jeudi 21 mai 2015

La Confession d'Arlequin

La Confession d'Arlequin


Chanson française – La Confession d'Arlequin – Marco Valdo M.I. – 2015

ARLEQUIN AMOUREUX – 8

Opéra-récit historique en multiples épisodes, tiré du roman de Jiří Šotola « Kuře na Rožni » publié en langue allemande, sous le titre « VAGANTEN, PUPPEN UND SOLDATEN » – Verlag C.J. Bucher, Lucerne-Frankfurt – en 1972 et particulièrement de l'édition française de « LES JAMBES C'EST FAIT POUR CAVALER », traduction de Marcel Aymonin, publiée chez Flammarion à Paris en 1979.



Que dis-tu ? Tu ne crois pas en Dieu ?
Père Prosper, j'aimerais croire
À la Sainte Église et même au bon Dieu.
Enfin, si, presque, c'est-à-dire, peut-être…





Donc, Lucien l'âne mon ami, il te souviendra que notre Arlecchino, déserteur de son état, avait été proprement viré du château et de son titre ronflant de conseiller in teatro après avoir chu sur la scène et avoir ainsi montré son cul aux invités du Comte Wallenstein. Il avait touché son salaire et s'en était allé malencontreusement dîner à l'auberge, endroit où il fut reconnu par le capitaine Benda et n'eut que le temps de prendre ses jambes à son cou et de filer se réfugier chez les pères piaristes. Là, il avait circonvenu le Père Prosper et par d'étonnants mensonges, il avait obtenu un hébergement, au moins provisoire. On en était là.


Je m'en souviens très bien, dit Lucien l'âne.


Mais notre brave Arlecchino se retrouve ainsi dans une situation très périlleuse. Il ne peut sortir du couvent sous peine d'être reconnu à nouveau et arrêté comme déserteur ; puis sans doute remis sous l'uniforme, sans compter les sanctions qui le frapperaient. Et puis, c'est l'hiver – on est au début de janvier, ce n'est assurément pas le moment de filer sur les chemins de campagne et de dormir à la belle étoile. Il lui faut donc convaincre les Piaristes de le garder ; il essaye bien de faire croire à sa subite vocation… Mais c'est intenable. Cependant, le gaillard a plus d'un tour dans son sac et à bien réfléchir (la nuit porte conseil), il se résout à demander la confession.


La confession ? Et pourquoi ?, dit Lucien l'âne en dressant ses oreilles en points d'interrogation. Il faut me l'expliquer, absolument.


Alors, allons-y doucement. En premier, la confession est cette pratique catholique qui consiste à vider son sac dans l'oreille compatissante d'un prêtre. C'est une sorte d'autocritique.[[https://www.youtube.com/watch?v=W6GqCJEflxA&gl=BE]] Mais elle a ceci de très particulier, c'est que le prêtre est (en théorie) tenu au plus grand secret sur ce qu'il peut apprendre à l'occasion de cette confession et ne peut dès lors faire usage de ces informations à l'encontre de celui qui se confesse.


Et alors ?, dit Lucien l'âne un peu abasourdi. Ça le mène où notre Arlecchino de se confesser ?


Eh bien, ça lui permet de révéler sa situation réelle, celle de déserteur poursuivi et d'obtenir ainsi l'asile chez les Piaristes. Concrètement, dans la première partie de la chanson, il raconte au Père Prosper des histoires de son invention ; dans la deuxième partie, il dévoile sous le sceau de la confession au même Père Prosper ses mensonges et lui révèle sa vérité de déserteur et la nécessité de le garder au moins pour l'hiver.


Bien, le voilà planqué… Quant à nous, reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce monde persécuteur, punitif, disciplinaire et cacochyme.


Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Content Maestro ? Le pain est bon ?
Pain au cumin, malaxé à la main
Et cuit au four de grand matin.
Pain quotidien et puis, confession.

Père Prosper, père prieur
Abracadabra, hardi mon gars !
Raconte donc l'attentat
Invente, invente, n'aie pas peur !


Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.

Père Prosper, Tchèque, je suis
Tuer Bonaparte, je fus à Paris
Mais on n'a pas réussi
Alors, je suis revenu ici.

Je vous parle de ma mère, Père Prosper
Une noble dame d'ici qui avait fauté
Je suis l'enfant de cette illégitimité
Il faut me cacher pour l'honneur de ma mère.


Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.


Appelez-moi, Matthias, je n'ai plus de nom
Gardez-moi dans cette sainte maison
Jusqu'à la fin de mes jours, sans rémission.
Le Père recteur n'y voit pas d'objection.

Matthias, c'est le matin
La clochette sonne l'heure
Il est cinq heures
Le jour s'en vient


Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.


Montreur de marionnettes, funambule,
J'ai dansé avec un ours, j'ai mendié, moi.
J'ai vagabondé, j'ai volé à l'église.
Parfois, je vois Dieu danser sur le toit.


