lundi 19 janvier 2015

Moi, j'aime la Chine…

Moi, j'aime la Chine…



Comptine enfantine de langue française – Moi, j'aime la Chine – Marco Valdo M.I. – 2015



« Dénoncez les ennemis de l’amitié franco-chinoise ! »






Lucien l'âne mon ami, voilà que je t'ai concocté une comptine. Enfin, il faut bien dire qu'elle existait déjà, mais je l'ai en quelque sorte adaptée à notre temps où comme tu le verras, la Chine, je veux dire la Chine officielle, la seule qui compte, pas celle des petites gens – la Chine, cette Chine d'importance pétrie, se révèle être le grand phare universel et brille tel un astre éternel par son humour ravageur.






Oh, Marco Valdo M.I., tu galèjes encore. Qu'as-tu donc à exalter la grande Chine, qui a tant d'importance dans le monde ? On dirait que nous voici revenus aux temps du Grand Timonier et de l'encensoir. Je ne te savais pas aussi cauteleux.






Comment ? Que penses-tu de moi, mon ami Lucien l'âne. Qu'imagines-tu ? Je veux juste par une petite comptine légèrement impertinente glisser un peu de Fluide Glacial sous le siège de la Chine.






Quoi ? Quelle est donc cette gaminerie ? Serais-tu retomber en enfance ?






Nullement, mon ami Lucien l'âne. Mais tu sais bien comme moi que les comptines, les chansons enfantines disent les choses sans avoir l'air d'y toucher. Et c'est précisément, cet effet-là que je cherchais. Je ne voulais pas d'une charge à l'artillerie lourde contre le plus grand pays du monde ou presque. Mais laisse-moi te conter l'histoire et l'événement qui m'a conduit à écrire cette comptine.






Mais alors, voilà que tous les intolérants du monde se rassemblent. Il est vrai que l'impertinence est le premier pas vers la liberté… et que la liberté, surtout elle, sonne le chant du cygne des gens de pouvoir. C'est la grande alliance entre les riches et les puissants, toutes les religions, les partis, les États.






Tout simplement, voici : après Charlie, on veut faire taire Fluide Glacial. (http://www.lemonde.fr/actualite-medias/article/2015/01/19/la-une-de-fluide-glacial-irrite-le-global-times_4558670_3236.html) En premier lieu, pour situer l'affaire – notamment pour nos amis chinois, si jamais on leur laisse lire notre petit entretien, Fluide Glacial est un périodique de bandes dessinées français, qui reprendrait bien la devise de Pilote (Mâtin ! Quel Journal!) : « Journal plein d'humour et de bandes dessinées ». Une presse qui a préparé, accompagné et qui prolonge cet étrange mouvement qui a secoué les esprits vers 1968. On en viendrait à penser que certains dans le monde en sont encore à vouloir faire taire l'esprit, la pensée et la parole libres. Lesquels esprit, pensée, parole ne sont que les prémisses de humanisation de l'homme et de ses sociétés.



Tu ne penses pas si bien dire, Marco Valdo M.I. Ils sont très, très nombreux ( et j'ai toujours connu ça...) ceux qui dans ce monde veulent tuer dans l’œuf l'esprit de liberté, le goût de la pensée libre, la volonté de parler, d'écrire en toute liberté. Ce sont les mêmes qui avaient déjà voulu, faire taire Spinoza et puis, qui avaient tenter de l'assassiner.






Donc, je lis dans la presse de ce jour, cette nouvelle consternante :
« C’est maintenant au tour de la Chine de s’indigner face à la Une d’un journal satirique français. Le journal de la presse officielle chinoise, le Global Times, dénonce «  l’indécence  » de Fluide Glacial après sa Une «  Péril jaune, et si c’était déjà trop tard  ? ». Le dessin illustre le Français moyen, dans sa version type internationale, en costard-cravate, béret sur la tête et Caporal sans filtre à la bouche, conduisant un Chinois et une jeune femme blonde dans un pousse-pousse dans les rues de Paris. »  Fin de citation.
Je reprends ma réflexion :
On comprend que la Chine n’approuve pas la liberté d’expression à la française ; du moins, la Chine aux ordres de son Gouvernement. La liberté de presse en Chine et le droit d'expression libre « à la chinoise »sont évidemment les deux mamelles de la Chine actuelle. Tout le monde sait ça depuis des années. On se souvient ici de l'épisode de Tien an Men. L'humour chinois officiel est comme les voies du Seigneur : il est impénétrable.






