AIDE-MOI
VALENTINE
Version
française – AIDE-MOI VALENTINE - Marco Valdo M.I. – 2013
d'après
les versions italienne et anglaise de Riccardo Venturi d'une
Chanson
chilienne de langue espagnole – Ayúdame Valentina – Violeta
Parra – 1962
Violeta |
Ah,
Lucien l'âne mon ami, je suis très content de te voir, car...
Car
?, dit Lucien l'âne en redressant le crâne et en papillonnant des
deux yeux tout en agitant alternativement les oreilles pour montrer
son désarroi. Car quoi ? Alors, maintenant, il te faut une raison
pour être content de me voir...
Ho,
ne te braque pas ainsi, Lucien l'âne mon ami. Tu as parfaitement
raison... Mais tu ne m'as pas laissé le temps de finir ma phrase...
Je n'ai pas besoin de raison pour être content de te voir... Je
voulais juste ajouter une raison supplémentaire, en quelque sorte la
raison du jour... J'insiste : je suis toujours content de te voir et
la raison en est que tu es mon ami. C'est d'ailleurs – à mes yeux
comme aux tiens – le trait caractéristique de l'amitié que ce
plaisir de se voir. Comme tu le constates, et je ne t'en ai
pas fait la remarque jusqu'ici, comme tu le noteras dans tes
tablettes, ce doit d'être réciproque. C'est là pure logique.
Certes,
Aristote lui-même n'aurait pas mieux dit. Mais, maintenant, quelle
est cette raison adventice qui justifie ce supplément de joie que tu
as eu de me voir ?
Remarque,
avant de conclure sur ce point, que cette joie est en quelque sorte
de même nature que ce que Plotin appelait l'entropie. Elle vient en
quelque sorte en surplus, comme une dimension intangible de l'être...
Mais,
s'il te plaît, laisse-là Aristote et les Pères de l'Église,
laisse-z-y aussi Plotin et son Dieu qui dégouline de partout... On
n'est pas ici pour faire de la théologie et viens-en au fait.
Tu
ne crois pas si bien dire ou plutôt, te tromper à un tel point...
Car la chanson de Violeta Parra relève quasi-entièrement de
l'univers théologique, même s'il s'agit d'une approche des plus
ironique. D'abord, rien que son titre est tout un programme... te
souviens-tu de Valentine Terechkova ? Sans doute, d'ailleurs, vas-tu
me dire à ton habitude que tu l'as rencontrée, que tu l'as
véhiculée sur ton dos et toutes ces révélations qui te sont
usuelles.
De
fait, j'ai connu et promené la mouette... Avant son vol, avant même
qu'elle ne soit désignée... Avant même qu'elle imagine de voler...
Au temps où on se connut, elle et moi, elle était une jeune et
jolie ouvrière et elle aimait assez les promenades... Moi, comme tu
le sais, j'étais toujours à la recherche des roses qui doivent me
rendre mon apparence humaine... À vrai dire, je n'en ai pas trop
envie, mais cela, c'est une autre histoire. Bien sûr, on s'est
encore promenés tous les deux plusieurs fois après son exploit...
Tu
ne vas quand même pas me dire que tu as connu aussi Violeta Parra, au
Chili...
Je
ne voudrais pas que tu croies un instant que je me vante, mais je
dois à la vérité que je l'ai connue alors qu'elle était encore
enfant là-bas à San Fabián de Alico et qu'elle courait les
campagnes. Elle avait à peine dix ou douze ans et je me souviens
qu'elle chantait tout le temps. Mais laissons mes pérégrinations et
je t'en prie, viens-en à la chanson.
Donc,
Violeta – on est en 1962, qui n'avait plus douze ans, écrit une
chanson où elle demande à la toute récente et toute jeune
cosmonaute Valentine, laquelle vient de passer trois jours dans
l'espace autour de la Terre – que soit dit en passant, elle a bien
failli quitter pour l'infini... Son engin s'éloignait de la Terre au
lieu de s'en approcher... Elle a bien eu une solide frayeur, mais à
côté de ses nausées, c'était – excuse-moi l'expression, du pipi
de chat... pour ne pas dire, de la pisse d'âne. Donc, pour résumer
la chose, Violeta demande à Valentine de l'aider – tant elle (et
toute la population de son pays et toute la population du monde) est
cernée par les bergers, pasteurs, prêtres, lamas, moines, nonnes et
autres personnages en robe ou en pantalon... et tant ils l’assomment
de discours religieux et théologiques, ce dont elle n'a cure.
Et
nous aussi ! Nous qui « non siamo cristiani, siamo somari »...
bref, qui sommes d'honnêtes mécréants.
Et
que demande Violeta à Valentine ? Je te laisse le découvrir... En
fait, ce sont là deux mécréantes de haut vol... Sache simplement
qu'il s'agit d'une chanson laïque, athée, anticléricale et étant
tout cela, forcément optimiste et de la plus grande humanité. Bref,
une chanson selon notre raison et selon notre cœur !
En
somme, dit Lucien l'âne en brayant de rire, « Le cœur et la raison
sont les deux mamelles de l’athéisme »... Ainsi reprenons notre
tâche et tissons le suaire de ce vieux monde gangrené par la
religion, bigot, cagot, idiot, calotin, débile, totalitaire, stupide
et cacochyme.
Heureusement
!
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.
Valentine |
Qu'allons-nous
faire de tant
Et
tant de prédicants !
Les
uns se prévalent de livres,
D'autres
de belles raisons ;
Certains
d'étranges histoires
De
miracles et d'apparitions,
Les
autres de la présence
De
squelettes et de scorpions,
Putain
de Mère ! Les scorpions.
Qu'allons-nous
faire de tant
De
prières et de chants
Qui
dans toutes les langues évoquent
La
gloire et cela et ceci,
Les
enfers et les paradis,
Les
limbes et les purgatoires,
Les
édens et la vie éternelle,
Les
archanges et les diables,
Putain
de Mère ! Les diables.
Mais
oui, ils adorent l'image
De
Marie la madone,
Mais
ils n'adorent aucune
Dame
ou demoiselle ;
Alors,
que ce soit oui ou non, demain
Ou
un vendredi matin,
Pour
entrer en gloire
Il
faut des dollars,
Putain
de Mère ! Faut des dollars.
On
voit qu'ils ne sont pas très propres
Les
blés dans cette vigne
Et
la zizanie prétend
Manger
tout le champ ;
Peu
lui chaut la manière
De
clouer son épine
Pour
sucer le plus faible
Quel
diable d'insecte,
Putain
de Mère ! L'insecte.
Qu'allons-nous
faire de tant
De
célestes développements
Valentine,
faut m'aider,
Toi
qui si haut a volé.
Une
fois pour toutes, dis-moi
Que
là haut un tel domaine n'existe pas :
Demain
saura l'édifier
L'homme
avec sa raison.
Putain
de Mère ! Avec sa raison.
Qu'allons-nous
faire de tant
De
dieux et de leurs représentants!
À
chaque pas, ils me mordent
De
leurs canines féroces.
Valentine,
faut te dépêcher
Ils
ont multiplié les bergers
Car
bientôt tout va s'effondrer
Comme
dans l'histoire des sermons,
Putain
de Mère ! Des sermons.
Qu'allons-nous
faire de tant
De
mensonges permanents :
Valentine,
Valentine,
Passons
le balai.
Messieurs
: sous la terre
Se
scelle le décès
Et
à tout corps en silence
Le
temps offre le néant,
Putain
de Mère ! Le néant.
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