CHANT DU LUMPEN
Version
française – CHANT DU LUMPEN – Marco Valdo M.I. – 2014
Chanson
allemande – Lumpenlied – Erich
Mühsam – 1909
http://www.antiwarsongs.org/canzone.php?lang=it&id=46965
Texte d'Erich Mühsam, dans le recueil “Wüste, Krater, Wolken” publié en 1914.
Musique de Béla Reinitz (1878-1943), compositeur, militant de la gauche hongroise.
Dans le film “Mephisto” (1981) du réalisateur hongrois István Szabó, interprété par Klaus Maria Brandauer, tiré d'un récit de Klaus Mann.
Plus récemment mis en musique par Frank Spilker e Knarf Rellöm.
Erich Müsham (tableau de Brigittte Arndt |
Et en effet cette chanson,quoique ironique, est
en même temps très amère, car à la désacralisante vision d'une
bourgeoisie avide, hypocrite et d'un nationalisme (le même qui
livrera l'Allemagne aux nazis) se joint même la déception par
rapport à la capacité des classes subalternes d'exprimer solidarité
et conscience politique, même si pour Mühsam la faute n'est pas la
leur mais celle du système capitaliste, si séduisant en apparence
et difficile à attaquer…
N'était-ce
pas ce même Erich Mühsam qu'on croise dans « Mon Siècle »
de Günter Grass et qu'on a croisé dans tes Histoires d'Allemagne en
1934 – Erich Mühsam, poète, anarchiste et
assassiné ?
J'en ai gardé un souvenir aigu, dit Lucien l'âne en balançant sa
tête noire.
Très
juste, c'est bien de lui qu'il était question et il me plaît de
rappeler ainsi au jour cette chanson, qui, souviens-t-en, relate le
supplice et l'exécution d'Erich Mühsam par les nazis au camp de
concentration d'Orianenburg. Après l'avoir torturé, face à son
implacable résistance (Ora e sempre : Resistenza !), ils
finiront par le pendre dans la nuit du 9 au 10 juillet 1934, connue
sous le nom de la Nuit des Longs Couteaux. Mais cette fois, c'est le
poète, chansonnier, auteur Mühsam qu'il m'est donné de traduire et
ce n'est là qu'un début... Car Mühsam comme bien d'autres et sans
doute, plus encore que bien d'autres, est un de ces auteurs que
couvre une mystérieuse chape de silence. Une première explication
m'avait été donnée par Carlo Levi, lui qui mena la résistance au
régime fasciste pendant près de vingt-cinq ans et au fascisme, le
reste de son existence. Carlo Levi signalait le fait que les
opposants à un régime sont triplement pénalisés : une
première fois dans leur pays comme opposants (résistants,
terroristes...), une seconde fois comme exilés, et une troisième
fois en exil comme ressortissants d'un pays disons dictatorial ou
même, démocratique ou prétendument tel... Et là, ils sont
doublement suspects puisqu'en plus de les regarder comme des
ressortissants de leur pays d'origine et donc de son régime, on les
considère également comme de dangereux subversifs. Et de surcroît,
pas seulement, cela je l'ajoute, pendant que dure le régime, mais
bien au-delà. Leurs livres, leurs œuvres, leurs écrits sont
interdits, confisqués et souvent brûlés ou détruits... et sont
ainsi plongés dans un oubli volontaire. Pour certains, on va jusqu'à
tenter de faire disparaître jusqu'à la moindre trace de leur
existence... Ce qui fait que l'ostracisme qui les a frappé se
perpétue. C'est là aussi une excellente raison de faire l'effort de
les faire resurgir du néant... D'autant plus que si on les avait
poursuivis, massacrés, si on avait tenté de les effacer du monde,
c'est précisément car ils pensaient, parce qu'ils disaient des
choses intéressantes, parce que ce qu'ils disaient était porteur
d'intelligence, de compréhension du monde. Parce que, volens nolens,
ils s'insérent dans cette Guerre de Cent Mille Ans que les riches
font aux pauvres afin d'accroître leurs richesses (on le voit très
clairement actuellement...), d'affermir leur pouvoir, d'étendre leur
domination, d'imposer leur vision du monde, laquelle est d'un
infantilisme consternant et dément. Tellement dément qu'il met en
cause la vie-même de l'espèce humaine. Je m'explique : au cœur
de la guerre de cent mille ans, on trouve ce qui est en quelque sorte
son moteur et cette machine infernale, c'est l'avidité qui pour se
satisfaire a besoin d'une croissance constante et donc, infinie de la
richesse et des éléments matériels de son mode et de son niveau de
vie. Et cette boulimie d'enfant gâté de la nature nous conduit tout
droit au suicide collectif et semble-t-il dans pas trop longtemps...
