Bagatelle
sur un Tombeau
Pierre
Dac – à l'état-civil : André Isaac, né le 15 août 1893 à
Châlons-sur Marne.
Mobilisé
en août 1914 au lendemain de son vingt-et-unième anniversaire, il
revient du front quatre ans plus tard avec deux blessures, dont une
d'un obus qui lui a raccourci le bras gauche de douze centimètres –
Bagatelle
sur un Tombeau – 1944
13 juin 1944 – Radio Londres
Pierre Dac répond à Philippe Henriot, éditorialiste de Radio Paris et sous-ministre de la Propagande collaborationniste, le « Goebbels français », qui l'avait insulté et attaqué de mille façons plus laides et plus moches les unes que les autres – un vrai torrent de boue, un mois avant. (Henriot contre Dac (http://www.ina.fr/audio/P12213033 – 10 mai 1944)
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Bien
évidemment, Lucien l'âne mon ami, ni toi, ni moi n'avons le goût,
ni l’intention d'être antisémites.
En
tant qu'âne, je ne me sens pas trop concerné. Disons que je ne suis
pas trop raciste ; c'est vrai pour presque toutes les races et
les espèces ; il m'arrive même parfois de supporter la race
humaine. Surtout quand elle ne méprise pas les animaux. Car les
humains, pour la plupart, sont racistes et se prennent pour la « race
élue » et méprisent, exploitent (ils s'exploitent même entre
eux), domestiquent ( ils se domestiquent même entre eux) ,
asservissent ( ils s'asservissent même entre eux), chassent (ils se
chassent même entre eux), battent, blessent et massacrent (ils se
battent, se blessent et se massacrent même entre eux) les autres
races et espèces. Je reconnais qu'il y a des exceptions, mais
statistiquement l'humanité est assez peu aimable. C'est là un des
fondements de la Guerre de Cent Mille Ans que les riches et les
puissants font aux pauvres et aux faibles… Donc, pour continuer,
les humains sont (pour une bonne part d'entre eux) racistes
vis-à-vis des animaux – toutes races et espèces confondues et
même, ils sont tellement racistes qu'ils inventent des races où il
n'y en a pas afin de pouvoir être racistes entre eux et pouvoir
pratiquer l'extermination de populations entières. Il est donc
tout-à-fait évident que comme tu le dis si bien, je n'ai ni le
goût, ni l'intention d'être antisémite.
Cependant,
ainsi que tu l'as si bien exposé, il est des humains qui sont
antisémites et furieusement ; jusqu'à vouloir l'extermination
des Juifs. C'est à un de ceux-là que répond Bagatelle pour un
Tombeau, dont le titre n'est pas une référence à Jean-Philippe
Rameau et à son Tombeau de Couperin. Le propos de Pierre Dac répond
aussi à un autre antisémite furieux et délirant par le choix de
son titre : Bagatelle pour un Tombeau. Au passage, j'indique
qu'il s'agit du tombeau de Marcel Isaac, frère de Pierre Dac, tué
dans les tranchées de la précédente guerre. Il s'agit , tu l'auras
deviné, je le vois à tes yeux noirs et luisants comme la lave de
l'Etna après un bel orage, de Louis-Ferdinand Céline, qui avait
publié quelques années auparavant un livre intitulé « Bagatelles
pour un Massacre ». Et quand je dis « antisémite furieux
et délirant », voici un extrait de ce texte de Céline :
« « Je lui apprends tout de suite d’emblée que je suis
devenu antisémite et pas un peu pour de rire, mais férocement
jusqu’aux rognons ! » ; on est fin 1937.
On
pourrait continuer longtemps, mais ici, il s'agit de laisser la
parole à Pierre Dac – André Isaac. Alors, reprenons notre tâche,
et comme lui, tissons le linceul de ce vieux monde raciste,
antisétime, brute, maboul et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
"M.
