EAU
DOUCE
Version
française – EAU DOUCE – Marco Valdo M.I. – 2013
d'après
la version italienne d'une chanson en « laghee »
(Lombard)
Akuaduulza – Davide van de Sfroos – 2005
Texte et musique de Davide Bernasconi, alias Davide van de Sfroos.
Dans quelques jours, exactement le samedi 9 septembre 2006, je quitterai la Suisse où j'ai vécu pendant quelques années. C'est en Suisse, de Suisse, que ce site s'est définitivement formé, structuré et développé ; et il continuera en partie à le faire, vu qu'en Suisse reste notre webmaster, Lorenzo Masetti. Riccardo Venturi, par contre, s'offre le dix-neuvième déménagement de sa vie et s'en retourne, cette fois, à Florence. Au moins jusqu'à la prochainefois où il repartira qui sait où, évidemment fêtant de bonne façon le total de ses vingt déménagements de par le monde.
La
Suisse est un étrange pays. Si près de l'Italie et de l'Europe, et
si loin en même temps. Tous y ont été. Beaucoup y sont allés pour
travailler, pas toujours bien traités. D'autres s'y sont réfugiés
en fuyant des horreurs de chez nous. D'autres y ont porté leur
argent, propre ou sale. Un pays étrange et méconnu, peut-être aux
Suisses eux-mêmes. Le pays neutre. Le pays qui ne fait pas la
guerre. Le pays où j'aurais pensé le moins du monde à aller vivre
; et j'y suis allé par amour. Sans y réfléchir un instant. Par
amour, mais avec en main, un livre d'histoire de la Suisse. Je ne
vais jamais dans un pays sans en étudier l'histoire.
Aussi
tant que nous y sommes, je voudrais raconter un petit épisode de
l'histoire suisse. Nous sommes en 1529. En Suisse, la Réforme
luthérienne est arrivée, et ont commencé les luttes intestines,
les guerres de religion qui persisteront entre les divers cantons
jusqu'à la moitié du XIXième siècle. Confédérés réformés et
catholiques s'affrontent sur le terrain, et se préparent livrer
bataille dans la localité de Kappel, dans le canton de Glaris. Les
deux armées sont déjà rangées, lorsque de Glaris arrive
l'huissier et landaman, Hans Aebli, courant, haletant. Il a adhéré
à la Réforme, mais il tente tenir son petit canton hors des guerres
qui flambent ailleurs. Il se met au milieu des deux rangs, tient un
discours et convainc les antagonistes de renoncer à se massacrer
entre frères. Sur le champ de bataille, au lieu de la mêlée, on
allume un feu ; et on y place un énorme chaudron plein de soupe au
fromage. Tous se mettent à la manger, ensemble : protestants,
catholiques, commandants, simples soldats. Depuis lors on appelle
cette soupe : « Soupe de Kappel ». Au lieu de se
faire de la guerre, on mange une soupe.
Ensuite,
je voudrais vous en raconter une autre histoire, toujours sans façon.
Nous sommes, cette fois, en 1625. Les habitants de Wyl, village sur
le Lac des Quatre Cantons (je défie n'importe qui d'en prononcer
correctement le nom allemand : Vierwaldstättersee), sont en dispute
avec les Lucernois pour des questions de taxes et de gabelles. Et que
font-ils ? Ils créent un canton pour eux seuls. Ils déclarent
l'indépendance vis-à-vis de Lucerne et mettent sur pied en dix
minutes un mignon petit canton tout organisé, de deux kilomètres
carrés. De Lucerne, à la nouvelle, est envoyée une puissante armée
pour dompter les rebelles : deux canots à rames remplis de soldats
désarmés. Ils arrivent à Wyl et reconquièrent le petit canton
manu militari ; ensuite les Lucernois abolissent les taxes et les
gabelles, la révolte se calme et tous se mettent table.
Vous
vous demandez arrivés à ce point : mais qu'est-ce que tout ceci a à
voir avec « Akuaduulza » (EAU DOUCE) ? Eh bien, la Suisse
est un pays de montagnes. De hauts plateaux. Et aussi de lacs. Il y
en a beaucoup. Nous en avons vu une fois, un étrange lac morainique
d'une forme fantasmagorique, amiboïde, indéfinissable. Une espèce
de matelot comme moi peut aimer la montagne, comme plus que digne de
se comparer à de la mer ; sauf le lac. Le lac est un univers qui lui
est inconnu. Une flaque d'eau douce pour lequel il nourrit au maximum
quelques mots de bienveillance ironique. Avec le sel dans les
narines, il pense : « Le lac ne sent rien. Il ne pue pas. »
Comme il se trompe. Et combien il flaire un lac ; et chaque lac a son
parfum. Et cette flaque d'eau douce sait être une mer. Elle sait
être, surtout, un monde infini. Je le dis à la personne que j'aime,
qui est née sur le rivage d'un lac (de Lugano); et même à une des
piles des CCG, Adriana, qui est née elle aussi sur la rive d'un lac
à moitié suisse, à demi italien (le Majeur) et y habite toujours.