Ça me rappelle cette histoire cubaine… Lorsque les Zétazunis ont imposé le blocus à Cuba, ils ont en même temps empêché les Cubains (restés sur l'île) de voir les nouveaux films zétazuniens. Bref, pour faire court, le Gouvernement chinois a offert aux Cubains de suppléer à cette terrible disette et a fourni des films en quantité. Quelques temps plus tard, les Cubains (ceux qui habitaient l'île et qui allaient encore au cinéma) distinguaient trois sortes de films : les bons films, les mauvais films et les films chinois. Pour eux aussi, le cinéma chinois, c'était du chinois. On dit d'ailleurs par ici, dans nos régions : « Pour les Chinois, le chinois, ce n'est pas du chinois ».






Quoi qu'il en soit des Cubains et de leur goût pour le cinéma exotique, je reviens à l'histoire de Fluide Glacial. Je cite à nouveau la presse du jour : « Depuis l’attenMoi, j'aime la Chine…tat contre Charlie Hebdo et les assassinats qui s'en suivirent et avec l’apparition du mouvement « Je suis Charlie », la presse chinoise n’hésite pas à montrer son désaccord avec la liberté d’expression en France. Le Global Times a déclaré « On ne peut désormais que conseiller à la société française d’arrêter de représenter l’image du prophète ». Avant d’ajouter « Il est plus difficile pour les musulmans de changer leur foi que pour l’Europe d’ajuster sa conception de la liberté d’expression. Si les Français considèrent qu’un tel ajustement serait pour eux déchoir, alors leur quête de liberté d’expression s’apparente à une religion ». Quelle galéjade ! Ils sont vraiment drôles, ces Chinois officiels – les autres, on ne sait pas, ils ne peuvent rien dire.






Certes, dit Lucien l'âne en riant aux éclats de soleil de ses dents luisantes. On laissera Zazie répondre pour nous à cette gazette aux ordres : « Ajuster notre conception de la liberté d'expression ! Mon cul ! »






Excellente idée… Je crois entendre Zazie dire également : « Ces officiels, ces enflés avec leurs idées à la con ! ». Quant à moi, je conseille à nos amis chinois officiels (pour les autres, on leur souhaite simplement de pouvoir le voir un jour ce film historique de Jean Yanne ; je leur garantis qu'ils s'amuseront beaucoup – pour une fois) de se faire reprogrammer : « Les Chinois à Paris » (1974), où l'on scandait déjà : « Dénoncez les ennemis de l’amitié franco-chinoise ! ». Et surtout, surtout, qu'ils le regardent jusqu'au bout… Jusqu’au moment de la retraite des occupants et de leurs collaborateurs, qui marchent sur une route départementale… « C'est loin la Chine ? demande le collabo français au général Pou, commandant en chef de l'Armée Démocratique Chinoise d'Occupation. À 8500 km… », répond le général un peu désespéré. On rappellera qu'à l'époque déjà – en 1974, l'humour des « Chinois à Paris » n'avait pas reçu son visa pour la Chine. Le Gouvernement de la République Populaire de Chine avait déjà fait des pressions pour faire interdire le film, dès le tournage. Comme quoi, nihil novi sub sole – rien de neuf sous le soleil… Même en Chine.






On en apprend tous les jours, dit Lucien l'âne en balançant la tête d'un air goguenard. Je suggère donc à ces Chinois officiels de voir  (dans l'ordre...):
1) Les Chinois à Paris 1 http://www.youtube.com/watch?v=5UwvUit0zY4
2) Les Chinois à Paris 2 http://www.youtube.com/watch?v=EXSyEJoqgJ4
3) Les Chinois à Paris 3 http://www.youtube.com/watch?v=zmx1D8NxzDU
4) Les Chinois à Paris 4 http://www.youtube.com/watch?v=gOZEINBznn8
5) Les Chinois à Paris 5 http://www.youtube.com/watch?v=Zz2UrlslYMw
6) Les Chinois à Paris 6 http://www.youtube.com/watch?v=fLVaDCaqpXo
7) Les Chinois à Paris 7 http://www.youtube.com/watch?v=dO8iIejtLgE






