Version
française – LE CACHET (OU CHANSON DES CHÔMEURS) – Marco Valdo
M.I. – 2015
d'après
la version en italien de Riccardo Venturi d'une
Musique de Hanns EislerInterprétation Ernst Busch
Tu irais pointer
Ta misère ne s'effacerait pas.
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Une
chanson très célèbre, « légère » à la manière de
Gilbert, mais suprême description et synthèse des effets de la
crise de 1929 en Allemagne, certainement pas moins dévastatrice
qu'aux USA, alors comme aujourd'hui terre d'origine de la crise.
(Mais, dit Lucien l'âne, est-ce vraiment une crise ou le cours
normal de la Guerre de Cent Mille Ans ?)
Et
alors comme aujourd'hui les causes identiques, détaillées et
synthétisées en particulier par l'économiste américain John
Kenneth Galbraith (1908-2006) : mauvaise distribution du revenu ;
mauvaise structure et mauvaise gestion des entreprises industrielles
et des financières ; mauvaise structure du système bancaire ; excès
de prêts à caractère spéculatif ; poursuite compulsive de
l'équilibre budgétaire et diabolisation des interventions d'État,
vues comme des altérations du « marché libre ».
On
en vient à se demander comment il est possible que soit répété
aujourd'hui le même scénario d'il y a presque 100 ans… Je ne suis
pas un économiste, au contraire, je n'y comprends presque rien à
l'économie (Oh, dit Lucien l'âne, mais les économistes non plus
n'y comprennent rien… À preuve les immenses et perpétuels
cafouillages que les « judicieux conseils » d'experts
entraînent depuis si longtemps dans le monde ; ils disent tout
et n'importe quoi et passent leur temps à se contredire ; s'il
y a bien quelque part une trahison des clercs, c'est celle des
économistes...), mais je risque une hypothèse : que soit la Guerre
des 10.000 ans que la minorité de riches et puissants a toujours
faite, fait et continuera à faire au détriment de la multitude des
pauvres et des appauvris ?
Désolé
d'être ainsi intervenu dans le cours de ta traduction, mais je n'ai
pas pu m'en empêcher… Et toi, Marco Valdo M.I. mon ami, comme il
s'agit d'une « chanson des chômeurs », tu es
particulièrement bien placé pour donner une version française de
cette chanson allemande, d'il y a presque un siècle. Car… car, si
j'ai bonne souvenance, tu as écrit quelques chansons sur le chômage,
les chômeurs et la façon dont ils sont traités… Toutes présentes
sur ce site et de mémoire, je peux même te les citer …
En
effet, j'écrivais des chansons sur les chômeurs, le chômage… du
temps où j'étais moi-même chômeur. Mais assez parlé de moi et
j'ai deux-trois choses à te dire concernant cette chanson de Robert
Gilbert. Je ne dirai rien sur le fond, car comme tu l'as rappelé,
j'en ai assez dit. Je veux simplement parler de la chanson elle-même
et spécialement, des difficultés de compréhension et de traduction
qu'a rencontrées le vrai traducteur, qu'est notre ami Venturi. Comme
souvent, j'avais regardé le texte de Gilbert quand il fut inséré
dans les Chansons contre la Guerre et vu ma connaissance très
relative de l'allemand, j'avais reporté à plus tard une version
française. Et si je l'ai faite aujourd'hui, cette version, c'est
précisément à cause de Riccardo Venturi et de sa note de
traducteur, où il dit toute la difficulté de la chose en raison du
fait que la chanson n'est pas en allemand, disons standard, mais en
berlinois – langue pratiquée notamment par Robert Gilbert, mais
aussi Kurt Tucholsky, par exemple.J'ajouterais du berlinois d'il y a
presque cent ans. Et le berlinois, à ce que j'ai pu voir, serait à
l'allemand « standard », ce que le bruxellois serait au
français ou le ouest-flandrien ou le limbourgeois à l'Algemeen
Beschaafd Nederlands, c'est-à-dire au néerlandais « standard ».
On y trouve des mots pour le moins « déformés » (si on
considère la forme « standard » comme la norme), on y
découvre des tournures de phrase « inhabituelles », des
références locales assez mystérieuses pour l'étranger, des
« images » particulières… Bref, tous les attributs
d'une langue pleine, entière et indépendante. On nage en pleine
biologie… si d'aventure, on veut bien considérer les langues comme
des êtres vivants, issues d'êtres vivants et les villes (régions,
zones, etc) comme des îles ou des isolats… où peuvent naître et
se développer des souches spécifiques. J'arrête là mon
développement.