Douce ou salé, mer ou lac, les CCG sont un site d'eau.
Un
petit grand monde infini. Je m'en suis aperçu pas très il y a
longtemps, sur un lac même pas grand. À quelques kilomètres de
Fribourg. On appelle lac de Morat, ou de Murtensee. J'avais déjà
navigué sur un lac, par exemple sur le lac de Trasimène, en Ombrie.
Mais il m'est arrivé, sur le lac de Morat, d'appareiller du rivage
sur un bateau de la Navigation Marchande suisse pour faire un tour
d'une heure qui touche toutes les localités côtières, et
d'éprouver une sensation spécifique : me détacher de la terre.
Jusqu'à présent, elle avait été réservée seulement à la mer.
Je flairais l'odeur du lac. Il peut se faire qu'il ne me soit jamais
habituel. Il peut se faire que je ne le reconnaisse jamais comme
mien. Mais, sûrement, dans le reste de ma vie, lorsque je me
trouverai devant un lac, j'aurai une sensation fort différente de
celle que j'avais au début.Et ainsi, comme dédicace à la Suisse, à ses soupes de Kappel, à ses minicantoni, à son histoire bizarre et à son histoire méconnue, et même à ses gens et surtout leurs« grains de folie », desquels je vais toujours à la recherche par habitude et par nature, j'ai voulu dédier comme hommage d'adieu une chanson qui parle d'un lac. Ce n'est pas un lac suisse, même s'il en est très voisin. Écrit par quelqu'un des « laghee » dont on peut tout dire sauf qu'il ne fait pas la musique avec le son coeur. Ensuite, on peut l'aimer, le détester, on peut y être indifférent, comme on veut. Moi-même, j'aime seulement certaines chansons, de Bernasconi David, alias Davide Van de Sfroos ; parfois, j'éprouve le désir d'aller l’entendre, jouer, et dix minutes après j'irais plutôt à un concert d'Orietta Berti (une chanteuse italienne à succès ; quelque part entre Mireille Mathieu, Carla Bruni et Chantal Goya ou entre Line Renaud et Dalida. [http://www.oriettaberti.it/home.htm]). Cependant, je repense au « Genesio », à « Polenta e galina frègia”», et à cette « Akuaduulza » (EAU DOUCE). Ce sera , pour moi, la chanson du lac. C'est avec cette chanson que je salue lacs et montagnes, et je retourne à ma mer, à cette flaque un peu plus grande et un peu plus salée.
Riccardo Venturi – 2006
Histoire suisse pour histoire suisse, dit Lucien l'âne, en voici une pour compléter celles de notre ami Ventu et confirmer sa définition de la Suisse comme « petit grand monde infini ». Les Suisses disent que la Suisse est le plus grand pays du monde quand on la déplie...
Eau
douce, eau douce mais d'une douceur que personne ne veut boire
Eau
fatiguée, eau bouffie, elle aspire les jambes des enfants et les
rames
Lavandière
sur le rivage avec sa planche pour appuyer les genoux
Le
savon et la chemise, frotte les tissus et le reflet des montagnes
Cette
vague vagabonde est une langue qui baigne les paroles
Langue
qui coupe et langue ronde d'abord timide et puis, qui asperge tout.
Eau
douce, eau douce trop haute pour se faire caresser
Eau
claire ou sale, trop vieille pour remonter
Sous
le ventre de chaque barque et sur la tête de chaque pierre
Au-dessus
du rosaire de chaque mémoire, mais sur toi pas même un pas ne peut
rester
Ni
le soleil qui te fouette le dos, ni la lune qui se baigne les pieds,
Ni
l'épée de chaque tempête n'arriveront à te laisser même une
griffure.
Eau
douce, eau douce, eau qui s'enfuit puis revient
Eau
verre, eau perle prête pour tous et qui n'attend personne
Face
de tortue et face de poisson en carpione
Face
qui semble t'appartenir et alors nous te voyons sans te regarder
Quelqu'un
fuit la puanteur de l'algue, puis revient se laver
Quelqu'un
crache sur ta vague, puis en larmes revient
Eau
douce, eau douce : de combien d'eau ces yeux sont remplis
Eau
noire et immaculée, eau bénie sans raison
Passe
un bateau, passe un hiver, passe une guerre, passent les poissons
Passe
le vent qui vole ton manteau et passe le brouillard qui éteint les
étoiles
Dans
la breva qui mord les vêtements, un pêcheur quitte le rivage
Il
rame debout sur cette feuille qui balance avec ma chanson qui jamais
ne finit.
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