Henriot s'obstine; M. Henriot est buté. M. Henriot ne veut pas
parler des Allemands. Je l'en ai pourtant prié de toutes les façons
: par la chanson, par le texte, rien à faire. Je ne me suis attiré
qu'une réponse pas du tout aimable – ce qui est bien étonnant –
et qui, par surcroît, ne satisfait en rien notre curiosité. Pas
question des Allemands.
C'est entendu, monsieur Henriot, en vertu de votre théorie raciale et national-socialiste, je ne suis pas Français. À défaut de croix gammée et de francisque, j'ai corrompu l'esprit de la France avec L'Os à moelle. Je me suis, par la suite, vendu aux Anglais, aux Américains et aux Soviets. Et pendant que j'y étais, et par-dessus le marché, je me suis également vendu aux Chinois. C'est absolument d'accord. Il n'empêche que tout ça ne résout pas la question: la question des Allemands. Nous savons que vous êtes surchargé de travail et que vous ne pouvez pas vous occuper de tout. Mais, tout de même, je suis persuadé que les Français seraient intéressés au plus haut point, si, à vos moments perdus, vous preniez la peine de traiter les problèmes suivants dont nous vous donnons la nomenclature, histoire de faciliter votre tâche et de vous rafraîchir la mémoire :
C'est entendu, monsieur Henriot, en vertu de votre théorie raciale et national-socialiste, je ne suis pas Français. À défaut de croix gammée et de francisque, j'ai corrompu l'esprit de la France avec L'Os à moelle. Je me suis, par la suite, vendu aux Anglais, aux Américains et aux Soviets. Et pendant que j'y étais, et par-dessus le marché, je me suis également vendu aux Chinois. C'est absolument d'accord. Il n'empêche que tout ça ne résout pas la question: la question des Allemands. Nous savons que vous êtes surchargé de travail et que vous ne pouvez pas vous occuper de tout. Mais, tout de même, je suis persuadé que les Français seraient intéressés au plus haut point, si, à vos moments perdus, vous preniez la peine de traiter les problèmes suivants dont nous vous donnons la nomenclature, histoire de faciliter votre tâche et de vous rafraîchir la mémoire :
- Le problème de la déportation;
- Le problème des prisonniers;
- Le traitement des prisonniers et des déportés;
- Le statut actuel de l'Alsace-Lorraine et l'incorporation des Alsaciens-Lorrains dans l'armée allemande;
- Les réquisitions allemandes et la participation des autorités d'occupation dans l'organisation du marché noir;
- Le fonctionnement de la Gestapo en territoire français et en particulier, les méthodes d'interrogatoire
- Les déclarations du Führer dans Mein Kampf concernant l'anéantissement de la France.
Peut-être
me répondrez-vous, monsieur Henriot, que je m'occupe de ce qui ne me
regarde pas, et ce disant vous serez logique avec vous-même, puisque
dans le laïus que vous m'avez consacré, vous vous écriez notamment
: "Mais où nous atteignons les cimes du comique, c'est quand
notre Dac prend la défense de la France! La France, qu'est-ce que
cela peut bien signifier pour lui ?"
Eh bien ! Monsieur Henriot, sans vouloir engager de vaine polémique, je vais vous le dire ce que cela signifie, pour moi, la France.
Laissez-moi vous rappeler, en passant, que mes parents, mes grands-parents, mes arrière-grands-parents et d'autres avant eux sont originaires du pays d'Alsace, dont vous avez peut-être, par hasard, entendu parler ; et en particulier de la charmante petite ville de Niederbronn, près de Saverne, dans le Bas-Rhin. C'est un beau pays, l'Alsace, monsieur Henriot, où depuis toujours, on sait ce que cela signifie, la France, et aussi ce que cela signifie, l'Allemagne. Des campagnes napoléoniennes en passant par celles de Crimée, d'Algérie, de 1870-1871, de 14-18 jusqu'à ce jour, on a dans ma famille, monsieur Henriot, lourdement payé l'impôt de la souffrance, des larmes et du sang.
