LE
COÛT SOCIAL
L’ANONYME
TOSCAN DU XXIe SIÈCLE ET LE PETIT ORCHESTRE DU COÛT SOCIAL
Version
française – LE COÛT SOCIAL – Marco Valdo M.I. – 2018
Chanson
italienne – Costo
sociale – AT(hée) du XXI siècle – aprile 2018
Texte
et
musique :
Anonimo
Toscano del XXI Secolo
Sur
une
idée de
Riccardo
Venturi
Coro del Coordinamento Anarchico e Libertario di
Firenze (Chœur
de la coordination anarchiste et libertaire de Florence)
Dans
ce cas, je
fais
un
peu l’intermédiaire ;
mon vieil ami Riccardo Venturi,
hospitalisé
en soins intensifs pour l’énième
petit
infar
il
y a quelques jours (vous
aurez peut-être remarqué son absence du site), m’a prié de
développer l’idée
de chanson qu’il
avait
eue
durant
les longues
heures nocturnes, en tenant compte que
dans une
UTIC
(Unità
di Terapia Intensiva Cardiologica), on
ne
peut
faire grand-chose,
étant nus et cloués au lit dans une chose qui ressemble assez au 41
bis (carcer
duro, régime carcéral de haute sécurité).
J’ai exécuté volontiers le
travail,
en suivant les suggestions précises de RV, même si le susdit est
maintenant déjà bien
et que
dans son petit chez soi,
il fait
des
traductions du
suédois,
se
fait des
injections
d’insuline, car
sa
glycémie est
montée
à des valeurs monstrueuses suite à l’événement traumatique et
il
sifflote
gaiement ;
et qui le tue, cela…
dit par
le
soussigné lequel,
comme vous saurez tous, est immortel. Ainsi, en somme, est née
cette chose que j’ai confiée
à un « orchestrina » nouveau-né, formé – très
exactement – par moi-même
personnellement en
personne
et par
d’autres
étranges figures qui,
d’autre part, se sont pressées
les jours passés dans
le département
où Venturi était hospitalisé pour la post-opération (un rayon qui
s’appelle « Medicina di Elezione
– Médecine
d’Élection », à raison
de quoi
RV a immédiatement
crié :
« Ne pas déléguer, ne pas voter ! »).
J’inviterais même Venturi à en faire partie,
s’il n’a pas perdu la voix, et naturellement même le DQ82 qui
est médecin.
Comme disait mon ancêtre Anonyme Toscan du XIV Siècle, « un
barbier-chirurgien
fait
toujours
bon
usage. »
[At(hée)-XXI]
Dialogue
maïeutique
Lucien
l’âne mon ami, notre ami Ventu est revenu, le bon RV, alias mille
autres noms, a fait récemment un xième petit infar (infartino),
c’est-à-dire un infarctus du myocarde, événement fréquent chez
les humains, du moins dans la partie la plus urbanisée et la plus
riche de notre monde contemporain. Car, globalement, vois-tu mon ami
l’âne, dans les pays les plus riches, même les pauvres ont les
maladies des riches.
Oh,
Marco Valdo M.I. mon ami, je sais ça. C’est un des effets pervers
de la Guerre de Cent Mille Ans, non pas que les riches filent
perversement leur chtouille aux pauvres, mais parce que le mode de
vie général est pour une grande part calqué sur celui des riches,
même si c’est de façon caricaturale, même si en définitive, il
s’agit d’un ersatz : technologie, équipement, alimentation
– sucre, tabac, alcool à profusion ; le tout lié à une
sédentarisation et aux faux sports et aux fitnesses (mes fesses !)
n’y changent rien. La maladie, les maladies sont des faits de
civilisation ; elles sont fortement liées au mode de vie.
Peut-être,
Lucien l’âne mon ami, mais ça ne nous console pas des ennuis de
santé de notre ami. Je dirais même – en pensant à d’autres –
de nos amis. Depuis des années, l’ « infar » est
à la mode, en quelque sorte. « Le cœur, vous dis-je, le
cœur », dit-on maintenant où Molière voyait le foie et même
le poumon.
Oh,
dit Lucien l’âne, à cela, je ne résiste pas. Pour Ventu et lui
seul, je m’en vais faire la tirade du poumon de Monsieur Molière.
Halte-là,
Lucien l’âne mon ami, subodorerais-tu que notre ami Ventu serait
un malade imaginaire ?
Certes
non, Marco Valdo M.I. mon ami, mais je lui ferai quand même sa
tirade :
- « Ce
sont tous des ignorants, c'est du poumon que vous êtes malade.
- – Du
poumon?
- – Oui.
Que sentez-vous?
- – Je
sens de temps en temps des douleurs de tête.
- – Justement,
le poumon.
- – Il
me semble parfois que j'ai un voile devant les yeux. .
- – Le
poumon.
- – J'ai
quelquefois des maux de cœur.
- – Le
poumon.
- – Je
sens parfois des lassitudes par tous les membres.
- – Le
poumon.
- – Et
quelquefois il me prend des douleurs dans le ventre, comme si
c'était des coliques.
- – Le
poumon. Vous avez appétit à ce que vous mangez?
- – Oui,
Monsieur.
- – Le
poumon. Vous aimez à boire un peu de vin?
- – Oui,
Monsieur.
- – Le
poumon. Il vous prend un petit sommeil après le repas, et vous êtes
bien aise de dormir?
- – Oui,
Monsieur.
