Les
Coquets Lieutenants
Chanson
française – Les
Coquets Lieutenants – Marco Valdo M.I. – 2015
ARLEQUIN
AMOUREUX – 2
Opéra-récit
historique en multiples épisodes, tiré du roman de Jiří Šotola
« Kuře na Rožni » publié en langue allemande, sous le
titre « VAGANTEN, PUPPEN UND SOLDATEN » – Verlag C.J.
Bucher, Lucerne-Frankfurt – en 1972 et particulièrement de
l'édition française de « LES JAMBES C'EST FAIT POUR
CAVALER », traduction de Marcel Aymonin, publiée chez
Flammarion à Paris en 1979.
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Les corps sans voix tressautent les pieds à l'air
Les coquets lieutenants vont dormir sous les choux de Marengo.
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Revoici
donc une canzone qui raconte la suite de l'histoire de ce
Matĕj, alias Matthias, Matys, Matysek, Mathieu, qui
n'est pas sans rappeler d'ailleurs, mon cher ami Lucien l'âne, un
certain Fabrice del Dongo – tous deux assistant à une bataille
napoléonienne en tant que simple soldat. Cependant, à part ça,
tout les oppose : Fabrice est supposé beau, aristo, jeune et
séduisant, séducteur, enthousiaste et engagé volontaire dans
l'armée napoléonienne ; Matthias est un enrôlé de force dans
l'armée autrichienne, est plus âgé, et on le verra plus tard,
n'est certainement pas beau, quant à sa capacité de séduction…
Si tous les deux sont dans le camp défait, notre Matthias assiste à
la victoire du
Premier Consul
Bonaparte à Marengo en 1800 et le Fabrice de Stendhal est
à Waterloo en 1815 pour assister à la défaite de l'Empereur
Napoléon.
Mais
quand même quels destins parallèles et antithétiques, dit Lucien
l'âne. Mais ne m'avais-tu pas dit que Matthias, ce qui ne serait pas
venu à l'esprit de ce héros de Fabrice, était un déserteur ?
Précisément,
et cette canzone est celle de l'accomplissement de l'acte. Matthias
va profiter, il vaudrait mieux dire va bénéficier de la défaite
inattendue des Autrichiens et de leur déroute pour disparaître en
espérant qu'on le range au rang des morts au champ de bataille.
Mais, comme il l'apprendra et nous avec lui, les choses ne sont pas
si simples. Maintenant, j'aimerais te dire quelques mots sur le
déserteur, sur le genre particulier de déserteur qu'est notre
Matthias. En premier lieu, je tiens Matthias, etc. pour un vrai
déserteur, car dès ce moment que relate la canzone, il sera
déserteur et désertera jusqu'à la fin de sa vie
des années plus tard. Ainsi,
sa
vie va se confondre avec une très longue désertion, une très
longue poursuite, une vie de fuyard, de banni, toute de crainte
et de dissimulation. Une
vie de clandestin, de sans-papiers, de sans lieu... Une
vie de misère aussi. Il
ne se vante pas d'être déserteur, il s'en cache autant qu'il le
peut. Il veut juste une vie simplement agréable et il n'y parviendra
pas. Il n'est pas déserteur par un acte de courage, comme
le fut Joseph
;
bien au contraire, il est un déserteur peureux et terrorisé, qui
fuit l'autorité. Il n'affronte pas, il évite. Mais on pourra dire
ce qu'on veut, pour être un déserteur, c'est un vrai déserteur. Il
est plus proche de Chveik
qui dit :
« J'ai
jeté mon beau fusil
J'ai jeté tous mes habits
J'ai quitté la
Cacanie
Et je recommence ma vie
Surtout, ne me reconnaissez
pas
J'étais Chveik le soldat
Et surtout, oubliez-moi,
J'étais
Chveik le soldat. »
que
du déserteur
de Vian . Et j'ai comme le sentiment qu'il a dû y en avoir des flopées des
esquiveurs comme lui ; je
pense même qu'ils doivent – ces esquiveurs – constituer la
grande armée des déserteurs, tous camps confondus.
Il me fait penser à Villon ; oui, je crois que Villon, s'il a
pu échapper à Montfaucon, a dû vivre cette vie d'errance, d'animal
traqué.
Comme
je te vois parti avec cette histoire de Matthias, on n'a pas fini
d'en parler. Manière comme une autre de tisser le linceul de ce
vieux monde honorifique, hâbleur, combattant et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Doucement,
très doucement, je grimpe dans la paille
Jusque
sous le toit à deux pas de la bataille
In
Namen des Kaisers ! Au nom de l'Empereur !
L'Empereur,
mon cul ! Je suis déserteur.
Sous
les fanes, le fusil. Les poules caquètent au soleil.
Vaincre
ou mourir ! Victoria ! Victoire !
Dans
la plaine, le baron et la Patrie entrent dans l’Histoire.
Dans
mon nid, en sueur, je sombre dans le sommeil.
Oui,
Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur
Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
Cocorico,
cocorico, la nuit pâlit.
La
paille craque et crisse sous mon dos.
La
brume sent le sang ici.
Caleçon,
chemise, godillots ! Matthias, te voilà chemineau !
Ruisseau,
roseaux, arbrisseaux !
Foutons
le camp de ce marigot !
Mange
ta carotte, Matthias, bois un peu d'eau !
Un
feu scintille sur la colline là-haut.
Oui,
Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur
Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
Le
gros Feld-maréchal von Melas
A
signé la capitulation.
L'armée
d'Autriche dans la mélasse
S'éloigne
à l'horizon.
Un
chariot passe où s'entassent les beaux militaires
Le
conducteur injurie ses chevaux.
Les
corps sans voix tressautent les pieds à l'air
Les
coquets lieutenants vont dormir sous les choux de Marengo.
Oui,
Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur
Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.