Voilà, monsieur Henriot, ce que cela signifie pour moi, la France. Alors, vous, pourquoi ne pas nous dire ce que cela signifie, pour vous, l'Allemagne ?
Un dernier détail: puisque vous avez si complaisamment cité les prénoms de mon père et de ma mère, laissez-moi vous signaler que vous en avez oublié un celui de mon frère. Je vais vous dire où vous pourrez le trouver ; si, d'aventure, vos pas vous conduisent du côté du cimetière Montparnasse, entrez par la porte de la rue Froidevaux ; tournez à gauche dans l'allée et, à la 6e rangée, arrêtez-vous devant la 8e ou la 10e tombe. C'est là que reposent les restes de ce qui fut un beau, brave et joyeux garçon, fauché par les obus allemands, le 8 octobre 1915, aux attaques de Champagne. C'était mon frère. Sur la modeste pierre tombale, sous ses nom, prénoms et le numéro de son régiment, on lit cette simple inscription: "Mort pour la France, à l'âge de 28 ans". Voilà, monsieur Henriot, ce que cela signifie pour moi, la France.
Sur votre tombe, si toutefois vous en avez une, il y aura aussi une inscription: elle sera ainsi libellée :
Eh bien ! Monsieur Henriot, sans vouloir engager de vaine polémique, je vais vous le dire ce que cela signifie, pour moi, la France.
Laissez-moi vous rappeler, en passant, que mes parents, mes grands-parents, mes arrière-grands-parents et d'autres avant eux sont originaires du pays d'Alsace, dont vous avez peut-être, par hasard, entendu parler ; et en particulier de la charmante petite ville de Niederbronn, près de Saverne, dans le Bas-Rhin. C'est un beau pays, l'Alsace, monsieur Henriot, où depuis toujours, on sait ce que cela signifie, la France, et aussi ce que cela signifie, l'Allemagne. Des campagnes napoléoniennes en passant par celles de Crimée, d'Algérie, de 1870-1871, de 14-18 jusqu'à ce jour, on a dans ma famille, monsieur Henriot, lourdement payé l'impôt de la souffrance, des larmes et du sang.
Voilà, monsieur Henriot, ce que cela signifie pour moi, la France. Alors, vous, pourquoi ne pas nous dire ce que cela signifie, pour vous, l'Allemagne ?
Un dernier détail: puisque vous avez si complaisamment cité les prénoms de mon père et de ma mère, laissez-moi vous signaler que vous en avez oublié un celui de mon frère. Je vais vous dire où vous pourrez le trouver ; si, d'aventure, vos pas vous conduisent du côté du cimetière Montparnasse, entrez par la porte de la rue Froidevaux ; tournez à gauche dans l'allée et, à la 6e rangée, arrêtez-vous devant la 8e ou la 10e tombe. C'est là que reposent les restes de ce qui fut un beau, brave et joyeux garçon, fauché par les obus allemands, le 8 octobre 1915, aux attaques de Champagne. C'était mon frère. Sur la modeste pierre tombale, sous ses nom, prénoms et le numéro de son régiment, on lit cette simple inscription: "Mort pour la France, à l'âge de 28 ans". Voilà, monsieur Henriot, ce que cela signifie pour moi, la France.
Sur votre tombe, si toutefois vous en avez une, il y aura aussi une inscription: elle sera ainsi libellée :
PHILIPPE
HENRIOT
Mort pour Hitler,
Fusillé par les Français...
Mort pour Hitler,
Fusillé par les Français...
Bonne nuit, monsieur Henriot. Et dormez bien. Si vous le pouvez…
P.S. :
Henriot ne devra pas longtemps attendre pour dormir – en bon
catholique – éternellement. Le 28 juin 1944, quelques semaines
plus tard, un commando de la Résistance vient l'enlever ;
Henriot est armé ; il est abattu ; sa femme, présente,
est épargnée.
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