Voilà
qui est réjouissant, dit l'âne Lucien... Et personne ne fait rien
pour l'empêcher ?
La
réponse que je pourrais te donner n'est pas très encourageante.
Elle tient en une question : Comment amener une espèce composée
d'une forte composante d'enfants pourris gâtés, comme le bébé de
la chanson de Rossini, à renoncer à leur nanan ?
C'est
bien ça... Et ça ressemble vraiment à une mission impossible... En
fait, j'ai bien l'impression qu'on ne peut rien faire ; c'est un
train fou et nous en sommes les voyageurs. Il ne nous reste qu'à
refuser de participer à l'orgie et de notre côté, à tisser
tranquillement mais obstinément le linceul de ce monde horriblement
avide, absurde, ambitieux et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Pas
de cravate au cou, pas d'argent dans le sac.
Nous sommes le miteux Lumpenpack,
Sur quoi les bourgeois crachent.
Le bourgeois blanc de Stiebellack,
Avec ses décorations sur son frac,
Le bourgeois au chapeau claque,
Pieusement et parfaitement honnête.
Nous sommes le miteux Lumpenpack,
Sur quoi les bourgeois crachent.
Le bourgeois blanc de Stiebellack,
Avec ses décorations sur son frac,
Le bourgeois au chapeau claque,
Pieusement et parfaitement honnête.
Le
bourgeois qui crache est très convenable.
Il a des bijoux en or véritable -
Nous, on a du schnaps dans le ventre.
Et ça nous soûle ce schnaps dans le ventre,
Et celui qui est saoul ose des choses,
Qu'on trouve mauvaises
Et même aussi basses.
Il a des bijoux en or véritable -
Nous, on a du schnaps dans le ventre.
Et ça nous soûle ce schnaps dans le ventre,
Et celui qui est saoul ose des choses,
Qu'on trouve mauvaises
Et même aussi basses.
Le
bourgeois est bien élevé,
Il a appris la bible et le latin.
Nous n'apprenons que l'avidité.
Il boit des Schwarzbiers et des grands vins,
Il flâne au soleil agréablement,
Et il s'époussette, quand un indigent
Frôle son vêtement.
Il a appris la bible et le latin.
Nous n'apprenons que l'avidité.
Il boit des Schwarzbiers et des grands vins,
Il flâne au soleil agréablement,
Et il s'époussette, quand un indigent
Frôle son vêtement.
Où
le bourgeois a-t-il pris :
Son sac d'argent et ses fusils ?
Comme nous, il vole les gens.
Mais à nous seulement, on l'interdit.
Pourtant, il prend plus que son content.
Et puis, il faut voir comme
Il rançonne les pauvres pommes.
Son sac d'argent et ses fusils ?
Comme nous, il vole les gens.
Mais à nous seulement, on l'interdit.
Pourtant, il prend plus que son content.
Et puis, il faut voir comme
Il rançonne les pauvres pommes.
Oh,
je ferais bien l'homme riche,
Qui vole et qui triche,
Estimé et reconnu.
J'écarterais de mon chemin,
Fritz, Johann, vos hommes de main
Qui vole et qui triche,
Estimé et reconnu.
J'écarterais de mon chemin,
Fritz, Johann, vos hommes de main
Votre
peuple de chiffons, je vomis dessus.
Ils méritent bien ça vos chiens !
Ils méritent bien ça vos chiens !
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