lundi 27 septembre 2021

JEU DE FILLE

 

JEU DE FILLE



Version française – JEU DE FILLE – Marco Valdo M.I. – 2021

Chanson italienne – Gioco di bimbaLe Orme (Pagliuca-Tagliapietra) 1972




LA FILLE SUR LA BALANÇOIRE

Winslow Homer – 1879



Dialogue maïeutique


Voici une histoire, Lucien l’âne mon ami, une histoire ancienne et en même temps, une histoire d’aujourd’hui et dont je crains fort qu’il s’agisse encore d’une histoire de demain et même, d’une histoire de toujours.


Une histoire d’hier, une histoire d’aujourd’hui, une histoire de demain, une histoire de toujours ?, demande Lucien l’âne. Mais une histoire de quoi ? En somme de quoi s’agit-il ?


Pour le dire tout droit, sans fioriture, dit Marco Valdo M.I, c’est l’histoire d’un meurtre, l’histoire d’un assassinat et sans doute aussi, sans que cela soit dit d’un crime sexuel, d’un viol. Pourtant à entendre la chanson, on dirait une histoire rêveuse, qui pourrait – du moins au début – être une histoire heureuse et se révèle finalement tragique. Véritablement, c’est une histoire triste : l’histoire d’une fille que la mort vient chercher dans son sommeil somnambule, qu’un homme s’en vient surprendre et sans doute lui aussi pris dans son propre cauchemar, finit par assassiner la fille.


Oh, dit Lucien l’âne, cette histoire, ce Jeu de Fille me rappelle cette autre chanson dont nous avons déjà parlé ensemble, celle que chantait Isabelle Aubret et qui s’intitulait La Source.


En effet, dit Marco Valdo M.I., et je pense qu’il vaut mieux renvoyer au dialogue que l’on fit à cette occasion, car on n’a pas changé d’avis. Pour le reste, de façon générale, il vaut mieux laisser la chanson elle-même dire ce qu’elle sait et ce qu’elle ressent.


Bonne idée, continue Lucien l’âne, d’autant qu’il y faut un certain halo poétique pour évoquer plus que montrer crûment. Dans ce genre d’affaire, il convient de laisser flotter une sorte de brume afin d’atténuer l’horreur.


Qu’est-ce qui peut expliquer pareil comportement meurtrier ?, dit Marco Valdo M.I., véritablement, on ne sait. Mille choses, rien ? Et c’est bien là le problème et une chose est certaine, et c’est bien le pire, les « sanctions » ne résolvent rien et n’ont jamais empêché que ces horreurs se reproduisent ; la plupart du temps, avec d’autres acteurs et souvent, imprévisibles, inimaginables. Évidemment, ça ne rend pas ces brutalités plus supportables.


Comme je vois, et je m’en doutais depuis longtemps, dit Lucien l’âne, car j’ai toujours connu, tout au long de mon long périple, de tels malheurs et comme tu le dis, personne n’a jamais trouvé le moyen d’y mettre fin. C’est une étrange maladie qui touche l’humanité. Pour le reste, tissons le linceul de ce vieux monde brutal, absurde, dérangé, taré et cacochyme.


Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane




Les yeux clos, elle avance sans bruit,

Au pas d’une chanson magique

Et sur la balançoire, berce ses rêves.


Avec son long peignoir, son visage de lait,

Les rayons de lune sur ses cheveux épais,

Parmi les fleurs, la poupée de cire détonne,

Les feux follets jaloux l’espionnent.


Elle se balance, le vent la prend pour une voile.

Égrenant ses vœux, elle cueille les étoiles.

Du mur, se détache une ombre furtive.

Dans ce jeu d’enfant, une femme s’esquive.


Un cri le matin au milieu de la rue,

Un homme en morceaux invoque les nues.

Il répète d’une voix à jamais éperdue,

« Je ne voulais pas l’éveiller comme ça.

Je ne voulais pas l’éveiller comme ça. »

vendredi 24 septembre 2021

LE DERNIER SOURIRE

 

LE DERNIER SOURIRE


Version française – LE DERNIER SOURIRE – Marco Valdo M.I. – 2021

Chanson italienne – Ultima risataAlessio Lega2021


Paroles et musique : Alessio Lega
Video : Raffaele Rago

TG Suite – La Cronaca Cantata, bando « Open City 2021"
Comune di Scandicci



LA MORT

D’après Paul Kidby – 2014


Dédiée au comique afghan Khasha Zwan.