Qu'ils regardent, qu'ils regardent… Tu as bien raison, Lucien l'âne mon ami, de leur conseiller et de leur donner des adresses.Mais c'est pas pour dire, Messieurs les Chinois de gouvernement et apparentés, on apprécie beaucoup que vous lisiez Fluide Glacial et que vous connaissiez les caricatures de Charlie et le reste. Mais au fait, combien de Chinois ont-ils lu Charlie ou Fluide Glacial ? Il vaudrait mieux dire : Combien de Chinois ont-ils eu ne fût-ce que l'occasion de lire Charlie ou Fluide Glacial ? Si vous les leur donniez à lire pour qu'ils puissent se faire une opinion ? Qu'en pensez-vous ? Offrez-leur un abonnement d'un an, par exemple ; ce serait quand même avec leur argent... Mais je galèje, je galèje, il va de soi évidemment que tous les Chinois ont le droit de pratiquer cet art particulier de la caricature ou simplement, ont tous accès à Fluide Glacial et de ce fait, certains d'entre eux pourraient – le cas échéant – être perturbés par le rire ? Sinon, juste une supposition qu'ils n'ont pas accès à Charlie, Fluide Glacial, mais seulement au Global Times ou aux autres gazettes de régime, ils ne pourraient avoir aucune opinion, ni sur Charlie, ni sur Fluide Glacial, ni sur ce que ces journaux publient. Ce serait déplorable au plus haut point.






Écoute, Marco Valdo M.I. mon ami, toi et moi et peut-être bien d'autres, nous pensons qu'il s'agit là d'humour chinois… Humour, toujours l'humour ! Et de fait, il nous fait bien rire le Global Times, quand il dénonce « l’indécence » de Fluide Glacial.






Tiens, justement à propos d' « indécence de Fluide Glacial », Fluide glacial
(http://www.fluideglacial.com/pages/charlie/charlie.php.) publie une série de caricatures en l'honneur de Charlie ! Pour conclure, à l'usage de tous ces pisse-vinaigre, je propose une petite maxime :
« Plaisir d'humour ne dure qu'un moment, manque d'humour dure toute la vie. » et à tous ceux-là, je leur suggère cette réflexion de mon professeur de morale : « Si vous voulez jouer aux cons, je suis le plus fort et je vous jure que je gagnerai ! »



En attendant que les petites gens de Chine aient accès à Charlie et à Fluide Glacial, continuons notre tâche et tissons le suaire de ce vieux monde plein d'humour officiel, vaticinateur, drolatique et cacochyme.






Heureusement !






Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane









Chine, Chine,
Moi, j'aime la Chine
Et les chapeaux chinois
Ah, ah !


Chine, Chine,
Moi, j'aime la Chine
Et les jardins chinois
Ah, ah !


Chine, Chine,
Moi, j'aime la Chine
Et les petites gens chinois
Ah, ah !


Chine, Chine,
Moi, j'aime la Chine
Et son très grand État
Ah, ah !


Chine, Chine,
Moi, j'aime la Chine
Et les présidents chinois
Ah, ah !


Chine, Chine,
Moi, j'aime la Chine
Et les journaux chinois
Ah, ah !


Chine, Chine,
Moi, j'aime la Chine
Et l'humour des Chinois
Ah, ah !

Chine, Chine,
Moi, j'aime la Chine
Et le rire chinois

Ah, ah ! 

Chine, Chine,
Moi, j'aime la Chine
Et les chapeaux chinois
Ah, ah !

vendredi 16 janvier 2015

La Chanson de Dachau

La Chanson de Dachau


Version française – La Chanson de Dachau – Marco Valdo M.I. – 2015
Chanson allemande – Dachaulied – Jura Soyfer1938
Texte : Jura Soyfer
Musique : Herbert Zipper



« Arbeit macht frei », c'est vraiment du foutage de gueule...




Je ne souhaite pas faire de longs commentaires ; je voudrais seulement rapprocher cette chanson de la suite de 24 chansons que comporte Dachau Express, qui raconte à son tour – de façon plus ample et plus détaillée – la vie dans le camp de concentration quelques années plus tard, telle qu'elle fut rapportée par un prisonnier italien antifasciste, Joseph Porcu.
Marco Valdo M.I.


Herbert Zipper raconte en 1988 à l'« Österreichischen Musikzeitschrift » comment nacquit cette chanson :
« En août 1938, dans le camp de concentration de Dachau, pendant une semaine entière, Jura Soyfer et moi, on dut charger une brouette de sacs de ciment, qui avaient été empilés à l'extérieur du camp de concentration. Ensuite, nous devions conduire la brouette dans le lager et la décharger. Donc, nous avons passé la porte d'entrée du camp de concentration jusqu'à trente fois par jour. Un jour – c'était, je crois, le troisième ou quatrième jour, je dis à Jura, qui faisait le même travail : « Tu sais, cet écrit au-dessus de la porte, « Arbeit macht frei », c'est vraiment du foutage de gueule. Nous devons vite faire une chanson de résistance, pour donner un peu de courage à nos camarades de captivité. » Et Jura répondit : « Oui, je crois, j'y ai déjà un peu travaillé. »


