jeudi 2 octobre 2014

VOIX DU CHARNIER (POUR LE JOUR DES MORTS. AU LIEU D'UN PRÊCHE)


VOIX DU CHARNIER (POUR LE JOUR

DES MORTS. AU LIEU D'UN PRÊCHE)


Version française – VOIX DU CHARNIER (POUR LE JOUR DES MORTS. AU LIEU D'UN PRÊCHE) – Marco Valdo M.I. – 2014
Chanson allemande - Stimmen aus dem Massengrab (Für den Totensonntag. Anstatt einer Predigt) – Erich Kästner – 1927



Quatre ans de meurtre, et aujourd'hui une paire de couronnes !
Ne vous fiez jamais à Dieu et à ses gens ! 
Nom de Dieu, n'oubliez jamais ça !












Poème du grand écrivain et poète allemand, du recueil intitulé « Herz auf Taille » publié en 1928.
Je crois que
le premier à mettre en musique ce très beau et terrifiant poème fut le peintre et musicien allemand Hans Trimborn (1891-1979) en 1941.En 2012 Campino, le leader de Die Toten Hosen, a inclus ce poème dans le double CD que le groupe a publié sous le titre « Ballast der Republik ».




Ah, Lucien l'âne mon ami, ces morts qui parlent font penser à l'Anthologie de Spoon River d'Edgar Lee Masters… Il n'y aurait là rien d'impossible… La-dite anthologie date de quinze ans avant le poème de Kästner…


Peut-être, dit Lucien l'âne, mais je crois plutôt plus encore que ce sont les épigraphes grecques qui elles datent de bien des siècles et qui ont elles-mêmes inspiré le poète de l'Illinois.


Quoi qu'il en soit des inspirations, c'est un texte terrible et prémonitoire. Il date de 1927 et dit déjà :
«Nous sommes morts. Mais nous sommes morts pour rien.
Comme nous hier, vous serez abattus demain. »


Et voyant cela, dit Lucien l'âne, je fais juste une parenthèse, pour dire le rôle révélateur de la poésie. On ne constate souvent que longtemps après qu'elle disait ce qu'il adviendrait et le pire, mais Homère le racontait déjà, c'est que très rares sont ceux qui la croient.


Pour le reste, il faut rendre à Kästner cette place, qui lui revient, de poète d'insigne envergure, qui dans la sphère de culture française a été ignoré, négligé ou carrément oublié. Et il faudra bien aussi aller voir l'essayiste, le militant pacifiste, l'écrivain, le journaliste… Un homme, quoi ! Un de ceux qui dans la Guerre de Cent Mille Ans que les riches font aux pauvres et font faire aux pauvres afin d'accroître leur puissance, leurs richesses, leurs dominations… Un de ceux qui ont nettement marqué leur choix, nettement montré de quel côté ils entendaient être – toujours ( le côté des pauvres, évidemment) et s'y sont tenus à travers tout.


Tu fais bien d'insister, Marco Valdo M.I. mon ami, car des hommes de cette trempe sont rares et leur histoire est exemplaire…


Parenthèse pour parenthèse, Lucien l'âne mon ami, à propos de cette idée d' « exemplaire », Erich Kästner est aussi un romancier pour enfants et dans ce genre particulier, les romans qu'il écrivit sont eux aussi « exemplaires » en ce sens qu'outre d'être des histoires passionnantes, ils indiquaient – dans les temps difficiles où ils furent conçus – comment ne pas se laisser prendre aux avilissantes pratiques des adultes en chemises d'uniformes… Bien sûr, ils (ces adultes aux mœurs avilissantes) ont brûlé ses livres sur les places publiques…


Allons dans son sens et prolongeons ses efforts en tissant, nous aussi, le linceul de ce vieux monde bancal, exécrable, ennuyeux, mortifère et cacochyme.



Heureusement !



Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane




Nous gisons là et depuis longtemps en morceaux.
Vous passez et vous pensez : ils doivent bien dormir.
Mais sans dormir nous gisons sur le dos,
Car notre peur de vous nous empêche de dormir.


Nous avons de la boue en bouche. Nous devons nous taire.
Mais nous pleurerons jusqu'à ce que la tombe se casse !
Mais nous monterons sur nos tombes en criant à pleine voix!
Nous avons de la boue en bouche. Vous ne nous entendez pas.


Vous n'entendez que les prêches des desservants,
Qui se concertent avec votre chef, confidentiellement.
Votre cher Dieu a perdu une guerre
Et il vous fait dire : Laissez les morts en terre !


Vous pouvez faire l'éloge des serviteurs du Très Haut.
Au charnier, ils ont bien parlé du devoir.
Nous étions en bas, et ils étaient en haut.
« La vie n'est pas le bien le plus méritoire. »

Nous gisons là, notre bouche morte emplie de saleté.
Et il est
advenu autre chose, que ce qu'en mourant nous avions pensé.
Nous sommes morts. Mais nous sommes morts
pour rien. 

Comme nous hier, vous serez abattus demain.


Quatre ans de meurtre, et puis le carillon sonne!
Vous passez et vous pensez : ils dorment profondément.
Quatre ans de meurtre, et aujourd'hui une paire de couronnes !
Ne vous fiez jamais à Dieu et à ses gens !

Nom de Dieu, n'oubliez jamais ça !


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