Que dis-tu ? Tu ne crois pas en Dieu ?
Père Prosper, j'aimerais croire
À la Sainte Église et même au bon Dieu.
Enfin, si, presque, c'est-à-dire, peut-être…


Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.


Père Prosper, naguère
Vous me donniez du maestro, de l'expert.
Je vous ai menti, la belle affaire.
Et puis, que puis-je faire ? C'est l'hiver.

Mon père est mort avant cinquante ans,
Il me reste à peine huit ans.
Par force, je suis un Arlequin maintenant.
Je repartirai au printemps.


Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.

mercredi 20 mai 2015

LA BALLADE DE PIERO DES FOSSI

LA BALLADE DE PIERO DES FOSSI

Version française – LA BALLADE DE PIERO DES FOSSI – Marco Valdo M.I. – 2015
Chanson italienne – La ballata di Piero dei fossi – Pino Bertelli -
Texte de Pino Bertelli
Musique de Massimo Panicucci


Dans cette longue ballade de l'anarchiste Pino Bertelli, on parle de Piero Ciampi, de Livourne et de beaucoup d'autres choses. Pour le reste voir le CCG blog. [RV]



Les chiffonniers, les solitaires et les poètes,
Les voleurs, les putains et les différents,



à Piero Ciampi,
anarchiste de Livourne, qui a chanté l'amour, la liberté et l'anarchie comme jamais personne


I

Piero des Fossi
La Livourne populaire et corsaire te pleure
Et le vin chaud des vieux matelots
Te mène sur les quais de Venezia Nuova.

Les chiffonniers, les solitaires et les poètes,
Les voleurs, les putains et les différents,
Les esprits gentils et forts des « presque adaptés »
Aux espoirs en fleurs t'aiment encore.

Piero des Fossi
Ange triste, inquiet et rageur
Qui chante les histoires de celui qui n'a pas de voix,
Des exclus, des derniers, des âmes en croix,
Le souffle de tes pas s'enfuit
Par-dessus le ciel du port et des bombes de 43
Jusque dans ces tavernes qui sentent le cigare
Et le poisson bleu jeté sur le feu.

Piero des Fossi
Toi qui aimais les bouches rouges en amour
Et ces bas noirs avec leur couture tordue
Et les talons aiguilles du Marché Américain.

L'amitié ensorcelée des bains nus sous la lune
Les fêtes aux Scali Olandesi, aux Bottini dell’Olio
Et les courses sur les plages l'hiver pour voir les bateaux ivres
De lumières, de blues et d'esclaves enchaînés.

Piero des Fossi
C'est là qu'ont été abolies la torture et la peine de mort ;
C'est là que chaque exilé ou errant a son cimetière de roses
Et chaque hérétique évangélique son île enchantée.
Là où même les lépreux ont eu un père ;
Là où chaque homme trouvait un toit de rouges espoirs
Quand les barricades étaient faites de charrettes, de tables et de lits
Et les femmes jouaient à cache-cache dans le bois avec les soldats.

Piero des Fossi
Toi qui jouais aux cartes au « ciuco » avec les scaphandriers
Et les Quatre Mori dans les cabines dévergondées des Pancaldi
Quand l'Amerigo Vespucci emportait dans ses cales
Les mains coupées de Victor Jara liées à un grain de sable
Et l'asthme libertaire d'Ernesto « Che » Guevara, et un chanteur
Des déshérités disait qu'il ne naît rien des diamants
Et que du fumier naissent les fleurs des humiliés et des offensés
Piero des Fossi
La vision en transparence de tes marranes de lumière
Laissait au dernier refuge des tyrans d'une époque en armes
Le langage oublié des camarades de rue

À tous ceux qui sont morts pour une bonne nouvelle,
Qui ont connu la prison et la mise au ban
En échange d'une existence plus juste et plus humaine
Où chacun est roi car personne n'est esclave.

Piero des Fossi
Tu nous as enseigné qu'il ne suffit pas de regarder ensemble
Dans la même direction, il faut aussi abolir les différences
Et construire une spiritualité de l'écoute et du geste

Notre recueillement et notre respect te sont dédiés
Et dans les yeux grand ouverts dans la nuit qui adoucit les choses
Tu as fait de la ruine d'une culture sans amour
Les meilleures années de notre vie


II

Piero des Fossi
Ta musique juive, française ou africaine
Glissait sur les fraises au rhum et les baisers à la neige
Sur les murs jaunes ou dans les marrons chauds de fous incompris

Il y a le cœur volant des rebelles dans tes chansons,
Les prostituées, les mauvais garçons à la station
Et les huîtres, la morue séchée, le cacciucco et la faim de l'océan
Qui amène les baleines à s'enliser à la bouche du fleuve

Piero des Fossi
Tu te perdais dans l'odeur de pétrole du cinéma désert
Avec les secrets des enfants avec des poux sur la tête
Et tu attendais derrière le fanal la tombée oblique du soir.