« Trois jours après – alors nous devions travailler dans une carrière de gravier, où nous étions plongés dans l'eau jusqu'au ventre, Jura vint près de moi et dit qu'il était déjà prêt, et il me récita le texte, vu qu'on ne pouvait naturellement pas le transcrire. Si quelqu'un avait trouvé avec un texte du genre, il aurait été condamné à mort ou bien de toute manière, il aurait passé un très vilain quart d'heure. Et ainsi moi aussi, j'ai appris le texte par cœur. »
Jura Soyfer récita le texte aux camarades de captivité deux ou trois fois ; ensuite, Zipper put commencer à le mettre en musique. Zipper était habitué à composer de tête. Dans un camp de concentration, c'était un avantage, vu qu'on ne pouvait rien transcrire – chose à laquelle, du reste, on ne se serait pas fié.

La « Chanson de Dachau » est une marche, dans laquelle les prisonniers se donnent du courage mutuellement. « Ce devait être ainsi de sorte que les trois premières strophes décrivent seulement l’ambiance, les faits et les sentiments, sans nommer vraiment les tortures, et qu'on frappait et on pendait. Ceci nous ne le voulions pas, aucun des deux. Non, dans toutes les œuvres d'art, c'est certainement plus fort, lorsque il s'agit de la bestialité humaine, de ne pas montrer la violence en soi, mais la faire naître dans l'imagination de l'auditeur, puisque l'imagination est toujours plus forte de la réalité.
De ceci nous en avons discuté, bien que ce devait être une chanson de lutte. Déjà dans le premier vers, « Barbelés, chargés de mort, », on dévoile la situation. Ou bien « Avec devant nous, la bouche des fusils / Jour et nuit, nous vivons.». Ce sont des allusions qui décrivent vraiment l'atmosphère, mais pas la violence-même. Nous disons seulement « Traîne la pierre et tire le train », qui est ce que nous faisions vraiment, mais ne mentionnons pas les faits horribles. »
Herbert Zipper se rappelle même comment deux guitaristes et un violoniste apprirent la chanson dans le camp de concentration, et comment elle fut répandue. « Je sais encore que j'ai ruminé deux-trois jours, à propos de ce que je devais faire ; ensuite, je suis tombé sur un excellent violoniste, qui était kapò, et qui s'est déclaré vite prêt à apprendre la chanson. Jura connaissait un des guitaristes, et j'ai travaillé avec l'autre. Un soir, j'ai fait les essais avec le violoniste. Nous avions environ une heure et demie de temps avant que la sirène ne sonne. Après, personne ne pouvait plus être debout, autrement il aurait été fusillé immédiatement. Alors je lui ai présenté la chanson, le jour après nous l'avons répétée, et ensuite la nous avons chantée tous les trois… »
(D'un article du « Süddeutsche Zeitung » [« Dachauer Neueste »], 4.1.1989, page 2)

Le groupe « Die Schmetterlinge » (« les Papillons ») a publié l'album « Verdrängte Jahre », consistant en textes de Jura Soyfer, mis en musique. Ils interprètent aussi la « Chanson de Dachau ».

Barbelés, chargés de mort,
Tendus autour de notre monde.
Au-dessus, un ciel impitoyable
Envoie gel et soleil brûlant.
Loin de nous sont toutes les joies
Loin la patrie, loin les femmes,
Quand, muets, nous marchons au travail,
Par milliers dans l'aube grise.

Car la devise de Dachau nous avons appris
Et nous nous sommes endurcis.
Sois un homme, camarade.
Reste un homme, camarade.
Fais ton travail, trime camarade.
Car le travail, le travail rend libre.

Avec devant nous, la bouche des fusils
Jour et nuit, nous vivons.
La vie nous a appris
La plus dure des leçons.
Ici, personne ne compte en jours et semaines ;
Certains, même plus en années.
Et tant d'entre nous ont été brisés
Et ont perdu leur visage.

Car nous avons appris la devise de Dachau
Et nous nous sommes endurcis.
Sois un homme, camarade.
Reste un homme, camarade.

Fais ton travail, trime camarade.
Car le travail,
le travail rend libre.

Traîne la pierre et tire le train
Nulle charge n'est trop lourde pour toi.
Celui que tu étais dans les jours lointains,
Aujourd'hui, n'est plus depuis longtemps déjà.
Enfonce la pelle dans la terre,
Rentre ta pitié profondément à l'intérieur,
Et deviens par ta sueur
Toi-même acier et pierre.

Sonnera une fois la sirène ;
Pour le dernier appel. Dehors,
Où nous nous trouverons alors,
Tu seras à ta place, camarade.
La liberté nous offrira son clair sourire.
On avancera avec un nouveau courage,
Et le travail que nous ferons,
Ce travail sera bon.