Dialogue maïeutique


Je vais commencer notre petit dialogue maïeutique, autant dire « accoucheur de pensée » par une citation, dont je laisserai à chacun le soin de l’interpréter par rapport à l’assassinat qu’évoque la chanson. Pour ta gouverne, je rappelle que fin juillet 2021, le citoyen afghan Fazal Mohammad, mieux connu par ses fans sous le nom de « Khasha Zwan », était assassiné par les talibans. C’était un humoriste, un comique, un homme plein d’ironie et de rire et comme pour les amis de Charlie-hebdo, c’était ce que lui reprochaient fondamentalement les talibans.


Ah, dit Lucien l’âne, ces talibans, ce sont des bouchers.


Tu ne crois pas si bien dire, Lucien l’âne mon ami. Voici maintenant ma citation, elle fut écrite en 1937 par Jacques Prévert, pour le dialogue d’un film intitulé Drôle de Drame.


Pour un drôle de drame, c’est un drôle de drame. Avec tout ce qui se passe en Afghanistan, c’est le cas de le dire, dit Lucien l’âne.


Donc, reprend Marco Valdo M.I., la citation – c’est William Kramps, le tueur de bouchers qui parle :


« Vous comprenez : moi, dans le fond, ça m’arrange de tuer les bouchers parce que – de ma nature, je suis plutôt sensible ; je n’ai jamais fait de mal à une mouche. J’aime bien les bêtes, j’ai une passion pour les animaux tandis que les bouchers, eux, ils les tuent les animaux. Alors moi, je tue les bouchers. Et puis, je leur prends leur argent aux bouchers, puisqu’ils tuent les animaux et que moi, je les aime les animaux, je n’ai pas de remords, vous comprenez. Un peu d’argent, un boucher de temps en temps, un peu de soleil et un peu d’amour. »


Si j’ai bonne mémoire, dit Lucien l’âne, l’acteur qui joue le rôle de William Kramps est Jean-Louis Barrault. Et bien évidemment, je vois très clairement qui sont les bouchers quand il s’agit d’imposer la religion. Et j’en sais quelque chose, moi qui parcours le monde depuis la plus haute Antiquité ; j’ai toujours vu les massacres et les exactions perpétrées au nom des religions, des croyances, des dogmes et autres hallucinations.


C’est bien Jean-Louis Barrault - Jean-Louis Barrault qui dit Moi, je tue les bouchers. Tout ça, dit Marco Valdo M.I., c’était pour introduire la chanson d’Alessio Lega et la version française que je viens de finir. Là aussi, il convient d’interpréter et de réfléchir doublement. Cela dit, il est possible que la version française soit légèrement décalée par rapport à la chanson italienne ; mais c’est le cas de quasiment toutes les versions. Celle-ci est assez fidèle cependant.


À voir le nombre de chansons d’Alessio Lega que nous avons déjà vues ici, il n’y a pas à s’y tromper ; nous on doit partager une certaine vision des choses avec lui. Cela dit, la chanson, que dit-elle ?, demande Lucien l’âne. En substance.


Elle se présente comme une mise en scène, répond Marco Valdo M.I. ; comme la mise en scène de la dernière scène d’un artiste comique, conscient de ce qui l’attend. Lue ainsi, la première strophe est terrible :


« Comme c’est la fin bientôt

De ce spectacle bien minuté,

Avant de vous quitter

Et de disparaître derrière le rideau ».


Effectivement, dit Lucien l’âne. Tout est dit ou presque.


La fin aussi, Lucien l’âne mon ami, est grande d’effroi et glaçante. La mort, en burqa, vient chercher l’artiste et derrière son paravent, la dame en noir sourit. Enfin, l’acteur aime à le penser.


« Elle a fait un seul signe de tête encor

Elle a dit “Hop là” et j’étais déjà mort.

Ici, les femmes ont un visage secret

Pourtant, j’ai cru qu’elle me souriait.


