LA
CHANSON DE BARLACH
Version
française – LA CHANSON DE BARLACH – Marco Valdo M.I. – 2014
d'après
la version italienne de Riccardo Venturi
d'une
Que va-t-il advenir de nous encore Un si grand danger nous menace |
Ernst
Barlach, né à Wedel, en Allemagne septentrionale, le 2 janvier
1870, a été un des sculpteurs expressionnistes allemands majeurs;
en outre, ce fut un écrivain et dramaturge apprécié . Le lien
entre Biermann et Barlach apparaît multiple : ainsi Barlach eut une
composante hambourgeoise (en y ayant étudié, à partir de 1888, à
l'École de Arts et Métiers). Artistiquement, il subit la grande
influence de Vincent Van Gogh, de l'Art Nouveau et du Jugendstil. Les
thèmes préférés de Barlach (influencés aussi par son séjour en
Russie, en 1906), furent les paysans et les pauvres, le mysticisme
populaire, la solidarité et la religiosité archaïque ; ce n'est
pas un hasard si une de ses sculptures plus célèbres représente
une simple cueilleuse d'herbes sauvages – Die Krautpflückerin).
En
1909, il séjourne un temps à Florence, attiré par Giotto et
Arnolfo di Cambio. De tendance pacifiste,il fit au début de la
Grande Guerre une brève volte-face en montrant de l'enthousiasme
pour le début du conflit. Un enthousiasme qui disparut bien vite :
Barlach revînt donc à sa ligne rigoureusement pacifiste. Sur le
bref soutien donné au début par Barlach à la guerre, ont été
avancées les hypothèses les plus disparates, mais l'artiste ne
fournit jamais que des explications confuses. Ce qui probablement
relie davantage Barlach à Biermann, et qui poussa ce dernier à
écrire cette chanson qu'il lui a inspirée, est l'isolement au cœur
d'un régime dictatorial. Pour son pacifisme, en effet, Ernst Barlach
devînt automatiquement, pour le régime nazi, un artiste « dégénéré
» ; ses oeuvres furent mises au ban, et ses travaux, autant
figuratifs que littéraires, furent confisqués ou furent détruits.
Il mourut le 24 octobre 1938 à Rostock, où il vivait confiné chez
lui.
De
ceci, ressort clairement le thème fondateur de cette chanson : le
confinement domestique et l'oppression extrême que n'importe quel
régime totalitaire réserve à celui qui crée librement. C'est un
Barlach dans ses dernières années de vie que peint la chanson de
Biermann ; un artiste qui, presque dans un délire, se tourne vers sa
mère en voyant devant lui une muraille de nuages sombres, des
groupes de rats affamés et d'anges qui tombent morts. Puisque Ernst
Barlach était un artiste vénéré en RDA (jusqu'à lui consacrer
des timbres, comme on le voit sur l'image au début de cette
introduction), le choix de Biermann fut sûrement de la provocation :
d'un côté, il exaltait l'artiste opprimé et réduit au silence par
le régime nazi ; de l'autre, il réservait le même traitement aux
artistes actuels qui n'adhéraient pas aux impératifs du régime «
socialiste » . Dans les deux les cas ce qui comptait, c'était l'art
d'État, lié aux directives et bien codifié. Rien de nouveau sous
soleil. [RV]
Deux
mots sur les anges qui tombent du ciel... Il me revient en mémoire
une histoire tchèque de cette année-là – c'était en mil neuf
cent soixante-huit, année où il t'en souvient le mois d'août vit
l'arrivée en Tchécoslovaquie de centaines de milliers de soldats
des pays amis qui venaient au secours du socialisme réel en danger.
Peut-être les Tchèques eux-mêmes devaient-ils en appeler à leur
mère « Ah, Maman... » .
Mais
les « anges » dans tout ça ?, demande Lucien l'âne que
viennent-ils faire ?
C'est
là qu'intervient mon histoire tchèque. Je ferai court, car je peux
aussi la faire longue... Dans la nuit du 20 août, quand les
visiteurs entrèrent dans le pays, dans une des nombreuses villes du
pays, le comité du parti un peu dérouté par les événements et
dans sa perplexité, ayant perdu tous ses repères et ne sachant ce
qu'il allait advenir, fit appeler le rabbin. « Tu comprends,
rabbin, nous n'y comprenons plus rien, nous avons peur et nous
pensons que peut-être, vu ta qualité de rabbin, tu aurais d'autres
moyens que nous de savoir l’avenir... » Après avoir ainsi rassuré
le brave homme sur ses intentions, le comité lui demanda –
confidentiellement – relativement aux visiteurs, s'ils allaient
rentrer chez eux et comment.
Bonnes
questions, dit Lucien l'âne, je me les serais posées aussi. Qu'a
donc bien pu répondre le rabbin ?
Comme
tu l'imagines, ce rabbin était un homme prudent et d'autant plus
qu'il était de confession israélite, ce qui l'avait déjà exposé
à bien des déboires, mais jusque là, il en avait réchappé. Donc,
le rabbin après avoir longuement tourné sa langue dans sa bouche,
répondit : « Eh bien, camarades, il y a deux solutions... Une
solution normale et une solution miraculeuse. » « Ah, dit le
comité, dis-nous d'abord la solution normale... » et c'est ici
qu'interviennent les anges...« Hé, dit le rabbin, cinq cent mille
anges vont descendre du ciel et emporter chacun un de nos
touristes-visiteurs et le ramener chez lui... » « Oups, fit le
comité... Et la solution miraculeuse, alors ? Quelle est-elle ? »...
« Oh, dit le rabbin, c'est qu'ils s'en aillent d'eux-mêmes... »
À
propos des anges, ne sont-ce pas les mêmes que Biermann voyait dans
son délire ? Et puis, rassure-moi, c'est bien de la Tchécoslovaquie
que tu parles ? Pas de l'Ukraine ? , dit en redressant subitement son
vaste crâne.
Je
te parle de la Tchécoslovaquie en 1968, date de la chanson. Ceci
dit, c'est une parabole qui peut s'appliquer à bien des cas où il
est question de visites amicales, de relations historiques, de pays
frères... On peut y ajouter les hérauts de la démocratie, les
soldats de la liberté, les missionnaires de la paix... et les
casques de toutes les couleurs.
Attendons
la suite et tissons le linceul de ce vieux monde aux penchants
envahisseurs, aux « murs de nuages », aux solutions normales et
miraculeuses et cacochyme.
Heureusement
!
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Ah,
Maman, ferme la fenêtre
La pluie arrive vers nous
Il y a là-bas un mur de nuages
Qui veut s'abattre sur nous
La pluie arrive vers nous
Il y a là-bas un mur de nuages
Qui veut s'abattre sur nous
Que va-t-il advenir de nous encore
Un si grand danger nous menace
Du ciel sur la terre
Tombent les anges morts
Que
va-t-il advenir de nous encore
Un si grand danger nous menace
Du ciel sur la terre
Tombent les anges morts
Un si grand danger nous menace
Du ciel sur la terre
Tombent les anges morts
Ah,
Maman, ferme les yeux
Que
va-t-il advenir de nous encore
Un si grand danger nous menace
Du ciel sur la terre
Tombent les anges morts
Un si grand danger nous menace
Du ciel sur la terre
Tombent les anges morts
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