- – Le
poumon, le poumon, vous dis-je. »
- (Molière,
Le
Malade imaginaire, III, 10)
Le
poumon, certes, Lucien l’âne mon ami. Le poumon, quoique le foie
et le pancréas et l’insuline, dont dépend, semble-t-il, RV, ont
partie liée.
Dans
sa chanson, l’Athée du XXI met l’accent sur le « coût
social » de la santé et des traitements qu’on lui applique
et – à raison – il se réjouit de pouvoir être soigné sans
devoir (trop) débourser ou sans rien débourser du tout, c’est
selon. C’est l’argument de fond de la chanson. Je disais qu’il
a raison de se réjouir, car, dans de nombreux pays – et non des
moindres – ce genre de traitement est littéralement hors de prix
et accessible aux seuls (suffisamment) riches. Là-bas, la situation
est claire et simple : les pauvres ne se soignent pas. Je
n’ignore pas qu’il y en a aussi ici, mais actuellement encore,
c’est un phénomène encore assez limité.
Cela
dit, Marco Valdo M.I. mon ami, on n’est
pas là pour faire une conférence sur le système de santé dans le
monde. Parle-moi un peu de la chanson.
C’est
une excellente idée, rétorque Marco Valdo M.I., de mettre ainsi le
holà à ma logorrhée et de me ramener à la chanson de Ventu, dont
il y aurait un milliard de choses à dire, dont je te ferai grâce.
Cependant, elle me plaît beaucoup en ce qu’elle raconte le séjour
de Ventu en UTIC, mais vu par lui-même avec pas mal d’autodérision,
ce qui est un excellent remède à l’autolamentation. Je m’empresse
et je profite de la circonstance pour lui adresser nos plus vives
félicitations ; elles sont d’autant plus joyeuses que la
chanson est bien rassurante quand elle annonce et conclut :
« Quand
vous lirez ça,
je serai à table déjà
Avec
ma belle assiette
de bresàola,
L’huile,
le limoncino et le pain complet
Et
je vous envoie à tous ce secret
Que
je me prépare à ma vie normale,
Mais
d’une normalité
un peu spéciale,
À
ma vie pour tout
dire hors norme »
Restons-en
là, Marco Valdo
M.I. mon ami et comme RV et l’Athée du XXI (Stanislas André
Steeman l’avait bien dit : L’Assassin habite au XXI, roman
inspiré de Drôle de Drame (et de ses mimosas) de Jacques Prévert),
notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde malade,
égrotant, cardiaque, hépatique, essoufflé, sucré, diabétique et
cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Étendu
nu seul dans la
nuit
Enserré
de tubes roses ou
gris,
De
toux, de râles,
tout est normal,
Je
respire une
puanteur d’animal ;
Un
nouveau stent a
été posé
Et
on a débouché
les anciens ;
Ma
vie se dissout et
s’en va sans rien,
Bourré
d’insuline, s’écoule de mon corps
Un
peu de
liquide naturel et
de sanie,
Remis
au metoprolole
encore,
Remis
à la diète et
puis rétabli ;
Si
dans autre État,
j’avais été soigné
Comme
aux Étazunis, si
beaux, si grands,
Si
modernes, si
fiers, si importants,
J’aurais
dû payer les infirmiers ;
J’aurais
payé les tubes et les haricots verts,
Les
perfs, les cachets et
jusqu’aux aiguilles,
Le
séjour, l’eau, la bouffe et la thérapie,
Sans
compter combien coûte
cher
Une
heure de coronarographie.
Étendu
nu seul dans la
nuit,
Entre
rébus et mots croisés,
Je
révise mon
hébreu tout
éveillé,
« Prise
de sang ! », hurle une fille,
J’ai
une faim de loup,
un appétit de
lion.
J’ai
une faim de loup,
la dent d’animal,
J’ai
une faim de coût social ;
Coûter
un peu, mais il
me paraît
Que
je coûte moins qu’une
Panda,
Et
beaucoup moins
qu’un soldat,
Et
moins encore qu’une
mission de Paix.
Mes
demi-litres, mes
vodkas et mes fumées,
Mes
nuits blanches et
mes colères,
J’ai
retrouvé mes cathéters,
Mes
cocktails de pilules
et d’insuline,
Le
haricot, les carottes molles,
Le
yaourt maigre
sans vitamine,
Le
Plavix et mon
metoprolole.
Cependant
on s’en fout ;
il n’y a pas de
mal,
Parfois,
à se faire une injection de
médicament ;
Et,
comme dit un certain Génois, pas banal,
Va-z-y
toi lui dire que c’est le
printemps.
Je
vous écris et quand
vous lirez ceci,
Je
serai déjà chez moi
dans mon charivari,
Là,
avec mon vélo et
mes tartines,
Mes
anars, mes
livres, mon chat
et mon canari,
Mes
chansons contre la guerre
et mon
insuline.
On
m’a dit :
« Du
mouvement !
Il faut bouger !
Et
ne nous cassez
pas les pieds ;
En
somme, Monsieur
Venturi, vous nous coûtez
Plus
que des vacances de
luxe en été. »
Et
je rétorque, les
statistiques à la main,
Qu’une
avalanche dans la vallée ;
Quelle
putain de
maléfique chiée
Que
cette santé privatisée.
Quand
vous lirez ça,
je serai à table déjà
Avec
ma belle assiette
de bresàola,
L’huile,
le limoncino et le pain complet
Et
je vous envoie à tous ce secret
Que
je me prépare à ma vie normale,
Mais
d’une normalité
un peu spéciale,
À
ma vie pour tout
dire hors norme,
Et
vous salue d’un
beau coût social.
[Ghghghghghghg
!!!]