Mais de ses yeux, j’aurais dit

Qu’elle me sourit. »


Si je comprends bien, dit Lucien l’âne, entre ces deux strophes, il y a le reste de la chanson.


Exactement, enchaîne Marco Valdo M.I., et comme il en va d’ordinaire ici, on le laissera dans l’ombre afin que chacun puisse en faire sa religion.


Très drôle, dit Lucien l’âne, ce « en faire sa religion » ; un paradoxe comique pour nous qui somme athées, anticléricaux et obstinément irréligieux ; le tout, par souci de liberté. En ce qui concerne d’ailleurs, ça fait des siècles que je fuis à travers le monde ceux qui voudraient me contraindre à leurs pratiques. Dès lors, tissons le linceul de ce vieux monde croyant, crédule, religieux, oppressant et cacochyme.


Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane




Comme c’est la fin bientôt

De ce spectacle bien minuté,

Avant de vous quitter

Et de disparaître derrière le rideau,


Je voudrais remercier déjà

Tous les acteurs de ce gala.

On se reverra, si on ne meurt pas ;

Si de rire, vous ne mourez pas


Avant
mon dernier rire, avant.


Pour l’heure, en bas, une voiture m’attend

Avec quatre types barbus et armés.

Ils friment, mais ce sont des gens pressés.

Qui sait si les bourreaux sont payés à présent ?


Quelle belle escorte ! Quelle grande finale !

Pour un comédien afghan inconnu.

Ma vidéo devient virale,

Moi, je suis n’y suis déjà plus.


Sur vos écrans, je suis parti depuis longtemps.


Plus généralement, grâce aux Talibans

Avec leurs fusils tordus ?

Le monde entier s’en fout complètement,

Mais quelqu’un les leur a vendus


Avec trois grenades, ils font une friture

D’un aéroport et deux bouddhas.

Je pense à Mahomet, le pauvre gars

Avec ses fanatiques, de vraies ordures.


Qui sait s’il condamne ces ordures ?


Et je remercie aussi les Américains

Qui sont partis d’ici avant-hier ;

Depuis vingt ans, nous attendons le lendemain

Dans la paix des cimetières.


Comme un cadeau, ils nous ont envoyé

Leur belle démocratie si renommée

Emballée comme la théière de leur mémé,

Toute neuve, on dirait qu’elle n’a jamais été utilisée.


Tellement neuve, on ne l’a jamais utilisée.


Grâce à la mort sous burqa, quelle finale !

Pour me trancher la gorge, elle était devant moi :

J’ai dit : « Attention à la lame – elle est sale ».

Je n’ai pu dire que ça, car le temps avait fui déjà.


Elle a fait un seul signe de tête encor

Elle a dit “Hop là” et j’étais déjà mort.

Ici, les femmes ont un visage secret

Pourtant, j’ai cru qu’elle me souriait.


Mais de ses yeux, j’aurais dit

Qu’elle me sourit.

samedi 18 septembre 2021

LA CHANSON DU SOLDAT

 



LA CHANSON DU SOLDAT


Version française – LA CHANSON DU SOLDAT – Marco Valdo M.I. – 2021

d’après la version italienne – CANZONE DEL SOLDATO de Riccardo Gullotta2020

D’une chanson arménienne – Մարտիկի ԵրգըAshot Satyan / աշոտ սաթյանca. 1943


Poème : Gegham Saryan [Գեղամ Սարյան]

Musique : Ashot Satyan [աշոտ սաթյան]

Interprètes : 1. Arpenik Hakobyan [Արփենիկ Հակոբյան] – 2. SHANT TV, épisode Sahmanin [Սահմանին] /Al confine, 2016 – 3. Harutyun Mkrtchyan – 4. Carmen Balian

 

 


ARMÉNIE

Martiros Sarian – 1923



Le monument « Jamais plus de guerre »


Le monument a été érigé dans le parc de la Victoire à Erevan en 1975, à l’occasion du 30ᵉ anniversaire de la victoire dans la Seconde Guerre mondiale. Sur une plaque sont gravés les mots en arménien et en russe. Sur une population de 1,5 million d’habitants, 500 000 Arméniens ont combattu dans l’armée soviétique contre les Allemands. Environ la moitié ont été tués ou ont disparu. À titre de comparaison, l’armée américaine a compté 400 000 victimes sur une population de 130 millions d’habitants.

