne mon ami, il n'y a rien d'extraordinaire à
écrire des odes ; ça fait bien longtemps qu'on en compose. Et
puis, j'en ai déjà écrit des odes. Certes, j'en conviens, l'ode
est un genre poétique un peu solennel et un peu désuet. Il est
d'ailleurs régi par certaines règles que je ne suis pas vraiment
sûr de respecter. J'aurais aussi bien pu intituler cette chanson
Oraison au Pape. Cependant, tu connais mon goût pour la parodie,
genre
quelque peu ironique. Cette ode-ci, note-le, est une parodie de cette
Ode
à Kesselring, version française (que je fis) du très beau
texte de Piero Calamandrei : Lo avrai... que l'écrivain toscan
adressait au Generalfeldmarschall
ad
ignominia – afin de marquer de la honte ce criminel nazi.
Dois-je
comprendre qu'il y a là comme un lien, comme une liaison, une sorte
de correspondance, comme un soupçon d'ironie… Ce serait sacrilège
et il fut un temps où un tel rapprochement, même fortuit, aurait
valu les pires ennuis à celui qui l'aurait effectué.
Je
le sais bien. D'ailleurs, le poème de Calamandrei fut très critiqué
par les Stahlhelm et les anciens de l'armée hitlérienne. Mais,
Lucien l’âne mon ami, c'est précisément face à la résurgence
d'une telle domination que j'ai évoqué ce monument. Je te le dis en
toute confidence, il ne faut pas s'y tromper, de tous les côtés
qu'on se tourne, les religieux et les religions nous assaillent et
manœuvrent à conquérir ou reconquérir le monde et à embrigader
les humains. Et nous, nous deux et d'autres, nous nous refusons à
subir pareilles manipulations. Alors, avec ce petit texte, je nous
replace dans la lignée de Valdo et de sa Fraternité des Pauvres, de
Marguerite et de Dolcino, de Jean Meslier, de Voltaire…
Oui,
« Noï, non siamo cristiani, siamo somari ». Et pour
étendre le propos hors des murs de l'urbs, je te rappelle
qu'ailleurs dans le monde, des hommes en massacrent d'autres au nom
de Dieu et souvent, ils ajoutent : « le seul Dieu ».
Tonton Georges disait à
propos des idées :
« Des
idées réclamant le fameux sacrifice
Les sectes de tout poil en offrent des séquelles
Et la question se pose aux victimes novices
Mourir pour des idées, c'est bien beau mais lesquelles ? » et il en va de même de Dieu :
Les sectes de tout poil en offrent des séquelles
Et la question se pose aux victimes novices
Mourir pour des idées, c'est bien beau mais lesquelles ? » et il en va de même de Dieu :
« Un
seul Dieu, c'est bien beau, mais lequel ? »
Bof !
In fine, peu importe. Ce qui compte vraiment, c'est que les sectaires
de tous poils laissent les femmes et les hommes (les enfants, les
vieillards, les filles, les garçons, les hétérosexuels, les
homosexuels et les pas sexuels du tout…) vivre sans jamais
interférer dans leur quotidien. Et pour ce qui est de Dieu (lequel,
en effet?) qu'il retourne à son néant dont on n'aurait jamais dû
le sortir.
Mais
n'est-ce pas là un combat contre des moulins à vent du passé
depuis longtemps sans ailes.
Comme
j'aimerais que tu aies raison sur ce point, Lucien l'âne mon ami,
toi qui les connais si bien ces moulins, toi qui les as vus de très
près ces moulins de Don Quichotte, du temps où tu véhiculais
Sancho Panza sur ton dos. Malheureusement aujourd'hui, dans ce monde,
on tue les athées car ils sont athées ; dans ce monde
aujourd’hui, on voit refleurir les étranges fleurs des bûchers.
Et ici, en Europe, au nom d'une soi-disant tradition venue
d'ailleurs, de racines exotiques, on veut museler la libre parole, la
libre pensée, la libre conscience. On veut soumettre l'individu et
sa liberté aux diktats de livres abscons. J'entends certains
inspirés réclamer que l'on réinstitue le délit de blasphème,
qu'on punisse les mécréants… qu'on abroge les lois qui protègent
la liberté humaine . Ces illuminés réclament qu'on aille
comme s'en vont les écrevisses, à reculons, à reculons. Voilà le
pourquoi de cette chanson et comme tu l'entends, elle ne vise pas
seulement le doucereux personnage romain.
Je
le comprends bien, Marco Valdo M.I. mon ami et « qui se sent
rogneux qu'il se gratte » ou en picard : « Si
i s'sint ronieuw, i n'a qu'à s'gratter ». Enfin, car il faut
bien en finir, je ne peux qu'approuver pareille démarche libertaire.
Alors, reprenons notre tâche et tissons le linceul (en italien, il
sudario – du latin : sudarium) de ce vieux monde insinuateur,
doucereux, prédicateur, incendiaire, assassin et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.
Tu
l'auras,
Pape
de Rome,
Le
monument que tu exiges de nous autres humains,
Mais
avec quelles mains,
Mais
avec quels hommes,
Mais
avec quelles pierres on le construira,
C'est
à nous de le décider.
Pas
avec les pierres enfumées
Des
villages ravagés par les croisades,
Pas
avec la terre des cimetières
Où
les mécréants jeunes encore
Furent
rejetés au dehors,
Pas
avec la neige inviolée des montagnes
Où
Marguerite et Dolcino vous défièrent,
Pas
avec le printemps de la pensée qui nous vit grandir.
Mais
seulement avec le silence des torturés,
Plus
dur que tous vos bûchers,
Mais
seulement avec les bras des mécréants,
Hommes
sages et indépendants,
Volontairement
engagés
Pour
la dignité et pour la raison
Et
décidés à effacer
La
honte et la soumission.
Si
tu voulais un jour dominer le monde,
Tu
nous trouveras partout à la ronde,
Morts
et vivants avec le même engagement
Libres
autour du monument
À
la liberté et l'amour
Qui
clame avec confiance :
Maintenant
et toujours,
Résistance !
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