samedi 15 mars 2014

BALLADE DES OUBLIS

BALLADE DES OUBLIS


Version française - BALLADE DES OUBLIS – Marco Valdo M.I. – 2014
Chanson allemande – Ballade des Vergessens – Klabund (Alfred Henscke) – 1925
Texte d'Alfred Henschke, alias Klabund (http://fr.wikipedia.org/wiki/Klabund)
Musique de
Hanns Eisler
Interprétée par
Ernst Busch


Il remportera une seule victoire encore :
La victoire de la mort.

Dodolf regnans
( John Heartfield )







La BALLADE DES OUBLIS est une invective contre le revanchisme très répandu en Allemagne entre les deux guerres, sentiment qui aurait lourdement contribué à l'affirmation du national-socialisme… Klabund mourut très jeune en 1928, à cause d'une tuberculose contractée dans l'enfance, mais il avait déjà clairement compris les futurs développements… Qui sait ce qu'il aurait écrit s'il avait été vivant en 1933 !
Le pseudonyme Klabund avec lequel Alfred Henschke signait signifie « esprit vagabond », de la fusion de « Klabautermann », l'esprit protecteur des bateaux, et « vagabund »…

Il est bon de préciser que Klabund, âgé d'un peu plus de vingt ans au début de la Grande Guerre, fut comme beaucoup d'intellectuels un fervent interventionniste. Mais déjà en 1917, toute illusion lui était passée, à tel point qu'il osa publier sur le quotidien suisse Neue Zürcher Zeitung une lettre ouverte à Guillaume II dans laquelle il demandait au Kaiser d'abdiquer, en le considérant comme le premier responsable de l'horreur dans laquelle s'était enfoncée la nation allemande ; le poète risqua une condamnation pour trahison et lèse- majesté…

Dans les dernières années de sa vie, Klabund écrivit de nombreux textes pour le cabaret et des œuvres populaires destinées à être interprétées par les chanteurs de rue…



Dans les airs, les vautours appellent,
De nouveaux dieux avec ivresse.
Rares sont ceux qui lèvent la lyre
Au lieu d'une chope pleine de bière.
Pour vaincre l'ennemi étranger,
Il leur faut assécher les verres…
Avez-vous oublié vos larmes,
Oublié, oublié, oublié ?

On vous a fait, l'avez-vous oublié,
Aiguiser et accomplir le meurtre ?
La roue de l'histoire par Dieu se laisse guider,
Par le diable, elle ne se laisse pas ramener en arrière
Ton fils qui dans la fosse, pleure après toi,
Dans la fosse, est rongé par les vers …
Mère, tu ne dois jamais, mère,
Tu ne dois jamais oublier ça !

Par millions, ils sont morts au cours de cette guerre,
Quelques dizaines y ont gagné.
Après leur victoire diabolique, ils se sont tirés
De là avec des malles entières.
Au quartier général avec le vin et le mousseux
Chacun a abreuvé son bien-aimé.
Au front gît le gars, sale et pouilleux
Oublié, oublié, oublié.

Après la guerre, le meurtre a encore fleuri
C'était une passion de flinguer.
Dans ce triste sport, on découvrit
L'Allemagne supérieure au monde entier.
Chaque escroc conservant
Le droit d'arroser la terre de sang.
Allemagne, tu ne dois pas oublier les assassinés
Et ne jamais oublier les meurtriers!

(Avez-vous oublié le bon vieux temps,
Le pire jamais connu dans le pays avant ?
Votre dirigeant se nomme Imbécile, sa fille Douleur,
Ses courtisans Lâcheté et Déshonneur.
Il vous a conduits à l'effondrement
Cet obsédé de grandeur. Depuis longtemps,
Avec le vin, la femme et le chant, vous avez
Oublié, oublié, oublié.)

La nouvelle guerre arrive différente,
De celle que vous avez à nouveau rêvée.
Elle ne vient pas avec le fusil et l'épée
Édifier la geste des héros qui vous enchante
Et celui qui le ciel aura menacé,
Qui aux vents aura mesuré sa témérité,
Celui-là crèvera dans la seconde,
Oublié, oublié, oublié.

(Vous hurlez contre les dettes de paix et de guerre
Dues aux autres – Vous voulez vous venger.
D'où prenez-vous le culot éhonté
De vous défaire de la dette et de la repentance ?
Regardez votre grimace dans la glace
Cette obsession de haine et de cupidité :
Une âme en vous a-t-elle jamais existé ?
Vous avez oublié, oublié, oublié.)

À la guerre, à la guerre fraîche et jolie, il s'élance ;
Ses deux tours en même temps, il avance.
Il remportera une seule victoire encore :
La victoire de la mort.


Il est trop tard pour vous envoler
De la terre avec de célestes laissez-passer.
De sa bouche, Dieu vous a recrachés
Dieu vous a oubliés pour l'éternité !

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