Il
le faut bien, sinon tu vas encore me pondre tout un traité…
J'en
reviens à cette version française, dont malgré sa filiation
nettement revendiquée à la version italienne de Venturi, on peut
voir qu'il y a des différences – disons d'interprétation – du
texte de Gilbert. Et pourquoi ? Simplement parce que – mais
c'est le cas dans toutes les langues que je connais, c'est-à-dire
essentiellement le français – les mots ont la plupart du temps,
plusieurs acceptions. D'autre part, un mot, comme tu le sais en
entraîne un autre, un mot change le flux de mots qui le suit. Je
m'explique : imaginons que la chanson soit une promenade. Un pas
en entraîne un autre, au fil du cheminement, on rencontre un
embranchement de deux ou plusieurs voies (chaque voie étant un sens
du mot considéré) où il faut choisir le sens de la promenade. L'un
dit par ici, l'autre par là et ensuite, la phrase s'en va d'un côté
ou de l'autre… Bref, voilà ce que je voulais raconter. Par
exemple, je le dis pour toi et Venturi (il n'y a pas de quoi ameuter
le monde avec ça), qu'on sache un peu de quoi on parle, je songe à
ces deux vers : « Keene Molle schmeißt der
Olle,
wenn er dir so sieht. ». Riccardo dit en italien : « Il vecchio non ti dà manco una birra se ti vede in questo stato. » et je dis en français : « Le vieux ne ressent aucune indulgence À te voir ainsi. ». Par ailleurs, je peux te garantir (pour ce que j'en sais...) la justesse des deux versions…
wenn er dir so sieht. ». Riccardo dit en italien : « Il vecchio non ti dà manco una birra se ti vede in questo stato. » et je dis en français : « Le vieux ne ressent aucune indulgence À te voir ainsi. ». Par ailleurs, je peux te garantir (pour ce que j'en sais...) la justesse des deux versions…
Merci
bien, je ne comprends ni le berlinois, ni l'italien… Alors, je te
fais confiance. Mais, trêve de discussions (je te rappelle que tu es
attendu à souper), reprenons notre tâche et tissons le linceul de
ce vieux monde de plus en plus anglicisé, étazunisé, rationalisé,
enserré des réglementations, noyé de privilèges et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Pas
un sou en poche
Seulement
un timbre
À
travers les trous de mes habits
On
voit le soleil.
Alors,
mon gars, tu es au milieu de nulle part
Sans
rien du tout ;
Si
soudain ton corps roule à terre,
Aucun
œil ne coulera.
Le
vieux ne ressent aucune indulgence
À
te voir ainsi.
Oui !
La situation paraît bien compromise
Tu
serais mieux à la morgue
Tu
aurais encore du crédit.
Tu
irais pointer
Ta
misère ne s'effacerait pas.
Pauvre
homme, qui t'a
De
si haut rejeté ?
Sans
travail, sans logement
Tu
n'es rien, un néant.
Comme
la mouche sur le carreau
On
te chasse aussitôt.
Sans
pognon le long de la Panke,
Pas
d'accès à la banque
Et
le bourgeois dit : merci !
Si
tu t'approches de lui.
La
société jette très vite
Les
gens aux ordures…
Si
tu as faim, arrête de manger
Prends
un comprimé
Un
qui pétille.Si tu le prends de haut,
On
te marque d'un signe.
Alors,
pauvre homme, on te
Balance
d'en haut.
Et
ainsi on voit tes os
Au
travers de ta peau
Et
tu es en quelques temps
Liquidé.
Complètement.
Et
tu t’achètes tes quatre planches
Avec
le dernier Mark, qui te reste.
Car
à une ombre légère
Convient
une sobre bière.
Mais
il ne faut pas que tu pousses
Aux
anges
Tu
iras à ton heure.
« Rationalisation charmante
! »
Chante
la direction syndicale
Avec
émotion aux funérailles.
Alors
par précaution, mets-toi
Même
là-haut, dans la file de pointage.
Car,
même là-haut, voyageur sans bagage,
Tu
seras repoussé en bas.
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