Vahan Khachikyan, le sculpteur de l’œuvre, n’a pas pu assister à l’inauguration. Il est mort dans un accident peu avant, à l’âge de 24 ans.

Aujourd’hui, le monument est dans un état de délabrement. Les proches du sculpteur l’entretiennent tant bien que mal. On n’en parle plus ; il figure sur la liste des reliques soviétiques gênantes. Peu de gens prêtent attention à son histoire et à sa signification.

La chanson

La chanson a été composée pendant la Seconde Guerre mondiale. Elle était intitulé Karot [Կարոտ] / désir, d’après le livre de poèmes du même nom de Gegham Saryan. Quelque temps plus tard, le titre a été modifié pour devenir le titre actuel, La Chanson du Soldat.

Le poète Gegham Saryan

Son nom de naissance était Gegham Baghdasaryan. Il est né à Tabriz, en Iran, en 1902. Il a déménagé à Gyumri en Arménie à l’âge de vingt ans. Il a publié plus de 40 ouvrages de poésie. Il est décédé en 1976 à Erevan.






Je veux rentrer en avion chez moi,

Là, ma mère veillera sur moi,

Et je reverrai le ruisselet

Qui tant me manquait,

Qui au printemps recréera

De ses eaux cristallines

Des montagnes, la douce cavatine.


J’
irai à la source m’agenouiller

Dans les pâtures me coucher ;

Comme me manquent ces eaux fraîchies

Et les fleurs aux suaves fragrances,

Et nos vertes prairies,

Où dans mon enfance

Les vents m’ont embrassé !


Si je ne tombe pas en me battant,

Le pays natal au cœur,

Très chère maman,

Je reviendrai certainement

Et je te réveillerai, sur l’heure,

D’un baiser plein de douceur

Et je te serrerai fort, maman.


Très chère maman,

Je reviendrai certainement

Et je te réveillerai, sur l’heure,

D’un baiser plein de douceur

Et je te serrerai fort, maman.


vendredi 17 septembre 2021

Le Monde des Animaux


Le Monde des Animaux


Chanson française – Le Monde des Animaux – Marco Valdo M.I. – 2021


Épopée en chansons, tirée de L’Histoire du Parti pour un Progrès modéré dans les Limites de la Loi (Dějiny Strany mírného pokroku v mezích zákona) de Jaroslav Hašek – traduction française de Michel Chasteau, publiée à Paris chez Fayard en 2008, 342 p.


Épisode 1 – Le Parti ; Épisode 2 – Le Programme du Parti ; Épisode 3 – Le Fils du Pasteur et le Voïvode ; Épisode 4 – La Guerre de Klim ; Épisode 5 – La Prise de Monastir ; Épisode 6 – La Vérité sur La Prise de Monastir ; Épisode 7 – Le Parti et les Paysans ; Épisode 8 – Le Premier Chrétien ; Épisode 9 – Le Provocateur ; Épisode 10 La Victoire morale ; Épisode 11 – Le Parti et ses Partisans ;



Épisode 12



LES DEUX SINGES ENCHAÎNÉS

Pieter Bruegel l’Ancien – 1562





Dialogue maïeutique


Le Monde des Animaux, Lucien l’âne mon ami, n’est cette fois, pas un documentaire animalier cinématographique, ni télévisé, ni vidéolisé, mais bien un journal illustré publié à Prague, qui, je te le rappelle, se trouvait encore à l’époque dans l’Empire austro-hongrois ; on était au début du XXᵉ siècle. Comme quoi, les animaux ont toujours été des sujets de publication pour un large public.


Oh, dit Lucien l’âne, ça ne m’étonne pas. Cependant, je serais bien incapable de dire quel fut le premier journal du genre, en quel pays et à quel moment. En tout cas, je pense que compte tenu la nécessaire technique d’impression en grand nombre et des photographies, il faut imaginer que ce ne peut être avant la moitié du XIXᵉ siècle. C’est lié du journal à grand tirage lui-même. Mais on n’est pas là pour faire de l’encyclopédisme technologique. Tout ça est fort bien, mais encore ?