Là où les princesses de la nuit bleue
Sont des garçons de bourg, de caves, de trottoir
Qui dansent la Violetera avec un prêtre ouvrier
Entre le sable de Tirrenia et le « ponce » de terres lointaines.

Piero des Fossi
C'est le bonheur d'une société sans saints ni héros
Qui reste en mémoire dans ce que tu as écrit, rêvé
Et répandu dans les innocences des hommes et des femmes.

Tu connaissais sans savoir ce qui est donné aux êtres spéciaux
Tu connaissais aussi l'oubli de la douleur et tu pleurais tout seul
Parmi les marchands de café et les barbares aux moustaches de carton
Qui descendaient des blancs voiliers de partout.

Piero des Fossi
Dans les cornemuses désespérées de ton noble sourire,
Dans tes silences déchirés des pluies d'été,
Tu as recueilli l'instant des francs-tireurs.
Tu as donné aux conspirateurs de l'égalité
La richesse vive de quelque chose de grand et de beau
Qui déjà existait chez les vagabonds de l'arc-en-ciel
Et dans la fraternité sans barrières des pauvres du monde.

Piero des Fossi
Jamais l'aube n'est si proche que lorsque la nuit se dénoue
Dans les bras des amants ou dans le droit d'avoir des droits
Où les chemins se croisent sans jamais se confondre.

C'est à partir de l'accueil et de l'hospitalité
Que chacun devient signe, pont, champ de blé,
Là où même ce qu'on oublie revient et efface
Le reflet que chacun donne au spectacle de soi.

Piero des Fossi
Tu parlais de tant de gens qui chaque jour meurent
Sans connaître l'amour et tu distillais dans le temps
Ce malheur merveilleux et étranger à soi-même

Comme l'eau sauvage plus éternelle que la pierre
Qui coule sur les grilles de fer-rouillé des Dominicains
Ou dans les chambrettes silencieuses, presque vides du Paradisino
Où les maîtres ont la voix et les caresses des fées.


III


Piero des Fossi
là sous le pont de marbre, parmi des rames, des ancres et des cordages
Les chiens errants qui te léchaient le sang du museau
Sont là couchés dans ce coin entre les filets et les chaînes

Tu es allé à la rencontre à l'aube des poètes
Sans épée ni drapeau, pour connaître le souffle
De la vie avec les ailes, qui vend l'âme au diable
Entre les clowns de Mascagni et les bandes partisanes.

Piero des Fossi
Tu criais avec les clochards de la rue Grande
Et le fou de Rodez que- « vivre est se surpasser soi-même » -
C'est le désir qu'on pousse jusqu'où la passion s'enflamme

Ta faim de beauté, tu l'as laissée sur la table des justes
Et si les opprimés de la planète bleue se rendaient compte
Qu'il y a des hommes et des femmes qui respirent les étoiles,
Il y aurait la rébellion de la joie dans les rues.

Piero des Fossi
Les vrais artistes ont existé seulement dans les cloîtres
Et ce sont eux qui ont offert à chacun
L'imagination du magique et du prophétique

Le cœur n'a pas besoin d'apprendre pour grandir
Et les enfants n'ont pas besoin de contes pour être heureux.
Tous les grands ont été des enfants, au moins une fois,
Mais peu d'entre eux s'en souviennent -, disait le Petit Prince.

Piero des Fossi
Tu avais sur toi l'odeur du génie sans frontières.
Aventurier de l'âme et déserteur d'écoles,
Tu dansais aux bras de la douleur et de la stupeur d'exister

Même les coups de fouet d'amours vécues ou défleuries,
Tu les portais imprimés comme des marques sur ta peau.
Ta folie était un acte de suprême créativité
Et tu laissais mourir les stupides en paix.

Piero des Fossi
Tu as été pauvre en tout mais pas en dignité.
Tu as chanté une mer au milieu des terres
Et les voies lactées des rencontres nomades.

Tu as ouvert une route à travers le désert des idées.
Il y a un temps pour un silence et temps pour les mots
et le chant qui donne le nom à la terre chantée
Continue d'exister dans l'imaginaire des peuples

Piero des Fossi
Dans ta ville de sel même le dernier des Mohicans
Raconte tes utopies d'amitié, de liberté et d'amour
Et là où le jour mange le crépuscule et naît le vent,

La flamme de la bougie danse avec les lucioles de mai
Et l'imagination descend dans les rues avec la poésie
Où ton égal qui est dans l'autre de tes rêves extrêmes
Est devenu le jardin enchanté des rêves de beaucoup…

Piero des Fossi
Tu riais des dames nues des calendriers parfumés des coiffeurs,
Tu savais que l'oubli du cœur réunit les dissemblables
Détruit les formes, les vieilles valeurs et modifie les lieux.

portons des lis des champs et des baisers au parfum de myrte
Aux anges tombés de notre mélancolie bleue
Car les vraies, les seules utopies amoureuses que nous avons connues
Sont celles que nous avons perdues, que nous ne perdrons jamais plus…