Tout juste, Lucien l’âne mon ami. J’en viens donc à la chanson et à ce Monde des Animaux en ce qu’il a marqué l’aventure politique de Jaroslav Hašek et son Parti. Comme il le dit lui-même, le Monde des Animaux fut son école politique ; une terrible école de réalisme, comme on le découvre dans la description (par la chanson) de ce journal où quasiment tout est faux, copié, volé, plagié. En cela, il a raison de se prétendre : « le magazine national unique ». Bien sûr, comme toujours avec l’auteur de Chveik, il faut lire entre les lignes et au-delà du mur de la dérision.


Oui, dit Lucien l’âne, je vois ; c’est ce même Jaroslav Hašek dont tu déclaras dans notre dialogue à propos de La Chanson de Chveik le soldat :


« Chveik serait une sorte de bombe à comique ».


Oui, celui-là même, répond Marco Valdo M.I. ; celui-là même aussi qui de rédacteur au Monde des Animaux passe à la politique et crée le Parti, dont on s’occupe présentement ici.


« Avant de créer le Parti, j’ai appris la vie

À la grande école de la tromperie,

Comme rédacteur au Monde des Animaux »


Il avait transporté au Parti la devise du Monde des Animaux. Une bonne devise au demeurant et toujours efficace, surtout dans les affaires, le commerce et la politique.



Oui, je pense bien qu’il s’agit de lui, dit Lucien l’âne, mais au fait, quelle est donc cette fameuse devise ?


Oh, dit Marco Valdo M.I., elle vaut la peine d’être connue et répercutée de par le monde :


« Dis toujours du bien de toi ! »


En effet, il n’y a pas mieux, dit Lucien l’âne, pour se faire voir et se faire apprécier du public. C’est un slogan fort rentable. Quant à nous, de nous, nous ne dirons rien de semblable. Ça n’a aucun intérêt et c’est d’ailleurs strictement inutile. On n’ambitionne rien, on n’a rien à demander, on n’a rien à vendre et puis, dans le fond, comme disait notre grand-mère, on s’en fout et elle ajoutait même, « Je m’en fous tellement, que je m’en fous ! » Nous, c’est pareil. Alors, tissons le linceul de ce vieux monde intéressé, agité, ambitieux, merveilleux et cacochyme.


Heureusement !


Ainsi Parlaient, Marco Valdo M.I. et Lucien Lane





Dans la grande école de la vie, le politique

Doit apprendre à berner les citoyens.

Il faut savoir se salir les mains,

Car tout n’est pas propre en politique.

Dans les tavernes, le politique sourit

À l’électeur, le salue et lui dit

Son très vif intérêt en deux mots

Et pressé, s’en va vers d’autres pots.

Comme citoyen, au bistrot, ce qui plaît

Au politique, c’est qu’on lui foute la paix.


Avant de créer le Parti, j’ai appris la vie

À la grande école de la tromperie,

Comme rédacteur au Monde des Animaux,

Là, on vit de l’innocence des animaux

On vit là de la crédulité des gens.

Le patron criait, mentait, faisait semblant ;

En politique, le patron serait au moins député.

Le patron est mort, il faut en dire du bien.

Le patron me considérait comme un chien,

Moi, je considérais le patron comme un âne bâté.



Le Monde des Animaux est très populaire,

Il ne contient rien d’extraordinaire.

Tout est découpé de journaux étrangers,

Sauf les animaux rares qu’on a inventés.

C’est le magazine national unique.

Au Monde des Animaux, on dupait la terre entière.

On écrivait l’histoire des chiens prolétaires

Crevant de faim, battus, faméliques.

Sa devise : « Dis toujours du bien de toi ! »

Est celle du Parti pour un Progrès modéré dans les Limites de la Loi.


À propos d’animaux rares,

Le parti avait trois ailes.

Dans chacune d’elles, on savait boire.

La première au restaurant La Chandelle

Pratiquait la gastronomie politique

Et sirotait les alcools, les spiritueux et les vins.

On y vit le procureur de la future république.

Au Café Slave, la seconde entonnait les bières sans faim.

Au Litre d’Or, chez la troisième, en une puissante unité

Confluaient les trois courants en une convaincante ébriété.